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Alzir Hella (Traducteur)Olivier Bournac (Traducteur)
EAN : 9782253147961
284 pages
Le Livre de Poche (16/02/2000)
  Existe en édition audio
4.33/5   811 notes
Résumé :
Joseph Fouché (1759-1820) est l'une des figures les plus énigmatiques de son temps. Élevé chez les Oratoriens, il fut un pilleur d'églises. Conventionnel modéré, il massacra les royalistes de Lyon. Ayant voté la mort de Louis XVI, il fut ministre de Louis XVIII. Napoléon, qui en fit son ministre de la Police, le chassa et le rappela : il le craignait et avait besoin de lui. La postérité n'a longtemps vu en Fouché que l'opportuniste cynique, capable de toutes les inf... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (84) Voir plus Ajouter une critique
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Cette critique peut heurter la sensibilité de certains lecteurs.

Nietzsche disait De Stendhal qu'il était le dernier des grands psychologues français. Eût il vécu quelques années de plus qu'il aurait certainement affirmé la même chose de Zweig.

La biographie de Zweig est une descente dans les tréfonds d'une âme étrange qu'il ausculte avec une acuité exceptionnelle. Je serais bien en peine de juger la qualité du travail de recherche historique, mais le personnage de fouché ici décrit dans ses turpitudes, de sa grandeur politique à sa fourbe morale personnelle en fait un anti-héros monstrueux et fascinant à la fois. du travail d'orfèvre
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J'ai tendance à 'oublier' ce qui fait la différence entre un roman sympa (mais pas vraiment marquant) et un grand livre (qui sera lu et apprécié par des générations). Et là, après Fouché, je m'en souviens !
Fouché est un grand livre. Et, surtout, Zweig est un grand écrivain.

Ses phrases sont ciselées, son propos est limpide et ses expressions sont toujours justes, au point qu'on se prend à relire certains passages ne serait-ce que pour la musique des mots. J'ai relevé quelques citations, mais il y a de petites perles de style presque à chaque page. Il paraît d'ailleurs que c'est encore mieux en VO allemande, j'essaierai peut-être un jour...

