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1945 - Avec la pénurie de papier et la pauvreté galopante, le KAMISHIBAI, est un moyen de distraction accessible et très populaire. Il s'agit de dessins que l'on montre dans la rue, tout en racontant une histoire. De nombreux auteurs de manga y trouveront refuge ou y feront leurs armes.

1946 - Première parution de Sazae-San. Le YONKOMA (bandes de quatre cases) est implanté au Japon depuis l'apparition de la presse, mais s'est peu exporté. Bientôt publiée dans l'un des plus grands quotidiens (Asahi Shimbun) Sazae-san, avec ses 6477 épisodes, a accompagné le Japon jusqu'à nos jours (sous forme d'émissions radiodiffusées et d'animes aussi). Féministe et indépendante, l'auteure Machiko Hasegawa y décrit la profonde transformation sociétale du Japon à travers la vie d'une femme au foyer. (Profitons-en bien, c'est la seule femme de cette liste, une exception dans un milieu encore essentiellement masculin. Il y en aura plus dans la prochaine)

1947 - Succès phénoménal, la nouvelle île au trésor introduit un nouveau langage et est la première oeuvre marquante du tout jeune OSAMU TEZUKA. Elle accompagne le boom des AKABONS (les livres rouges bon marché des années 1948-50... euh rien à voir avec ceux de la Chine)

1950 - Chaînon manquant et oublié, l'EMONOGATARI (romans en images) fleurit après guerre dans les publications pour la jeunesse. D'abord recyclage d'images de kamishibai, il intègre de plus en plus d'éléments visuels et de thèmes venant des comics américain, avant d'être supplanté (ou de s'y fondre) par le manga tezukien à la fin des années 1950. Impossible de trouver une oeuvre éditée aujourd'hui de ce courant, alors voici Goseki Kojima, qui bien avant d'illustrer Lone Wolf & Cub dans les années 1970, fait ses armes dans le kamishibai et l'emonogatari.

1950 - le roi Léo. Preuve de la circularité des influences, cette oeuvre d'un auteur dont l'admiration pour les dessins animés de Disney façonne le manga, inspirera en 1994 un film à ces mêmes studios. (Saviez-vous que c'est à cause de Bambi que les personnages de mangas ont de grands yeux ? Enfin, il paraît... moi je préfère la bambi de Kaneko)

1952 - Tetsuwan Atomu, alias ASTROBOY est l'oeuvre emblématique d'Osamu Tezuka et du manga à travers le monde, objet d'innombrables hommages. Le petit robot au grand coeur doté de pouvoirs immenses protège les faibles et la vie sous toutes ses formes.

1954 - EIICHI FUKUI meurt de surmenage, conséquence des cadences infernales que s'imposent déjà alors les mangakas. Issu de l'animation japonaise, novateur, très populaire, il est le grand rival de Tezuka jusqu'à sa fin prématurée qui a peut-être changé la face du manga. (Igaguri-kun traite de judô, un thème interdit pendant l'occupation par les forces d'occupation américaines, car jugé trop... martial. Le sumo aussi, misère).

1956 - Mitsuteru Yokoyama crée le premier ROBOT GEANT de l'histoire du manga, Tetsujin 28-gô (l'homme de fer n° 28), au look encore très boîte de conserve. Yokoyama a créé une oeuvre riche et influente, comme Kamen No Ninja Akakage, maintes fois copié. Au bord de l'eau date de 1969 et est une adaptation du roman chinois traditionnel (je l'ai mis là car c'est la seule oeuvre de Yokoyama adaptée en français)

1957 - Yoshihiro Tatsumi forge le terme GEKIGA (images dramatiques) dont les thèmes adultes s'opposent au manga jusqu'alors essentiellement enfantin. Actif jusque dans les années 1970, noir, expressionniste, montrant l'intériorité, aux thèmes sociaux et psychologiques, le courant du gekiga fertilise le futur seinen et permet le manga d'auteur. Il sera publié dans le circuit florissant des librairies de prêt, en marge des grands éditeurs, avant leur faillite à la fin des années 1960. Autobiographique, Une Vie dans les Marges (créé à partir de 1995) retrace la naissance de ce courant.

1959 - Shigeru Mizuki, un auteur à la vie extraordinaire, et très curieux du Monde, crée Gegege no Kitarô, double en négatif d'Astroboy (et d'abord pour le kamishibai). Ancré dans la tradition folklorique du Japon (les YÔKAÏS), revanche du dépassé et du refoulé, indémodable, Kitarô le borgne est toujours vivant aujourd'hui. Shigeru Mizuki est aussi à ce jour le seul japonais à avoir remporté le prix du meilleur album du festival d'Angoulême. Dessiné en 1977, NonNonBâ a remporté le prix en 2007. Intemporel...

1963 - Encore le petit robot, mais à la télé. C'est avec Astroboy que Tezuka, auteur fécondé par le cinéma, lance l'animation japonaise moderne, une première série d'animes, produite pour la télé, rapidement et à bon marché (et qui a atteint des audiences phénoménales), dont les descendants Goldorak et Candy etc. nous arriveront bien avant les mangas.

1964 - Fondation de la revue GARO, spécialisée dans l'avant garde, le gekiga, le manga d'auteur. Publiée jusque 2002, Garo sera le terrain d'innovation de nombreux auteurs et courants. KAMUI DEN de Sampei Shirato, une histoire forte de ninjas, d'inspiration marxiste, et ayant révolutionné la mise en scène des combats (y a-t-il un rapport ?) est le fleuron de la première période (Katsuichi Nagai aurait lancé la revue pour le publier). Mais là, on met le pied dans ma prochaine liste.