Jusqu'à sou départ pour Naples, l'instruction de Boccace avait été, peut-on dire, négative : il n'avait appris que ce dont il estimait n'avoir aucun besoin, mais ne savait rien de ce qu'il jugea toujours le plus indispensable. En revanche, il avait acquis un robuste dédain pour tous les marchands, les manieurs d'argent, ceux qui exerçaient les divers métiers qu'il appelle, avec un mépris souverain, les « arts mécaniques ^auxquels il a sans cesse opposé la noble poésie, seule capable de procurer la gloire : « Que diront donc tous nos marchands, habiles seulement à encaisser des écus? Prétendront-ils que la poésie n'est pas lucrative, elle qui promet à ses adeptes tant de siècles de survivance, et soutiendront-ils encore que seuls les arts mécaniques assurent un gain? Ces gens-là n'ont qu'à se taire, en rougissant d'oser seulement attaquer les choses célestes, auxquelles ils ne comprennent rien; qu'ils se bornent à ramper parmi les objets que la bassesse de leur esprit est à peine capable de saisir ». Par l'insistance avec laquelle il a développé cette thèse, on sent que Boccace en puisait l'idée dans un fonds d'impressions très anciennes, qui lurent parmi les premières à façonner sa personnalité.