Quoiqu'il soit écrit et mis en scène comme un roman à la troisième personne du singulier, ce texte n'en est pas un. Les très nombreux détours historiques auxquels les pensées de la fille du président servent de prétexte , sans doute nécessaires pour combler les zones d'ombres d'un travail pour lequel la journaliste n'aura pas beaucoup été aidée, n'arrivent pas à réduire la distance documentaire qui nous éloigne de la figure centrale suivie (...) Bien qu'un effort parfois laborieux se fasse sentir, l'écriture reste celle d'une journaliste qui survole ses personnages et veut trop les ancrer dans une approche historique ; sa psychologie reste assez sommaire.
Ses thèses concernant les énigmes les plus intéressantes qui restent autour de la fille de Salvador Allende, sont elles aussi assez prudentes. Ainsi les quelques considérations, dans l'épilogue, concernant la mort de Salvador Allende (pp. 212-214) ou le suicide de la tante (p. 217), n'apportent rien de nouveau. Les doutes sur ses 'amis cubains' et notamment son mari, s'installe chez Tati, dès le chapitre 27, mais jamais Margarita Espuña (mais est-ce prétérition pour éviter les polémiques et que des moins prudents qu'elle ne fassent le pas ?), ne fait aller Tati au-delà des soupçons. Jamais elle ne la fait se confronter directement à son mari, et la raison qu'elle finit par donner pour expliquer son geste fatal, sera la trop grande douleur ressentie par la perte de son père. Ceci parait un peu faible. Et sans doute complaisant pour le régime de Castro car, si elle note bien que « Fidel finit par dire que la déroute chilienne n'avait pas été productive, vu que, à part Allende, elle n'avait pas laissé de martyrs » (p. 212), s'imaginer que la fille s'est suicidée à cause de la mort du père (donc à causes militaires chiliens), c'est produire des martyrs à retardement pour le leader cubain. Or, c'est pourtant à
Fidel Castro qu'Allende semble donner le relai de la lutte pour le socialisme, par cette phrase prononcée à sa fille avant de la renvoyer de la Moneda : « Dis à Fidel que j'accomplirai mon devoir. Dis-lui qu'il faut parvenir à créer la meilleure conduction politique et unitaire pour le gouvernement du Chili » (p. 15). Si on se remet de la mort d'un père, il est par contre plus dur de trouver un sens à sa vie lorsqu'à cela s'ajoute le fait de se rendre compte que son mariage était une manipulation commandée par un régime autrefois fantasmé et qui s'avère être une dictature liberticide une fois que l'on s'y installe vraiment, de sorte que sa propre vie et celle de ses enfants promettent d'être celles de marionnettes de Castro, et que les idéaux pour lesquels on s'est battu et investi depuis sa jeunesse s'écroulent…
Il y a pourtant une lettre de 9 pages (outre celle où elle confie ses enfants à la soeur de Payita) que
Fidel Castro s'est bien gardé de publier ou de montrer aux enfants, même des décennies plus tard, là où les éloges - trop appuyés pour ne pas être douteux - de Laura Allende, en 1981, l'ont été. Et si Tati avait été une victime de plus de Castro ? [...]
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