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La Fabrique éditions [corriger]

La Fabrique est une maison d`édition française créée en 1998 par Éric Hazan, qui publie des essais engagés à gauche de la gauche.

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Les mots et les torts

Sous forme d’entretien-conférence, une magnifique leçon de philosophie politique authentique, jusque dans les détails d’une pratique foncièrement égalitaire de l’écriture.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/05/10/note-de-lecture-les-mots-et-les-torts-jacques-ranciere/



Conçu à partir d’un séminaire organisé par le philosophe Javier Bassas avec Jacques Rancière à Barcelone en 2018, puis complété par écrit et revu par l’auteur du « Maître ignorant », « Les mots et les torts » a été publié en 2019, puis en 2021 à La Fabrique pour sa version française. Si la première édition ne portait en sous-titre que l’objet principal du séminaire, « Sur la politique du langage », la deuxième insistait cette fois sur la forme adoptée : « Dialogue avec Javier Bassas ».



Même si la forme du questionnement adoptée au fil des pages porte davantage vers la conférence que vers l’échange direct « enlevé », on trouvera ici une explicitation particulièrement précieuse, mobilisant les travaux antérieurs de Jacques Rancière comme ceux, par moments, de Javier Bassas, de la conception du langage (mais tout particulièrement de l’écriture) comme un outil égalitaire potentiel, à toujours revendiquer et pratiquer – contre les efforts conscients et inconscients de séparatisme et de récupération (si bien illustrés par ailleurs chez le grand D’ de Kabal) que les élites auto-proclamées entretiennent si souvent autour de lui.



Il est passionnant d’observer au long de ces 100 pages la manière dont Jacques Rancière, patiemment, reprend le fil (qui pourrait toujours devenir un « Fil perdu », justement, s’il n’y prenait soigneusement garde) de son commentaire ou de sa démonstration, en s’opposant chaque fois que nécessaire, poliment mais fermement, aux dérives interprétatives que suggère son interlocuteur : à chaque tentative de sa part, volontaire ou partiellement involontaire (la rigueur du vocabulaire de Jacques Rancière, face à cela, n’a d’égale que sa volonté de partage en commun), pour rétablir des distinctions ou des barrières aux mauvais endroits, pour laisser subsister des frontières inutiles (ou bien malignes, voire perverses, dans quelques cas extrêmes), le philosophe né à Alger réplique aussitôt, avec une douceur qui n’exclut pas une forme secrète de véhémence (tant il est difficile d’extirper certains préjugés implicites, même chez des confrères ô combien respectés tels que Javier Bassas). Le langage authentiquement commun, celui qui permet de faire politique et non pas distinction au profit de quelques-uns, cette koinè dont Mélanie Fiévet nous livrait tout récemment une superbe métaphore fictionnelle (à lire ici), est une conquête de chaque instant, de constance et de patience qui ne peuvent pas exclure une forme de colère rentrée.



Il est passionnant de constater comment le grand connaisseur de philosophie, de littérature, d’art et de cinéma qu’est Jacques Rancière saisit chaque occasion, que l’on évoque des positions réputées « théoriques » ou sa propre pratique de l’écriture, pour renvoyer les frontières – en tout cas les plus artificielles et auto-justificatives d’entre elles – entre les genres de langage (et implicitement aussi, pour un philosophe à qui « Les bords de la fiction » (2016) ne font pas peur du tout, entre genres littéraires) à leur rang d’artifice – pas toujours innocent, loin de là. Il est ainsi particulièrement gratifiant pour nous, en tant que lectrices, lecteurs, passeuses et passeurs, de voir pratiqué – et avec quel talent et quelle obstination ! – un véritable élitisme de masse et une authentique abolition des barrages spécieux, jusque dans les moindres détails d’une écriture enracinée dans l’exigence et le partage. Et c’est bien comme cela que le langage est et redevient plus politique que jamais.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Une histoire de la conquête spatiale: Des fus..

