A chaque nouvelle exposition, il se trouvait des gens pour accuser Corot de monotonie et pour lui reprocher de recommencer toujours le même tableau. A supposer qu'un démenti fût nécessaire, il le donna d'une façon péremptoire en ajoutant à son Ville-d'Avray la Liseuse. En dépit de sa modestie qui, respectueuse des conventions, affectait de ne pas franchir les limites de son domaine particulier, le paysagiste ne résistait pas au plaisir de marauder sur le terrain d'à côté. La semaine de modèle était sa récréation favorite. Il y conviait volontiers les petits amis : Lavieille, Oudinot, le jeune Badin. Les Italiennes de la rue Mouffetard alternaient dans la pose avec les coureuses d'ateliers de Montmartre. Beautés banales, chairs cent fois vulgarisées déjà, mais qui suffisaient à allumer l'étincelle du génie.
Corot n'est pas seulement, comme on le croit trop souvent, un grand
paysagiste. Ses figures, longtemps, méconnues contribuent avec ses traditionnelles matinées et ses soleils couchants universellement
admirés à lui assurer la première place à la tête de notre moderne école française. M. E. Moreau-Nélaton, l'auteur de l'Histoire de Corot, dont nous avons signalé dans notre dernier numéro la récente apparition, nous autorise à extraire de son livre quelques clichés et divers passages intéressants relatifs à cet aspect encore insuffisamment apprécié du maître et de son talent.