La seule erreur de A. était d’être plus conscient qu’un autre de sa condition d’homme-boîte. Vous ne pouvez pas vous moquer de lui. Si vous êtes un de ceux qui ont imaginé dans leurs pensées, même une fois, une ville anonyme qui existerait seulement pour les habitants anonymes, une ville où ce qu’on appelle les portes seraient ouvertes à tous sans discrimination, une ville où, parmi ceux qui vous sont étrangers, vous n’auriez pas besoin d’être sur la défensive, où vous pourriez marcher sur la tête ou dormir dans la rue sans qu’on vous dise rien, où vous pourriez chanter si vous êtes fier de votre talent, et où, quand vous avez fait tout cela, vous pourriez, si vous le désiriez, vous mélanger à la foule anonyme –alors, vous ne devriez pas être indifférent, car vous pouvez toujours être exposé aux mêmes dangers que lui. C’est pourquoi, il ne faut jamais pointer un fusil devant un homme-boîte.
Je n'ai jamais eu l'impression d'être coupable à cause de cette boîte. J'ai plutôt le sentiment que la boîte n'est pas une impasse, mais un débouché vers un autre monde.
Un vent chaud souffle entre toi et moi, maintenant. Un vent brûlant et sensuel nous enveloppe. Je ne sais pas depuis quand il a commencé de souffler exactement. Dans la chaleur de la température et la violence du vent, j'ai l'impression d'avoir perdu la sensation du temps.
Dans le secret de mon cœur, je souhaitais la réalisation d'une telle situation... Oui... La regarder nue, et la dépouiller encore plus de sa nudité jusqu'à voir une nudité au-delà de la nudité... et continuer ainsi à regarder.
Si les hommes continuent à vivre en évitant le regard des autres, c'est parce qu'ils comptent sur l'inexactitude et les hallucinations de la vision humaine. En portant des vêtements identiques, en se coiffant de la même façon, ils cherchent un artifice pour ne pas être distingués les uns des autres.
[...] Elle aura le goût du veau et de la perdrix et sera délicieuse. Mes sentiments envers elle ont été bouillis et se sont transformés en appétit.
Les gens écoutent les nouvelles seulement pour se tranquilliser. Aussi importante que soit la nouvelle qu'on leur fait entendre, ils l'écoutent et restent parfaitement vivants. La véritable grande nouvelle, c'est l'annonce de la fin du monde... Je crois que c'est l'ultime nouvelle. Bien entendu, tout le monde désire l'entendre. Car l'homme, alors, ne sera pas seul à quitter le monde.
La maladie spécifique de l'homme-boîte est la paralysie du sens de l'orientation du cœur. L'axe de la terre oscille et on éprouve une pénible sensation de nausée qui ressemble au mal de mer, mais - pour je ne sais quelle raison - cela n'a pas de rapport avec le fait de se sentir un rebut de la société. Je n'ai jamais eu l'impression d'être coupable à cause de cette boîte. J'ai plutôt le sentiment que la boîte n'est pas une impasse, mais un débouché vers un autre monde... Vers où ?... Je ne sais pas au juste mais, en tout cas, vers un autre monde, à part.
Quand je pense à de petites choses, je crois que j’aimerais continuer à vivre. Des gouttes de pluie… des gants trempés qui ont rétréci… Quand je contemple quelque chose de trop grand. J’ai envie de mourir… le building du Parlement ou la carte du monde…
Il est certain que l’homme-boîte ne se remarque pas facilement. Il est comme une ordure qui aurait été jetée sous un pont ou bien entre une palissade et des v-c publics. Mais il y a une différence entre ne pas être visible et ne pas être remarqué. Comme il ne s’agit pas d’un être particulièrement remarquable, il y a toutes les chances que tu aies eu l’occasion d’en apercevoir un. Toi, par exemple, il t’a sûrement sauté aux yeux. Mais je conçois bien que, par ton attitude, tu aies refusé de le reconnaître. Tu n’es pas la seule personne à le regarder sans le voir ; tu détournes les yeux instinctivement. C’est comme si, la nuit, tu portais des lunettes très sombres ou un masque, tu ne pourrais éviter que l’on te prenne pour une créature très timide, ou pour quelqu’un qui mijote un mauvais coup.