AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

3.93/5 (sur 28 notes)

Nationalité : Allemagne
Né(e) le : 22/03/1908
Mort(e) le : 23/02/2000
Biographie :

Albrecht Goes, Pasteur protestant, aumônier de la Wehrmacht pendant la guerre, hanté par l'Holocauste et son caractère indicible et alogique, l'affronte dans deux grands récits: Das Brandopfer (1954) et, quelques années plus tard, Das Loffelchen (La Cuiller d'Argent, 1965). En 1980, lors de leur réédition, Goes y ajoutera Wort Danach (Postface). Il dénonce dans la Nuit de Cristal, qu'il n'appelle jamais que par son vrai nom, die Nacht des Synagogenbrands, la décision voulue et consciente du choix du Mal absolu, le "Non à l'Alliance Première de Dieu".

Source : Wikipédia
Ajouter des informations
Bibliographie de Albrecht Goes   (4)Voir plus

étiquettes
Video et interviews (1) Voir plusAjouter une vidéo

Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
-Oui, je sais : faire le mal, pour éviter le pire ; c'est bien cela ? La mission du glaive est la mission de l'ordre. Mais voulez-vous me dire quel est l'ordre que nous défendons dans cette guerre ? L'ordre des cimetières. Et le dernier cimetière, le plus vaste, c'est nous qui en serons les occupants. À supposer que nous survivions, on nous demandera : vous, qu'avez-vous fait pendant ce temps ? Nous viendrons dire : quant à nous, nous ne sommes responsables de rien ; nous n'avons fait qu'exécuter les ordres que nous avons reçus. Je les vois d'ici, mon cher frère, les acceptants en foule, qui, ce jour-là, se laveront les mains dans l'onde d'innocence. Il faudra un grand essuie-main pour tant de mains à sécher ; oui, un essuie-main grand comme un linceul. Non ; sérieusement, ce que je voulais vous demander : pensez-vous que nous valons mieux que Kartuschke et ses semblables ; ne sommes-nous pas pires qu'eux, nous qui sommes conscients de ce que nous faisons ?
Commenter  J’apprécie          250
Il ne faut pas rater un suicide ; on ne s'attire que des ennuis, ou pire. C'est la guerre. On n'a pas le droit de vivre à sa guise. Mourir à sa guise, encore moins.
Commenter  J’apprécie          212
Albrecht Goes
Les coupables meurent dans l'innocence ; ceux qui méditent gardent les yeux ouverts, et se tourmentent jusqu'à l'aube.
Commenter  J’apprécie          110
-Monsieur le Pasteur ?
-Oui.
-Je suis le capitaine Ernst.
-Bonsoir, monsieur Ernst.
En le saluant ainsi, je retrouvais l'avantage, le bien-fait de ma fonction, qui me mettait à même de m'adresser à la plupart des commandants d'unité comme un civil parle à un civil. au fond, je n'étais pas intégré à la hiérarchie du commandement; nous avions à peu l'équivalence avec les commandants, et nous appartenions à un univers à part. Pour Hitler, le secours spirituel en campagne était un accessoire superflu; plusieurs fois il fut sur le point de le supprimer purement et simplement. L'institution en elle même n'avait guère d'importance; mais chacun de ceux qui étaient investis de cette charge avaient des possibilités qui n'étaient pas négligeables.
-Je suis commandant de compagnie dans un bataillon de pionniers; la Kommandantur nous a chargés de fournir pour demain matin le peloton d'exécution n° 1/10; j'ai moi-même été désigné pour commander ce peloton.
-Triste mission.
-Je suppose que nous n'avons ni l'un ni l'autre à nous féliciter, mon ... cher collègue.
-Comment cela? Vous êtes ...
-Oui, je suis pasteur. Dans un village prés de Soest. Je ... pardonnez-moi mon cher frère, mais cette mission est au dessus de mes forces.
Il s'arrêta, et pendant quelques temps nous marchâmes en silence l'un à coté de l'autre. Je ne pouvais voir le visage de cet homme; seule sa voix venait jusqu'à moi, s'adressait à moi. Il avait une douzaine d'années de plus que moi, peut-être quinze. Il appartenait à une génération qui avait fait la guerre de 14. Il avait de la peine à se tenir droit. Il s'arrêta.
-Je ne peux pas.
C'était la conclusion d'un long débat intérieur, épuisant et pénible.
-Tout ça, c'est fait exprès. C'est encore une méchanceté du commandant Kartuschke.