Cette écriture fluide et belle sert un contenu tout à fait intéressant : l'étude du caractère de l'intrigant et opportuniste Joseph Fouché, et de son parcours de ruse et de trahisons dans les coulisses de la Révolution et de l'Empire. La petite histoire, celle des alliances et des changements de camps au gré du vent, croise la grande, et contribue à la faire. En ce sens, ce livre est instructif. Et l'instruction est fort plaisante grâce à l'analyse psychologique très fine de ce héros méconnu, brillant et travailleur, mais irrémédiablement amoral. Bref, un livre passionnant.
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Pour peu sympathique que soit le régicide Fouché, Zweig essaye au fil des pages du livre qu'il lui a consacré, de nous donner les ressorts de sa psychologie. J'apprécie peu qu'on nous le présente généralement comme l'un des hommes qui nous débarrassa de Robespierre pour la bonne cause : ce dernier demandait au citoyen Fouché des comptes sur son attitude lors des massacres perpétrés à Lyon et ailleurs avec Collot d'Herbois ; les Tallien et d'autres massacreurs du même genre furent sommés par Robespierre de s'expliquer sur ces "boucheries" ; se sentant menacés, ces assassins convainquirent les députés du Marais à la Convention que Robespierre les menaçait (Fouché fit circuler dans l'assemblée de fausses listes de suspects sur lesquelles leurs noms figuraient) et ils trouvèrent par là le moyen de renverser et éliminer Robespierre, en se faisant passer pour des agneaux alors qu'ils n'étaient que des loups. La vérité est que Robespierre inquiétait un peu les "possédants" parce qu'il voulait faire approuver à terme une loi sur le prix maximum des denrées, ce qui eût profité au peuple ; la majorité des "représentants de la nation" possédaient des biens - des industries, des commerces, des rentes : ils se sentaient menacés par l'action de Robespierre qui était regardé de travers parce qu'il avait de la considération pour le peuple et émettait des réserves sur le sacro-saint principe du "droit de propriété imprescriptible et sacré" qui avait remplacé Dieu et tenait la place principale dans la très bourgeoise Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Zweig a préféré éluder cette question, et c'est dommage, car l'attitude des hommes qui renversèrent Robespierre et le présentèrent comme un monstre assoiffé de sang trouve là sa source : les possédants inquiets de voir trop de révolutionnaires favorables à la cause du peuple envoyèrent ces hommes de la France d'en bas se faire tuer sur les
champs de bataille dans les guerres révolutionnaires puis napoléoniennes. Belle méthode pour se débarrasser de ces gens du commun qui auraient dû être les bénéficiaires de la Révolution et qui ne le furent jamais.
En taisant tout cela, Zweig a manqué quelque chose ; reste qu'il a malgré tout montré dans son portrait de Fouché, devenu l'un des fossoyeurs de la Révolution après en avoir été l'un des apôtres les plus fervents et l'un des serviteurs les plus zélés, que l'homme était un bel opportuniste, qui savait surfer sur la vague, élégamment ou pas, et qui s'en tirait à merveille. Il pratiqua de même avec Napoléon, fut le ministre de sa police et un chercheur de bons limiers et d'espions, tenant des fiches et dossiers pleins de riches informations, qui furent utiles à l'Empereur tant que Fouché vit de l'intérêt à le servir, et qui retourna tout son système, sa puissance d'action et son influence contre lui quand il perdit de son crédit auprès de Napoléon. Il le lâcha résolument quand il sentit le vent de l'Histoire souffler contre "l'Ogre corse".
Fouché forma alors une belle paire avec Talleyrand, l'ancien ministre des Affaires étrangères de Napoléon. "Le vice appuyé sur le bras du crime", comme l'a noté Chateaubriand dans le livre XXIII, chapitre 20, des Mémoires d'Outre-Tombe.
Fouché n'a rien gagné à ce petit jeu après 1815, et Louis XVIII ne lui a pas donné ce qu'il espérait recevoir en récompense de l'abdication de Napoléon, obtenue en grande partie par le duc d'Otrante.
Stefan Zweig brille dans ces pages qui nous montrent cet homme au sommet de son talent puis au creux de la vague. La fin sans gloire de celui qui aida à éliminer Louis XVI, Robespierre et Napoléon nous est magnifiquement décrite. Elles valent autant que celles qui nous montrent les réactions de Fouché au moment de l'arrestation et de l'exécution du duc d'Enghien et celles qui suivirent l'attentat de la rue Saint-Nicaise : rares moments où Fouché eut vraiment raison.
Les routes les plus sinueuses n'empêchent donc pas quelquefois certains hommes d'avoir des pensées droites.
Zweig se met dans la peau du personnage et son portrait psychologique du personnage est une réussite.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)
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Je connaissais Stefan Zweig pour ses romans et ses nouvelles ; j'ai découvert très tard qu'il avait également écrit une série de biographies historiques, dont celle-ci, consacrée à l'un des personnages les plus étranges de la Révolution française et de l'époque napoléonienne : Joseph Fouché.

Si vous ne vous êtes jamais réellement penché.e sur cette période, il se peut que le nom de fouché ne vous dise rien, éclipsé par les frasques plus célèbres d'un Robespierre ou d'un Napoléon. Ce personnage plus obscur a toutefois réussi l'exploit de participer à tous les régimes politiques depuis la Révolution jusqu'à la Restauration en passant par l'Empire. Après avoir massacré des centaines d'insurgés à Lyon, il parvient à se brouiller avec Robespierre pendant la Terreur sans y laisser sa tête ; invente la police (rien que ça) et parachève la chute de Napoléon, pour finir par mourir exilé et oublié de tout le monde. Autant dire que son parcours politique a été pour le moins mouvementé et imprévisible. Côté intrigues et manipulations, il n'y a guère que Talleyrand, sa némésis, pour lui tenir le haut du pavé (l'excellente pièce le Souper, de Jean-Claude Brisville, imagine d'ailleurs leur concertation/confrontation post-Waterloo, dans un jeu politique de haute volée).

