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428 pages
Dentu Éditeur (12/06/1870)
4/5   1 notes
Résumé :
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Auteur assez prolifique et désormais totalement oublié, Adolphe Belot fut néanmoins un chroniqueur très populaire de la seconde moitié du XIXème siècle.
Que l'on ne déduise pas néanmoins de cette caractéristique qu'Adolphe Belot était un auteur réaliste. Pour tout dire, Belot semble avoir été surtout un électron libre qu'il est difficile de relier à une école littéraire ou même à un genre de prédilection. Il se voulait plutôt un auteur de mélodrames, s'adressant non sans un certain maniérisme à un lectorat bourgeois et instruit. Mais certaines de ses thématiques sont quand même étranges, flirtent volontiers avec des intrigues feuilletonnesques ou des rebondissements boulevardiers. C'est notamment le cas de ce roman-ci, qui eut un certain succès, et surtout un impact notable sur une injustice sociale que le roman prétendait dénoncer.
Car en effet, avant toute chose, il faut préciser ce qu'était cet article 47 du Code Civil. Il concernait tout repris de justice fraîchement libéré, ayant accompli sa peine, et qui se retrouvait alors l'objet d'une surveillance constante des forces de police, et d'un certain nombre d'interdits qui semblent aujourd'hui aberrants. On partait de l'idée que la plupart des délinquants finissent par récidiver : par conséquent, toute accusation, ou même toute implication d'un prisonnier libéré dans un acte délictueux, équivalait à un retour express en prison sans jugement, et pour une peine arbitrairement décidée, et au moins équivalente à celle déjà effectuée. À cela s'ajoutait une interdiction de devenir propriétaire (même suite à un héritage), l'interdiction de résider longuement dans Paris, ainsi qu'une interdiction d'exercer un certain nombre de professions jugées – à tort ou à raison – trop honorables. Mais surtout, la loi interdisait au final tout ce qui pouvait amener un homme à vouloir refaire sa vie et repartir de zéro. Fiché à jamais dans un dossier transmis dans toutes les administrations, le prisonnier libéré était ramené en permanence à son statut de forçat et ne pouvait le dissimuler à personne : ni à un employeur, ni à un bailleur, ni même à sa belle famille s'il souhaitait se marier. Ainsi à vouloir à toute force garder un oeil sur les prisonniers susceptibles de récidiver, la loi amenait la plupart d'entre eux à retomber dans la délinquance, vu le nombre d'entraves et d'humiliations quotidiennes qu'impliquait le simple fait de vouloir rentrer dans le droit chemin.
C'est cette absurdité et cette injustice qu'Adolphe Belot a voulu dénoncer dans « L'Article 47 », bien que, nous le verrons plus loin, sa preuve par l'exemple serait aujourd'hui grandement sujette à caution.
« L'Article 47 » est un roman en trois parties distinctes, tellement distinctes en fait que l'on croit sur le moment lire un recueil de trois longues nouvelles indépendantes. C'est là une des particularités de ce roman dont, pour des raisons de commodité, je ne tiendrai pas compte dans mon résumé.
La première partie, qui est aussi largement la meilleure, se tient bien loin de l'article 47, tellement loin même qu'elle se déroule presque exclusivement à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane. L'ancienne colonie française avait été vendue en 1803 par Napoléon Bonaparte aux États-Unis, mais la présence française y demeura presque jusqu'au XXème siècle, notamment de par le voisinage de riches industriels créoles (c'est-à-dire blancs nés aux Antilles), qui menaient encore de juteuses exploitations commerciales à la Nouvelle-Orléans. C'est d'ailleurs ce que fait là-bas le français M. du Hamel, accompagné de son fils Georges, jeune dandy né en France et ramené par son père, qui souhaite en faire son héritier. Mais Georges n'est pas intéressé par le métier de son père, et se retrouve gêné par l'attitude raciste et dominatrice de celui-ci et des autres exploitants coloniaux français. Tous ces riches industriels et hommes d'affaires sont en effet bien décidés à s'implanter en dynasties auprès d'un peuple noir qu'ils jugent encore assujettis à leur domination - bien que la Louisiane étant désormais américaine, ce sont les Noirs de la Nouvelle-Orléans qui sont dans leurs pays et non pas ces français opportunistes qui ne sont que tolérés par les autorités. Néanmoins, ces industriels ont ramené sur place leur progéniture, une jeunesse dorée et décadente au sein de laquelle Georges se sent mal à l'aise.
