« Le bon sens, c'est ce qui nous dit que la Terre est plate et immobile. Il est l'intelligence de l'ignorant; une intelligence de première intention, forcément trompeuse et mutilée. Affirmer le contraire, c'est omettre tant la complexité du monde que la grossière partialité des perceptions individuelles.
Ce qui est inacceptable, c'est de confondre opinion, bon sens et expertise. L'expert, n'en déplaise aux démagogues et pourfendeurs de l'élitisme, c'est celui qui maîtrise les savoirs fondamentaux de son champ d'intérêt.
Il faut « penser soi-même » nous dit-on. Qui en doute ? Toutefois, pour livrer ne serait-ce qu'un embryon de pensée pertinente, encore faut-il avoir des connaissances précises sur lesquelles s'appuyer. Penser dans le vide, ce n'est pas penser, c'est divaguer.
Comment quelqu'un pourrait-il, par exemple, parler avec intelligence du réchauffement climatique s'il ne sait rien des sciences du climat ? L'idée même est absurde.
Avant de révolutionner leur domaine, Picasso, Einstein, Kepler, Darwin ou Wegener ont passé des décennies à digérer les travaux de leurs prédécesseurs.
C'est ce patient labeur, et lui seul, qui leur a permis tout d'abord de penser, ensuite de penser par eux-mêmes et enfin de penser autrement. » (Michel Desmurget - La Fabrique du crétin digital)