-Le commandant vous en veut particulièrement?
Le capitaine Ernst se rapprocha de moi, baissa la vois et répondit:
-Nous nous connaissons Kartuschke et moi. Nous nous connaissons même très bien. pour mon malheur, puis-je dire. Il y a vingt-deux ans en 1920 exactement, Kartuschke et moi nous vivions dans la même maison: il était mon vicaire.
-Ce n'est pas possible? Kartuschke, lui un théologien?
De stupeur, j'avais sursauté, et élevé la voix.
-Pas si fort, mon cher confrère, le vent a des oreilles
Commenter  J’apprécie          20
Devant le bâtiment de la Kommandantur, un poste en armes ; il y a des huiles ici ; qui sait ? peut-être bien un général. J'entrai dans l'immeuble et cherchai, comme d'habitude, le bureau du major de la garnison. "11 A, Commandant Kartuschke" ; voici la bonne porte. Tous les bureaux ont leur atmosphère propre. Celui qui, comme ma fonction m'y amène, a l'occasion de pénétrer dans beaucoup de bureaux acquiert un flair spécial pour ce genre de choses. On peut y faire une étude approfondie des particularités régionales de l'Allemagne ; on apprend à reconnaître l'Allemagne du Nord, celle du Sud, à distinguer la Bavière de l'Autriche ; on s'habitue aussi à mesurer le degré de conviction hitlérienne du chef de chaque bureau, comme on pèse le degré d'alcool d'un vin.
- Le commandant est en conférence, dit le sous-officier. L'atmosphère n'était vraiment pas agréable. À tout prendre, j'aimais encore mieux la nôtre, là-bas. Ce n'est pas que chez nous elle ait été gaie ou d'une exquise urbanité. Après tout, il n'y avait pas de quoi être gai. Mais il régnait ici quelque chose qui me déplaisait souverainement. Je me tournai vers la porte, avec l'impression pénible de sentir rivé sur moi le regard de l'un des deux sergents installés au milieu de leurs dossiers. Avant de refermer la porte derrière moi, j'eus encore le temps d'entendre ce même sergent dire à l'autre avec un gros rire :
- Ben oui, pour une conférence, c'est pas une conférence? Hein ?
Commenter  J’apprécie          10
Je répliquai que précisément j'essayais de me faire une idée de l'affaire en question ; mais son ricanement m'avertit tout de suite que je faisais fausse route ; il n'avait pas pensé une seconde au dossier du tribunal, mais à mon billet de logement et aux diverses formalités de mon séjour.
- L'affaire ? Qu'est-ce qui ne vous paraît pas clair dans cette affaire ? dit-il en martelant la table du poing. Qu'est-ce que vous voulez de plus ? Des détails psychologiques, peut-être ? Moi, quand j'entends parler de psychologie, ça me donne envie de dégueuler. Demain matin au petit jour, un bon Notre Père. Point, à la ligne. Terminé pour les machines. Non, mais quoi ? Si on a du temps de reste, c'est pour les troupes combattantes. Les crétins comme ça, ça me ferait mal ! Ça vous regarde, après tout, dit-il encore, quand la seconde porte de son bureau s'ouvrit, et le général apparut.
Kartuschke se raidit au garde-à-vous en se tournant vers son chef. Le général, un homme d'une soixantaine d'années, des décorations sur la poitrine, avait son manteau déboutonné. Un visage d'alcoolique, rouge, couturé de cicatrices, sans expression.
J'avais salué ; j'attendais que le général m'adressât la parole, s'il en avait envie. Le commandant Kartuschke me présenta.
- Le pasteur, dit-il. Au fait, il aurait pu dire : monsieur le Pasteur. Le pasteur est venu pour assister demain à l'exécution de Baranowski.
Commenter  J’apprécie          10
Le planton apporta le dossier. C'était un carton assez épais, déjà ficelé avec tant de soin qu'on comprenait du premier coup d'œil : pour les bureaux, l'homme était déjà mort.
- Bien de la paperasse, dit le juge militaire. Vous avez de quoi lire. Comme je vous l'ai dit, nous ne sommes pas autorisés à nous dessaisir des pièces ; mais je me rends compte que nous avons affaire à un cas exceptionnel. Je vous confie le dossier, mais je vous fais observer que vous en êtes personnellement responsable.
- Naturellement.
- Je vous demanderai de me le confirmer par écrit. - Bien volontiers.
