La vieille guerre militaire, drapeaux et trompettes au vent, peut se raréfier ou disparaître. La compensation sera le développement de la guerre révolutionnaire provoquée directement chez l'ennemi.
Un prurit de nouvelles sensationnelles, comme la presse Occidentale en a l'habitude, permet à l'adversaire de multiplier l'effet psychologique d'actions modestes et répétées.
C'est qu'en effet pendant cette longue période l'armement ne conférait qu'une faible capacité de résistance à un détachement isolé. Pour se déplacer en sécurité, l'armée devait rester groupée. Comme son volume était modeste, elle ne constituait qu'un point dans l'espace à la recherche de l'autre point représenté par l'armée adverse. [...] Les deux armées, lorsqu'elles se rencontraient pouvaient toujours refuser la bataille en se retirant. On offrait la bataille ou l'on acceptait la bataille offerte par l'adversaire, ou bien l'on se dérobait. C'est ce qu'on a appelé "la bataille par consentement mutuel".
Les opérations avaient alors pour but de forcer l'adversaire à accepter la bataille dans des conditions désavantageuses pour lui. On recherchait le résultat en envahissant son territoire et en le ravageant.
En se fondant sur le précédent d'Hiroshima et de Nagasaki certains pensent que la destruction de quelques grandes villes suffirait à faire capituler n'importe quel État moderne. D'autres, allant plus loin, calculent la fraction de puissance économique adverse que l'on devrait détruire pour blesser grièvement l'ennemi et lui infliger ainsi une perte de puissance qui constituerait un handicap durable et inacceptable pour lui. Certains théoriciens américains considèrent enfin que la seule destruction efficace est celle des armes nucléaires ennemies parce qu'elle désarme l'adversaire.
Du fait de cette double caractéristique (puissance et portée) l'arme atomique produit un phénomène entièrement nouveau ; il n'y a plus de rapport entre la puissance et la masse.
D'autre part, cette puissance de feux extraordinaire a une mobilité presque totale, qui contraste avec la lourdeur des masses armées et qui permet d'atteindre n'importe quel point du territoire. La défense des frontières par le mur humain que constituent les armées s'avère impuissante à protéger le pays contre la destruction physique ou l'infection nucléaire.
À cause de l'influence du facteur industriel, la préparation est devenue plus importante que l'exécution car la possession de moyens supérieurs est plus décisive que la façon de les employer.
L'homme du XXe siècle, hanté par les deux catastrophes inutiles de 1914-1918 et de 1939-1945 et armé de tous les moyens de science moderne, a peut-être enfin trouvé le moyen d'en empêcher le retour. Mais le prix qu'il devra payer, imposé par un destin ironique, sera différent de ce qu'il escomptait : la lutte maintenue sur un registre mineur, sera devenue permanente.
La grande guerre et la vraie paix seront alors mortes ensemble.
Dans la guerre logistique qui se déroule actuellement en temps de paix, les délais de réalisation sont de l'ordre de cinq années. Il faut donc raisonner cinq ans à l'avance sur une situation future extrêmement conjecturale. La prospective devient une discipline absolument vitale.