Un soir dans un théâtre, Georges assiste, au guichet, à une altercation au cours de laquelle une jeune femme apparemment blanche se voit interdite d'accès aux premiers rangs, sous le motif qu'elle serait mulâtre, et donc devrait se confiner aux étages grillagés. Humiliée, la jeune femme quitte le théâtre tandis que Georges sermonne violemment le guichetier, lequel atteste qu'il sait reconnaître une métèque quand il en voit une. Georges s'attire immédiatement les remarques acides d'un badaud, un jeune fat américain blanc, John de B., qui lui rappelle qu'un Français doit se plier aux coutumes d'un pays où il séjourne – y compris si ces coutumes sont ségrégationnistes. le ton montre entre les deux jeunes gens, un duel est décidé pour le lendemain.
John de B. est un bretteur hors-pair, mais Georges a pour lui une énergie nourrie de révolte et un besoin d'action qui l'amènent à triompher, de justesse, de son adversaire qu'il tue loyalement.
Quelques jours plus tard, Georges reçoit un carton d'invitation de la mystérieuse jeune femme du théâtre, qui l'invite chez elle, afin de le remercier dignement d'avoir sauvé son honneur.
Fille d'un colon français et d'une mulâtre, Cora est une jeune femme d'une grande beauté très légèrement métissée. Riche de la fortune léguée par son père, c'est une oisive à la vertu légère, avec laquelle Georges démarre une romance aussi passionnée que torride. Mais il ne tarde pas à découvrir que Cora possède une âme froide et monstrueuse. Développant un complexe d'infériorité de son métissage, la jeune femme soufre d'être rejetée par la communauté blanche, et en devient raciste envers les noirs ou les mulâtresses. Elle possède ainsi une petite fillette esclave qu'elle bat quotidiennement à coups de bâtons, pour le simple plaisir de l'entendre hurler de douleur. Outré, Georges tente de quitter Cora, mais après une semaine sans la voir, il réalise qu'il ne peut plus vivre sans elle. Cora, de son côté, accepte de le reprendre comme compagnon, mais le regarde désormais comme un esclave blanc qu'elle se sent libre d'humilier, de menacer, de frapper et de griffer. Georges souffre de la perversité dans laquelle s'enferre sa relation avec Cora, mais ne peut s'en défaire.
La mort brutale de son père quelques mois plus tard le réveille quelque peu de sa torpeur. Il se sait incapable psychologiquement de prendre sa suite, aussi confie-t-il aux amis de son père l'usufruit de son entreprise, dont il demeurera simple actionnaire. Puis il décide de rentrer en France, au Havre où sa mère est restée. Il croit se débarrasser de Cora, mais celle-ci revend sa maison et sa petite esclave, et impose à Georges de partir avec lui en France.
Sa décision est moins sentimentale qu'opportuniste : Le Havre n'est pas loin de Paris, et à Paris, elle saura devenir quelqu'un, une personnalité, elle le sait. La longue traversée d'un mois lui permet d'affermir encore son emprise sur son fiancé, mais lors du débarquement, tous deux sont accueillis par la mère de Georges. Ce dernier, ne l'ayant pas vue de nombreuses années, passe toute cette première journée avec elle. Irritée qu'on ne lui donne pas la primeur et qu'on ne s'embarque pas immédiatement pour Paris, Cora traîne sur le port et se fait aborder par un petit bourgeois rigolard. le soir même, elle se donne à lui...
Durant les deux ou trois jours qui suivent, Cora s'absente continuellement jusqu'à des heures indues, jouissant à la fois de l'emprise qu'elle exerce sur son nouveau compagnon et de la souffrance qu'elle inflige à Georges. Celui-ci finit un soir par lui faire une scène, à laquelle elle répond en lui apprenant qu'elle le quitte car elle a trouvé un garçon docile pour la conduire à Paris, et c'est tout ce qui l'intéresse.
Pris d'un coup de folie, Georges s'empare d'un petit pistolet que Cora garde toujours dans son coffre à bijoux et lui tire une balle dans la tête. Se jetant de justesse en arrière, Cora sauve sa vie mais la balle lui laboure le visage, le déchirant en une cicatrice hideuse et ineffaçable.
Arrêté par la Police Impériale, Georges est condamné à cinq ans de travaux forcés dans un bagne niçois, peine qu'il accepte comme méritée. Pourtant durant ces cinq ans, Cora, défigurée, rumine sa vengeance, va même aux abords du bagne pour narguer Georges, réalisant qu'elle est finalement tombée définitivement amoureuse de lui dès lors qu'il l'a défigurée. Ainsi fonctionne son âme perverse…
Mais au terme de ces cinq ans, alors qu'elle espère nuire à son ancien amant en utilisant les ressources de l'article 47, elle se rend alors compte que Georges a totalement disparu, ainsi que sa mère... Elle va consacrer deux années à remuer ciel et terre pour le retrouver.