Zweig s'attache tout particulièrement à dresser un portrait psychologique de fouché, à discerner la logique et ses évolutions derrière ses innombrables revirements : là-dessus, c'est très réussi. On sent d'ailleurs toute la passion de Zweig pour l'analyse psychologique. Quant à savoir si cette biographie nous présente le "vrai" fouché ou l'interprétation de Zweig, le débat reste ouvert. Là où ça aurait pu être un peu plus creusé, c'est en ce qui concerne l'apparition des mécanismes politiques qui ont plus ou moins perduré par la suite (notamment le déplacement de l'arène politique de la scène aux coulisses et les fondements de la police moderne). Toutefois, c'est peut-être un peu trop demander à une biographie historique qui n'en reste pas moins remarquable. Je n'exclus pas d'en lire d'autres de Zweig un jour.
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Imaginez un être avide de lumière négociant depuis l'ombre, à la duplicité invariable, la fourberie inflexible, l'hypocrisie nette. Sa raison n'est pas idéologique, elle est pragmatique : être du bon côté de la barrière quelle que soit l'herbe qu'il y a à brouter. À une époque trouble après la révolution, où l'indécision entre république et royauté semble pouvoir basculer au gré des courants d'air de la guillotine ou des sifflements de boulets, Joseph Fouché a forcément tergiversé. D'un camp à l'autre, d'un extrême à l'autre. Louis XVIII ou Bonaparte, les Girondins ou les Montagnards, un as de la voltige, la vedette de tous les mercatos politiques. Capable de tueries mémorables en se faisant passer pour humaniste, c'est le roi de la contradiction et de la manipulation d'opinion, l'équilibriste de l'indécision tant que la majorité n'est pas fixée, se tenant à l'affût, prêt à récupérer les billes qu'il a placées prudemment dans les deux camps. Elle est d'ailleurs surtout là sa tactique, se positionner partout, être capable de se justifier sur tout, même son contraire. Un génie de l'embrouille malaimé et pour cause, peu aidé on s'en doute, mais pourtant toujours là une trentaine d'années durant.
De là à dire qu'il est le parangon du politique, je n'ose croire à l'ère de la mémoire vidéo à portée de clic qu'un tel parcours soit possible aujourd'hui. Qu'un tel homme politique avide de lumière puisse exister encore, peu de doute là-dessus par contre.
La bio qu'en dresse Stéphan Zweig est passionnante, axée sur les faits historiques et les travers psychologiques. À la fois fine et dense, croustillante et précise, elle m'a emporté dans sa prose toujours aussi élégante. Du coup je jette un oeil curieux vers ses autres bios.

« C'est dans de tels moments de tension, deux minutes avant la décision, que sa nature amphibie se sent le mieux à l'aise. Être craint par deux partis et être en même temps l'objet des avances de chacun d'eux tout en sentant trembler dans sa propre main le fléau de la balance, c'est toujours pour cet intrigant passionné la volupté des voluptés. »
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Citations et extraits (126) Voir plus Ajouter une citation
La Convention, apôtre de l'humanité, se déshonore devant le monde entier par un décret d'une folie qui n'a comme exemples que ceux des califes et de Barberousse détruisant Milan tel un vandale. Le 12 octobre (1793), le président de la Convention déroule cette feuille atroce qui renferme tout simplement la proposition de détruire la deuxième ville de France. Ce décret très peu connu dit littéralement :
"Art 1er .-Il sera nommé par la Convention nationale, sur la Présentation du Comité du Salut Public, une commission extraordinaire, composée de cinq membres, pour faire punir militairement, et sans délai, les contre-révolutionnaires de Lyon.
Art II.- Tous les habitants de Lyon seront désarmés. Leurs armes seront distribués sur le champ aux défenseurs de la République.
Une partie sera remise aux patriotes de Lyon qui ont été opprimés par les riches et les contre-révolutionnaires.
Art Iii.- la ville de Lyon sera détruite ; tout ce qui fut habitė par les riches sera démoli ; il ne restera que la maison du pauvre, les habitations des patriotes égorgés ou proscrits, les édifices spécialement affectés à l'industrie, et les monuments consacrés à l'humanité et à l'instruction publique.
Art IV.-Le nom de Lyon sera effacé du tableau des villes de la République. La réunion des maisons conservées portera désormais le nom de "Ville-Affranchie"
Art V.- Il sera élevé sur les ruines de Lyon une colonne qui attestera à la postérité les crimes et la punition des royalistes de cette ville , avec cette inscription : "Lyon fit la guerre à la liberté. Lyon n'est plus'.
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Cette résistance secrète contre la passion guerrière et le manque de mesure de Napoléon finit même par rapprocher les adversaires les plus acharnés entre eux, parmi ses conseillers : Fouché et Talleyrand. Ces deux ministres de Napoléon, les plus capables de tous - les figures psychologiquement les plus intéressantes de cette époque - ne s’aiment pas, probablement parce qu’ils se ressemblent trop à beaucoup d’égards. Tous deux sont des cerveaux clairs, positifs, réalistes, des cyniques et des disciples consommés de Machiavel. Tous deux sont passés par l’école de l’Église et par la brûlante école supérieure de la Révolution; tous deux ont le même sang-froid dénué de toute conscience, pour ce qui est de l’argent et de l’honneur. Tous deux servent avec la même infidélité, la même absence de scrupules, la République, le Directoire, le Consulat, l’Empire et la Monarchie.
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Tel est, encore une fois, le secret suprême de la puissance de Joseph Fouché : tout en voulant l'autorité, et même l'autorité la plus haute, il se contente, contrairement à ce que font la plupart des hommes, de la conscience qu'il a de posséder cette autorité elle-même, sans avoir besoin de ses marques extérieures ni de son uniforme. Fouché est ambitieux au plus haut degré, plus que tout, mais il ne cherche pas la gloriole, il a de l'ambition mais non de la vanité. En véritable joueur intellectuel, il n'aime que les valeurs positives du pouvoir, mais non leurs insignes.