Décapante et ultra-documentée, une histoire de la conquête spatiale qui met à mal les récits dominants militaristes et capitalistes, comme la vraie-fausse mystique humaniste et scientifique dont ils aiment à déployer le charme fumigène autour d’eux.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/05/08/note-de-lecture-une-histoire-de-la-conquete-spatiale-irenee-regnauld-arnaud-saint-martin/



Publié en février 2024 à La Fabrique, l’ouvrage salutaire de Irénée Régnauld et d’Arnaud Saint-Martin manquait cruellement à l’histoire française contemporaine des sciences et techniques – et de leur contenu de facto éminemment politique. Comme le souligne aussitôt le sous-titre, à dessein légèrement provocateur (« Des fusées nazies aux astrocapitalistes du New Space »), cette histoire-là de la conquête spatiale n’entend pas s’en laisser conter par toutes les voix si promptes à défendre vivement, dans l’ordre ou le désordre, destinée manifeste et rêve étoilé, profits mirifiques envisageables et nécessités de la défense nationale, ou encore retombées technologiques civiles et sauvegarde d’un mode de vie fossile et extractiviste si gourmand en ressources que notre bonne vieille Terre ne pourra plus longtemps produire.



Il était important de rappeler – et de documenter soigneusement, ce que permettent bien les 40 pages de notes serrées et de sources détaillées en fin d’ouvrage -, d’abord, les péchés originels de l’idéologie dominante de la conquête spatiale : des racines nazies jamais véritablement digérées, dont l’inquiétante figure de Wernher von Braun constitue le principal – mais non le seul, loin de là – emblème, tel qu’il trônait dès 1964 au cœur de l’immense « Dr. Folamour » de Stanley Kubrick, ou tel qu’il était distillé dans le précieux « Mojave épiphanie » d’Ewen Chardronnet en 2016, mais aussi une inscription forte et précoce au sein d’un combat prétendûment technologique dont les enjeux sont avant tout idéologiques et financiers (affrontement du « capitalisme » et du « communisme » dont bénéficient d’abord les actionnaires – ou équivalents – des complexes militaro-industriels respectifs des deux camps en présence – que l’on songe au tableau incisif dépeint par exemple par un Kim Stanley Robinson dans « La Côte Dorée » en 1988, et davantage encore aux satires incisives conduites par le Barry N. Malzberg – celui-là même qui avait dû démissionner de la rédaction en chef de la revue des auteurs de science-fiction américains (SFWA) après un éditorial de 1969 critiquant la NASA… – de « Apollo, et après ? » en 1972, côté américain, ou par le Viktor Pelevine de « Omon Ra » – que l’on rêverait de voir un jour réédité – en 1992, côté soviétique).



Un drapeau étoilé sur la Lune ou le fantasme martien réitéré d’un milliardaire mégalomane ne devraient pas pouvoir faire oublier aussi aisément, in fine, les tunnels concentrationnaires de Dora dont ils sont assez directement issus : Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin nous le rappellent avec une insistance salutaire.



Il fallait ensuite montrer dans toute leur ampleur les programmes de propagande directe ou indirecte qui ont environné dès l’origine ou presque le récit projeté de la conquête spatiale.



À travers son choix de figures publiques ou un peu moins publiques mais toujours hautement significatives, parmi lesquelles se distinguait, au premier rang, l’astronaute Neil Armstrong, Hugues Jallon nous écrivait, avec ce mélange détonant d’humour noir et de sérieux tongue in cheek qui le caractérise au moins depuis « Zone de combat » et « Le début de quelque chose », en quoi pouvait consister « La conquête des cœurs et des esprits » (2015) en la matière et ailleurs. Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin ont su décrypter pour nous, un peu à marches forcées dans leur deuxième chapitre, l’incroyable disneylandisation de l’astrofuturisme à laquelle se sont prêtées aussi bien la science-fiction des « space enthusiasts » que sa version édulcorée à destination d’un plus grand public à convertir.