En réalité, Georges et sa mère ont changé d'identité et se sont installés à Paris où, sous le nouveau nom de Georges Gérard, l'ancien prisonnier a trouvé un travail et rencontré une douce et pure jeune fille, Mlle de Brives, qu'il a épousée. Ce n'est pas de gaieté de coeur qu'il cache son passé à sa jeune épouse, mais l'article 47 l'oblige à passer le restant de ses jours dans un mensonge permanent. Hélas, le nouveau beau-père de Georges est un joueur invétéré qui fréquente un tripot clandestin à Paris, tenu par une mystérieuse femme au visage masqué que l'on appelle Mme Cora. Celle-ci, mue par un instinct, ne va pas tarder à réaliser que l'élogieux beau-fils dont lui parle souvent M. de Brives n'est autre que l'homme qu'elle recherche désespérément depuis deux ans. Elle intrigue donc afin d'utiliser l'article 47 pour faire casser le mariage de Georges, et lui imposer de force soit sa compagnie, soit le retour direct en prison…
« L'Article 47 » est un roman dont la lecture peut paraître aujourd'hui un peu déconcertante. Pamphlet anticolonial et antiraciste, il n'en fait pas moins un constat négatif pour ne pas dire alarmiste du métissage. Son prisonnier modèle, vu comme un héros aux valeurs indubitables, est tout de même presque un assassin qui assume son acte et ne le regrette jamais. Quant à la victime, défigurée mais au final assez équitablement devenue physiquement ce qu'elle est moralement - dixit Adolphe Belot -, elle est perverse, revancharde, psychotique et finit d'ailleurs dans un asile de fous, après avoir involontairement causé la mort de sa rivale.
Par-delà l'orientation morale de ce récit, évidemment discutable, « L'Article 47 » passerait quand même un peu à côté de son sujet si Adolphe Belot ne se fendait à un moment donné d'un brûlot très engagé façon Eugène Sue. Car si l'on y réfléchit bien, article 47 ou pas, la vraie menace dans la vie de Georges du Hamel, c'est la vengeance de Cora, ce n'est pas spécialement la loi. Au contraire, il eût été encore plus facile à Cora de traquer Georges s'il avait eu toute licence de garder son vrai nom… Elle n'aurait pas pu casser son mariage, mais aurait pu lui nuire de cent autres façons.
Pour conclure, outre le caractère très aléatoire de la démonstration, il faut reconnaître que si la première partie du roman, située à la Nouvelle Orléans, est absolument remarquable – le chapitre du duel est d'ailleurs magistralement rédigé -, les deux autres parties tombent un peu dans le feuilleton poussif, avec son inévitable jeune fille vierge, pure et poitrinaire, qui se laisse mourir si on ne l'aime pas et dont le coeur lâche quand la police tambourine à la porte d'entrée. On a parfois le sentiment qu'Adolphe Belot tombe lui-même sous l'emprise de son propre personnage, de cette Cora infiniment perverse et sadique dont il se plait à décrire la folie et les audaces, au risque d'affadir tous les autres personnages du livre, la plupart déjà assez inconsistants au départ.
Et pourtant, aussi incroyable que cela paraisse, on se laisse volontiers emporter dans ce récit plein d'imperfections, et ce, parce qu'il est résolument bizarre, que sa qualité rédactionnelle est exigeante mais fluctuante, que son inspiration est inégale et son message politique incertain. C'est une matière instable, et en même temps intensément insolite, qui s'écarte de certains clichés sans qu'il y ait de motif, et qui se vautre dans certains autres sans qu'on puisse s'y attendre. On pourrait y voir un certain amateurisme, difficilement admissible toutefois chez un écrivain qui avait alors déjà presque quinze ans de carrière, mais on sent davantage quelque chose d'halluciné, quelque chose d'enivré qui ne parvient pas à se soumettre à l'académisme souhaité. On lit un écrivain qui se trouve dans un état psychologique modifié, un état qui s'imprime malgré lui dans son récit et induit quelque chose de bien plus contemporain, de plus proche de certaines expériences littéraires du siècle suivant. On sent une créativité qui voudrait s'échapper du carcan du récit, à une époque où ces choses-là ne se faisaient absolument pas. Et c'est cette sous-jacence-là, indéniablement perceptible par une foule de détails, qui rend ce roman beaucoup plus intéressant aujourd'hui sur le plan littéraire qu'il ne l'est sans doute apparu de son temps.
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