...la peur met sa couleur grise sur leurs figures , et rien n'avilit plus l'homme, et surtout une masse d'hommes, que la peur de l'invisible.

Fouché connaît trop bien Napoléon pour essayer, lorsque leurs idées sont opposées, de lui faire partager les siennes. Il se laisse commander et il accepte les ordres, comme tous les autres flatteurs et serviles ministres de l'époque impériale, - seulement avec une petite différence qu'il n'obéit pas toujours.

Plus Napoléon devient puissant, plus Fouché le gêne. Plus Fouché devient fort, plus il hait Napoléon....Tous les deux cherchent à se tromper mutuellement, tous les deux en jouant à découvert , de nouveau, la question se pose : qui, à la longue, l'emportera, le plus fort ou le plus habile, le sang chaud ou le sang froid ?...Napoléon a dit de lui à Sainte-Hélène ce mot profond : Je n'ai connu qu'un traître véritable, un traître consommé : Fouché.

Mais plusieurs fois déjà nous avons fait allusion à ce qui est chez Fouché le point faible : son ambition a toutes les habilités, à l'exception d'une seule, celle de savoir s'en aller à temps.
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Son genre n'est pas de tromper tout uniment un homme déterminé, - cet homme fût-il même Napoléon, - son unique plaisir est toujours de tromper tout le monde, de ne se lier à personne avec certitude et d'allécher chacun, de jouer simultanément avec tous les partis et contre tous les partis, de n'agir jamais d'après des plans préétablis, mais d'après ses nerfs, d'être Protée, dieu des métamorphoses; il n'est pas un Franz Moor, un Richard III, un simple intrigant, seul un rôle changeant, un rôle qui le surprenne lui-même, enthousiasme sa nature de diplomate passionné. Il aime la difficulté pour la difficulté ; il l'élève artificiellement à la deuxième, à la quatrième puissance, ne se contentant pas d'être traître simplement, mais l'étant par essence de façon multiple et envers tous.
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Le tiers état est encore exclu de tout, dans le royaume corrompu et mal administré ; il n'est pas étonnant qu'un quart de siècle plus tard le poing exige ce qu'on a refusé trop longtemps à la main humblement suppliante.
Il ne reste que l'Eglise. Cette grande puissance, vieille de mille années, infiniment supérieure aux souverains dynastiques quant à la connaissance du monde, pense avec plus d'intelligence, un esprit plus démocratique, un cœur plus large. Elle trouve toujours une place pour qui est doué et elle accepte même le plus humble dans son royaume invisible. Comme le petit Joseph s'est déjà distingué par son zèle à l'étude, sur les bancs de l'école des Oratoriens, ceux-ci lui accordent volontiers, lorsqu'il a fini ses classes, un poste de professeur de mathématiques et de physique, de surveillant général et de préfet des études. A vingt ans il a, dans cet ordre, qui depuis l'expulsion des jésuites dirige partout en France l'instruction catholique, une charge, à vrai dire modeste, et sans beaucoup d'avenir, mais qui constitue pour lui cependant un moyen de s'instruire en enseignant les autres.
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