Voyez-la dans la poésie populaire, qui est une des meilleures sources de l'inspiration de Paul Fort !
Voyez-la nue et pénétrante comme l'arrêt du Destin I
Cette fille, elle est morte, est morte dans ses amours.
Ils l'ont portée en terre, en terreau point du jour.
Ils l'ont couchée toute seule, toute seule en ses atours.
Ils l'ont couchée toute seule,toute seule en son cercueil.
Ils sont rev'nus gaîment, gaîment avec le jour.
Ils ont chanté gaîment, gaîment : « Chacun son tour.
« Cette fille, elle est morte, est morte dans ses amours. »
Ils sont allés aux champs, aux champs comme tous les jours. .
O grande Mer, que Ton se ravit de part et d'autre,
grande Mer, que les hommes fous croient se ravir, quand
tu laisses couler pour toi le sang des hommes, ne songeant
en toi-même qu'à mirer l'Autre Monde !
Les flottes peuvent s'arracher tes miroirs, les briser
en se les arrachant !... Les flottes sont passées, tes miroirs
renaissants resplendissent derrière elles.
Rien de mortel peut-il. Mer, te donner à vivre, calmer
la soif de ciel dont tes miroirs sont ivres ? N'est-ce pas
l'Autre Monde qu'il te faut réfléchir quand tu veux adoucir
tes miroirs bondissants ?
Ce n'est qu'au bord du ciel que s'usent tes tempêtes, par
delà les nuages, dans l'azur frémissant ; ce n'est qu'au
coeur du ciel, où songent les planètes, que se nouent et
s'ordonnent tes révolutions.
Dans les hautes marées montez, flots éternels, montez
éperdument jusqu'aux espaces pâles où la mer du Chaos,
sur les plages du ciel, a déposé le sel infini des étoiles !
En résumé, chez Paul Fort, de même que chez quelques autres poètes contemporains, qui cherchèrent à renouveler la prosodie, la muette a une valeur qualitative et graduée, et non quantitative et fixe. Il est difficile qu'il n'y ait pas un peu de flottement dans l'évaluation de cette valeur, qui varie selon la place de la muette dans le mot et dans la phrase rythmée.
Si toutes les filles du monde voulaient s'donner la main
tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.
Si tous les gars du monde voulaient bien être marins,
ils f'raient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.
Alors on pourrait faire une ronde autour du monde, si
tous les gens du monde voulaient s' donner la main.