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Critique de brumaire


Les américains ont Edward Abbey , nous nous avons Nicolas Hulot. D'un côté le rebelle flamboyant amoureux fou de la nature, de l'autre un auto-proclamé écologiste qui vient de signer un nouveau décret d'abattage de loups....D'un côté l'indomptable défenseur des derniers espaces vierges américains (heureusement qu'il est mort avant la découverte du gaz de schiste...) , de l'autre un personnage médiatique dont la fondation (censée préserver " la nature" est subventionnée par ceux-la même qu'Abbey aurait certainement combattu. Je sens bien que mes amis babeliens commencent, a ce stade de ma critique , à se poser quelques questions : qu'est-ce-qui lui prend au Brumaire ? qu'est-ce-que vient faire là-dedans l'ancien producteur d ' Ushuaïa ? hé hé...juste un petit prurit de fin d'année. Car bientôt nous allons avoir droit aux sondages sur les personnalités de l'année 2017, sur les français préférés des français....et d'y voir figurer cet écologiste en peau de lapin (comme toutes les années) , va me gâcher mes agapes du nouvel an .
Donc , " Désert solitaire".... Formidable bouquin , dont j'ai lu de magnifiques compte-rendus sur Babelio.
Abbey y relate ses expériences de ranger dans le Parc National des Arches en Utah, non loin de la ville mormone de Moab. Ce livre , comme tous les autres livres d'Abbey, vaut autant par les idées qu'il sous-tend que par les magnifiques pages de descriptions d'une nature presque inviolée. S'il fallait en revenir à notre beau et bien aimé pays (ne pas y voir de sarcasmes...) , les frères français d'Edward seraient indubitablement Sylvain Tesson et François Terrasson. Tesson bien sûr ! si semblable à Abbey , le même panache , la même violence, la même folie ; la même méfiance dans l'"Homme" et le progrès. Avec quand même une petite différence : dans le Grand Canyon , le soir, Abbey se défonce au thé quand Sylvain en Sibérie se morfle à la vodka 80°.....et puis François Terrasson qui a théorisé dans "La peur de la nature" l'implacable et irrémédiable combat que toujours l'homme livrera à la nature. Tout ce qui avalise les destructions d'aujourd'hui est déjà dans les gènes de l'Homo Erectus.
Edward Abbey est moniste. Pas de césure entre nous et eux, ou nous et ça. Ce n'est pas à lui qu'on ferait la promotion des gilets jaunes fluo et des casques pour vététistes ! il est mort avant, Dieu ait son âme (personne ne sait où il est enterré....certainement dans le désert). Il ne récuse pas la violence et la confrontation . Tuer n'est pas un problème , mais uniquement pour se nourrir ou se défendre (position de Théodore Monod...). Son adrénaline il la prend dans des randonnées extrêmes, le genre de truc insensé qui aujourd'hui lui ferait prendre deux jours de garde-à-vue et une mise en examen pour mise en danger de lui-même et d'autrui par la même occasion.
Edward aime l'extrême et les limites, la nature brute sans les aménagements obligés que de bonnes âmes se croient obligées de promouvoir dans le but, très louable certes, de "faire découvrir le monde sauvage". Mais ce monde sauvage il se mérite. La souffrance est inhérente au dessein de Edward Abbey. Il n'est jamais autant heureux qu'a la fin d'une journée épuisante de soif et de crapahutage ; même les moustiques trouvent grâce à ses yeux ! c'est dire son masochisme .
Résolument réactionnaire , ou plutôt conservateur , il y a du Jacques Ellul en lui. Cette défiance de la technique sensée apporter le bonheur à l'espèce humaine est commune avec le grand penseur bordelais.
"Désert solitaire" , malgré quelques passages lénifiants (c'est pourquoi seulement 4 étoiles ), peut être vu comme une bonne introduction au "monde" d'Abbey.


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