Je signai un reçu, et demandai tout en signant :
- Où est la prison ?
- Vous descendez la rue, trois cents pas, et vous l'avez en face de vous, un bâtiment assez bas ; en fait, ce n'est qu'un local de détention, pas une vraie prison. Adressez-vous à l'adjudant Mascher.
- L'adjudant Mascher ? Bien. Je vous remercie.
- Je vous en prie. Au revoir, monsieur le Pasteur. Demain matin, je viendrai à la prison pour la lecture de la sentence vers, mettons, cinq heures quinze ; comme ça, nous aurons le temps.
- Oui. Je serai là.
Commenter  J’apprécie          10
- Je tiens essentiellement à prendre contact avec Baranowski dès ce soir. Mais par ailleurs il ne faut pas qu'il apprenne avant le dernier moment pourquoi je suis ici. Demain matin il sera bien temps. Comment voyez-vous la chose possible ?
Visiblement l'adjudant se ressaisissait. Il se rendait compte que je savais assez exactement ce que je voulais ; il comprenait que si je lui demandais son avis et si je l'associais à la décision, ce n'était là de ma part que pure courtoisie. Son regard s'éclaira, et il répondit :
- Si je peux me permettre une suggestion, monsieur le Pasteur, vous pourriez peut-être faire une petite réunion, comme le faisait le pasteur Holze. Quelquefois, cela se passait le soir. Personne ne s'étonnera. Les gars sont si contents, les nuits sont si longues, ça fait une coupure. Comme ça, monsieur le Pasteur, vous pourrez voir Baranowski. D'ailleurs, c'est un brave garçon. C'est ce que je dis toujours dommage pour le pauvre type. Mais que voulez-vous, la désertion, rien à faire. Est-ce que j'alerte mes hommes ?
- Bien ; d'accord comme ça.
Commenter  J’apprécie          10
Vous me mettez dans une étrange situation. Ou plutôt, c'est la vie qui me met dans cette situation. C'est à moi de vous dire d'être demain à votre poste. C'est à moi, en quelque sorte, de vous donner une bonne conscience dans l'accomplissement d'une affreuse mission. Que voulez-vous que je vous dise ? Voulez-vous que je vous dise : si, vous, mon frère Ernst, vous n'exécutez pas l'ordre, vous savez que cela ne sauvera pas Baranowski ; il faudra qu'il y passe quand même ; et vous, vous serez cassé de votre grade. Avez-vous le droit de vouloir cela ? Le seul résultat : dans cette abominable guerre, un officier humain de moins, un officier inhumain de plus. Car, vous ne vous faites pas d'illusions, on vous remplacera sans difficulté ; des officiers, on en trouve comme des carottes au marché. Ou bien dois-je vous rappeler les paroles d'un certain Martin Luther, qui, voici quatre cents ans, a posé la question : un homme de guerre peut-il être en état de grâce ? et qui a répondu : oui.
Commenter  J’apprécie          10
Une fois encore je regardai le commandant. Il portait les deux croix de fer, et la médaille de l'infanterie d'assaut, une décoration dont, je le savais, on ne faisait pas cadeau. Il n'avait pas de dignité, cet officier. Pas de doute là-dessus. Mais il avait une histoire. Quels enchaînements y avait-il dans sa vie ? Peut-être valait-il la peine de connaître ces enchaînements, cette vie. Après tout, notre mission nous prescrit d'avoir souci des âmes ; de toutes les âmes. Encourager le scribe, le brave Schrotz, ce n'était pas là une tâche bien difficile. La nuit, avec Baranowski, cela allait être plus dur. Mais les Kartuschke, tous les Kartuschke de cette immense armée ? Qu'est-ce qu'ils deviendront ? Qu'est-ce qu'ils ne deviendront pas ? Et nous, qu'y ferons-nous ? Notre part, à nous, là-dedans ? Je partis. Je déclinai l'offre de me faire accompagner par un sous-officier jusqu'au cantonnement des officiers. - Merci, je me débrouillerai bien tout seul.
Commenter  J’apprécie          10

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Albrecht Goes (57)Voir plus

Quiz Voir plus

Jeu du vrai ou faux [44. Onomatopées animales]

1. Le son caractéristique des congénères réels de Woody Woodpecker est «pic! pic! pic!».

VRAI
FAUX

10 questions
54 lecteurs ont répondu
Thèmes : animaux , onomatopées , sons , bruitCréer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *}