Abdellatif Laàbi
Variations amoureuses
1
Je técoute
et recueille les mots
sur tes lèvres
Pourtant
ce sont les yeux qui parlent
posément
distribuant les rôles
Aux paupières : les voyelles
aux narines : les consonnes
aux dents écarlates : les liaisons
Au fond
la langue qui me sert à écrire
c’est à ton école
- privée -
que je l’ai apprise
2
Dans les fruits du corps
Tout est bon
La peau
le jus
la chair
Même les noyaux
sont délicieux.
PLEIN AMOUR
Tes cheveux se dénouent sur mon corps
comme une moisson de blé perdue
au détour d'un champs de rosée
dans un matin qui n'a pas de bords.
Tu cherches mes lèvres avec la soif
de quelqu'un qui a traversé le monde
pour aller voir la neige fondre
sur des sommets moins hauts qu'un baiser.
Tu es vivante comme peut l'être
le cri d'un fruit qu'on mord.
En t'aimant, je prends tout l'or
qui veille à l'entrée de ta chair.
Lucien BECKER
Et jamais je ne veux perdre le goût
de cet amour qui imbibe nos mains.
COMME RÉSONNE LA VIE
Tu ouvres un livre et humes le papier
en mesures l’épaisseur
tu feuillettes les premières pages, déjà
tu sais la langue qui pétrit le désordre
la poussée des mots
sur les ombres nécessaires et leurs sauts de clarté
tu sais la solitude quand tu tournes les pages
les voiles qu’il faut abattre
sous les vents trop puissants, nos coeurs
à ouvrir, nos vies
que chaque amour agrandit
et les amarres
cèdent enfin
on laisse partir toutes choses.
Hélène DORION
je te donne une bouche qui raconte des histoires
qui clame des poèmes
qui sourit des métaphores
et pleure de douleur
Tu ravives chaque mot comme un naufragé.
Tu regardes par-delà la rive, entends souffler
crois-tu, l'éternité.
Je suis tombée
de l'autre côté d'espérer.
Je te touche du bout de l'âme
et le mystère s'agrandit
- de ne retenir la lueur, l'horizon retombe
avec lui, tu assistes à ta propre chute.
Tes cheveux se dénouent sur mon corps
comme une moisson de blé perdue
au détour d'un champ de rosée
dans un matin qui n'a pas de bords.
Tu cherches mes lèvres avec la soif
de quelqu'un qui a traversé le monde
pour aller voir la neige fondre
sur des sommets moins hauts qu'un baiser.
Tu es vivante comme peut l'être
le cri d'un fruit qu'on mord.
En t'aimant, je prends tout l'or
qui veille à l'entrée de ta chair.
- Lucien Becker, Plein amour
ne peux-tu marcher en silence
comme je le fais désormais
mais sans baisser le regard
fouillant vos passages, vos gestes
identifiant vos mimiques dépravantes
vous me faites pitié dans vos délires
je ne baisserai plus la tête
je plongerai mon regard dans vos vices
cherchant le moindre indice
je n'ai plus peur de vos bêtises
je n'ai plus peur de vos haines
je n'ai plus peur de vos moqueries
désormais c'est vous qui ne me supporterez plus
vous n'aurez plus le courage de fouiller dans ma vie
vous n'aurez plus le courage d'affronter mon regard
dans ce regard, vous vous mirerez dans l'océan
du mal que vous m'avez fait
je me tiens la tête haute et vous salue
vous m'aviez fait pleurer
vous m'aviez fait souffrir
vous m'aviez ôté la féminité
aujourd'hui j'affronte la vie
sans la moindre rancune
je suis une femme mûre
je suis une femme virtuele
je suis une femme guérie
je suis une femme bénie
et je vous remercie pour ce mal
pour tout ce mal que vous m'avez fait
je vous pardonne
vous êtes pardonnés
- Alexandrine, Ma douleur