On ne soulignera d’ailleurs jamais assez l’importance dans ce domaine, au tournant dangereux et décevant (du point de vue du complexe militaro-spatial) des années post-Apollo avant l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan, d’un Jerry Pournelle, ingénieur aéronautique de haut niveau chez Boeing et chez Rockwell pendant plus de trente ans, reconverti en auteur de survivalisme et de science-fiction à succès (même s’il n’y atteindra jamais la renommée mondiale de son ami Larry Niven, il fut tout de même président de la SFWA sus-citée en 1973) et en influenceur politique (défendant des vues qu’il qualifiait lui-même de paléo-conservatisme) – on lui doit notamment la création et l’animation du Citizen’s Advisory Council on National Space Policy, think tank très actif dans les années 1980 (jusqu’à rédiger une grande partie des discours de Reagan à propos de l’Initiative de Défense Stratégique, plus connue, justement, sous son surnom de guerre des étoiles), dans lequel il était parvenu à enrôler, au côté d’astronautes et de militaires de haut rang retraités, ainsi que de cadres dirigeants de l’aéronautique et des industries de défense, des auteurs beaucoup plus influents que lui auprès du lectorat, tels que Poul Anderson, Greg Bear, Robert A. Heinlein, Gregory Benford ou encore – naturellement – Larry Niven.



Les chapitres III et IV se concentrent sur le lien indéfectible, au fil des années comme aujourd’hui, entre l’espace (même marketé comme « civil ») et les militaires des grandes puissances, ainsi que sur la marchandisation de moins en moins rampante qui, sous couvert d’initiative privée, est néanmoins alimentée principalement par la dépense publique (les chiffres en sont particulièrement édifiants). Là comme ailleurs, la sorcellerie capitaliste du partenariat public-privé, affectant à long terme le profit au privé et la perte ou le risque au public, opère à plein régime.



Le chapitre V est celui qui permet de laisser résonner (discrètement toutefois) une forme d’espoir dans cette histoire toute de doom & gloom. : oui, en matière d’espace, chez les scientifiques comme chez les praticiens, chez les politiques comme chez les autrices et auteurs de science-fiction ou de vulgarisation fictionnelle, il a existé et il existe des pratiques qui se démarquent nettement de cette pente cruelle (et pas uniquement, bien sûr, en renommant les faits et les choses, ou en adoucissant certains angles trop saillants et donc trop visibles – ce dont l’industrie des relations publiques attachée de près ou de loin au « Militainment Inc. » – pour reprendre le titre d’un ouvrage de Roger Stahl – s’est fait une spécialité au fil des années). C’est bien ici, aux côtés des actions presque enchantées telles que celle de l’Association des Astronautes Autonomes et de quelques autres , que l’on trouvera les ferments actifs d’une conception de l’espace qui ne soit pas que conquête (même déguisée) – et qui, à l’image de l’évolution d’un Kim Stanley Robinson sur ce thème, de « La trilogie martienne » à « 2312 » puis à « Aurora », sache concilier curiosité scientifique authentique et sens des priorités planétaires actuelles.



L’ouvrage est en tous points remarquable, et vous captivera même si vous croyez ne vous intéresser ni à l’espace ni à la science-fiction, soyez-en sûres et sûrs.
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Les Blancs, les Juifs et nous : Vers une po..

Une vision particulière, peu entendue, peu relayée, différente, intéressante.

Parfois des postures pour interpeller, pour choquer, provoquer dans le but de faire lire puis réfléchir.

Le ton est vindicatif, le « vous » est trop employé un peu plus de nous serait bien aussi.

C’est une vision qui ne permet pas l’universel, il manque l’interprétation avec le prisme des classes sociales.

Essai facile à lire, il faut donc le lire et le faire lire car il donne vraiment à réfléchir.
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