Il y a toujours quelque chose de touchant dans la lecture des ouvrages de
Marie-Madeleine Martin, cette femme de tête et de coeur qui n'eut toute sa vie qu'une passion, Sully, axe polaire de son existence, et qui ne peut s'empêcher quel que soit le sujet abordé, de tout y rapporter. Etonnante
Marie-Madeleine Martin, qui seule sauva le château de la Chapelle-d'Angillon de la ruine, lutta seule encore pour le faire porter sur la liste des Monument Historiques.
Sans doute, on mesure combien, en la lisant, les notions de
Marie-Madeleine Martin, bien qu'elle fût une honorable chartiste, sont dépassées, voire contredites par l'avancée des connaissances chez les médiévistes. Mais c'est
Marie-Madeleine elle-même le personnage historique, avec ses exaltations, son mysticisme, ses emballements, ses haines féroces, ses agacements très justifiés et le mépris qu'elle éprouve, par exemple, pour l'invention des circuits touristiques historiquement absurdes et la marchandisation du patrimoine aux mains d'épais notables, comme nous le relevons dans cette citation mordante et dédaigneuse:
"Sancerre a possédé jadis un gigantesque château, que Thaumas de la Thaumassière a décrit en détails avec ses neuf tours (il devait ressembler à celui d'Angers , rebâti également au XIe siècle sur une forteresse du IXe). L'une de ces tours (Porte Vieille) commandait au Moyen Age le chemin dit Chemin de César et qui menait de Sancerre à Avaricum (Bourges). C'était une grande route romaine , et c'est bien la preuve que les Romains avaient tout de suite vu l'importance du lieu qui dominait tant de campagnes et était un tel noeud de voies terrestres et fluviales. Il s'appela aussi Chemin Jacques Coeur, par la suite. Aucune ressemblance avec la "route Jacques Coeur" inventée par le tourisme officiel, et le bon plaisir de plusieurs propriétaires de châteaux privés."
Touchante, attachante, admirable, elle fut le visage anti-Beauvoir du féminisme, celui qui se rattache non aux harpies, mais à
Jeanne d'Arc, celui de la femme qu'on aime et dont on emboîte involontairement la marche, porté par une espèce de fascination, même quand on pense qu'elle se trompe, parce qu'on sait qu'elle poursuit, intrépide, une mission sublime qui tient de la grâce et échappe aux contingences.