"L'Extravagant voyage de T.S. Spivet" de Reif Larsen (Alchimie d'un Roman, épisode 5)
Une goutte d’eau est une chose admirable : elle choisit toujours le chemin offrant le moins de résistance.
Cartographier un roman est une tâche délicate. Parfois, les paysages imaginaires m'offraient un refuge, un répit dans la mission que je m'étais assignée de cartographier le monde réel dans sa totalité. Mais ce répit était toujours assorti d'un sentiment de vacuité : je savais que je me leurrais, que l’œuvre de fiction n'était qu'une illusion. Sans doute, certains parviennent-ils à justifier le plaisir de l'évasion par la conscience du leurre, peut-être est-ce précisément là tout l'intérêt des romans, mais pour ma part j'ai toujours trouvé difficile d'accepter cette cohabitation de la réalité et de la fiction. Peut-être faut-il simplement être adulte pour réaliser ce numéro d'équilibriste qui consiste à croire tout en ne croyant pas.
La bureaucratie réduit à néant toute forme de bienveillance.
« Je devais constamment lutter contre l’étrange poids de l’entropie pour éviter d’étouffer dans ma chambre minuscule, remplie à ras bord des sédiments d’une vie de cartographe. » (p. 13)
Je me demandais si mon père avait conscience de mon malaise. Il n'était pas du genre à s'étonner du silence des autres. Pour lui, le silence était un plaisir, pas un signe de désarroi.
« Ma chère, je suis trop vieux pour haïr qui que ce soit. Le Seigneur m’a donné le talent de l’écriture, et il a doté le monde de créatures si complexes et si belles qu’il nous faudra au moins un millénaire pour toutes les décrire. Ressasser les désaccords personnels est une perte de temps. »
La médiocrité, c'est la moisissure de l'esprit.
Les adultes étaient des entasseurs pathologiques de vieille émotions inutiles .
Ils étaient en train de jouer à l'awalé. J'étais sur le canapé, occupé avec une de mes cartes. "Maman, est-ce que je peux donner le sida à l'herbe ? avait demandé Layton.
- Non, avait dit le Dr Clair."
Cela confirmait l'hypothèse que j'avais formée il y a quelques temps déjà, que, passée minuit, les bruits dans les vieilles maisons n'obéissaient plus au bon vieux principe de l'effet généré par la cause : le bois de la véranda pouvait craquer de son propre chef, les petits cailloux pouvaient se frotter tous seuls les uns contre les autres.