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Suzanne Rosset (Traducteur)
EAN : 9782234054264
271 pages
Stock (03/10/2001)
3.46/5   50 notes
Résumé :
Cet homme qui a enfoui sa tête et le haut de son corps dans une boîte en carton n'est pas un Diogène cynique réfugié dans un tonneau par mépris de l'humanité.
Tourmenté et solitaire, c'est un anti-héros, un être mythique dont le mal profond est l'impuissance, et pour qui la boîte, à la fois sécurisante et protectrice, est un écran placé entre lui et les autres, destiné à le protéger des contraintes de la société... Ecrit dans une langue dense, drue, dépourvue... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Un bien étrange roman que L'homme-boîte », où Kôbô Abe explore des thèmes qu'il reprendra souvent dans son oeuvre.
Le héros a décidé d'enfiler une boîte en carton sur sa tête et son cou. Il y a placé ses objets de première nécessité, a fait les ouvertures indispensables pour voir, respirer et parler, et hop, il se met à déambuler en nous racontant son expérience, laquelle va le conduire à tomber amoureux d'une infirmière, et à côtoyer son propre double, médecin qui a séduit la jeune femme, et qu'il qualifie de faux homme-boîte.
La vie de ces pantins, qui ne sont pas les seuls (il est fait mention de temps en temps d'autres hommes-boîtes croisés dans la rue) apparaît absurde, bien morne. C'est un roman qui pointe probablement le manque de sens de la vie japonaise moderne, la solitude et l'anonymat urbain, les laissés pour compte (qui vivent souvent dans des abris de fortune faits de carton avec leur petit matériel du quotidien), la pauvreté de la vie sexuelle, autant de maux d'une société nipponne qui broie l'individu, dont l'identité se floute peu à peu.

L'auteur a ici l'obsession de la dichotomie regarder / être regardé, où souvent le dégoût s'impose, dans une forme bien pessimiste. La nudité est l'une des situations qui revient le plus souvent, mais les érections sont peu durables ! L'amour et la mort se mélangent dans le discours, dans une sarabande un peu décousue et mystérieuse…Comprenne qui pourra, personnellement je n'aurais pas la prétention d'avoir véritablement capté le propos sous-jacent.

Dans une pirouette finale, le lecteur se demande si tout cela n'était pas qu'une farce de théâtre. Mais pour moi, le principal point fort de ce roman du non-sens réside, comme souvent chez Kôbô Abe, dans des fulgurances romantiques d'une rare beauté, où il rivalise avec les plus grands comme Mishima ou Kawabata. Rien que pour cela et pour l'originalité du sujet, ce roman mérite d'être lu, même si personnellement j'avais préféré Cahier Kangourou, au rythme nettement plus virevoltant et où l'humour était plus apparent.
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Un roman fragmentaire dont les chapitres sont présentés comme des séries de notes qui pourraient avoir été retrouvées un peu partout, comme si elles avaient été postées à des destinataires différents, à partir d'une boîte à lettres.

Ou peut-être n'ont-elles jamais quitté la boîte à l'être. Notre héros vit dans cette boîte en carton comme dans un terrier kafkaïen. Des pensées labyrinthiques s'y entassent en un labyrinthe de papier. Un labyrinthe dans un labyrinthe dans un labyrinthe. Car, comme l'homme-boîte finit par s'en rendre compte, la cellulose du carton, observée au microscope, est elle-même labyrinthique. Ces sinuosités semblent tisser un cocon autour de l'homme-boîte. Mais c'est avant tout le texte lui-même qui ne cesse de se transformer.

À chaque chapitre, les formes du récit et de la narration changent en effet sensiblement : observations factuelles, rêves, soliloques, dialogues… Et on ne sait jamais précisément à quel point ces états de conscience ou d'inconscience s'étendent au sein du récit, de même que l'on ne sait pas à quel point la nature de l'homme-boîte contamine les autres personnages masculins (si tant est qu'ils existent réellement). Parmi ceux-ci, on trouve un médecin qui semble représenter à la fois l'opposé de l'homme-boîte et le remède a sa condition. En effet, grâce à son assistante infirmière il établit un point de contact avec la féminité absente de l'homme-boîte, cloîtré sur sa masculinité par la faute d'un voyeurisme pathologique qui dégouline de ses yeux sous la forme d'un liquide organique. Cela le fait parfois ressembler à des créatures marines telles que le poisson : métamorphose due à son cocon en carton ? Dans sa chambre noire abyssale, son corps paraît se développer bizarrement, tandis qu'il développe des photographies dont plusieurs exemplaires jonchent le roman, à la manière de Bruges-la-morte de Rodenbach. Ces clichés en noir et blanc donnent à voir un Japon urbain miséreux et sordide, à la fois énigmatique et en perte d'identité. L'homme-boîte envisage de faire entrer le monde en lui. Mais on voit bien que ce serait seulement un monde à son image, enseveli sous des couches de crasse tel un palimpseste de son histoire d'origine. Cette histoire véritable pourrait avoir été maquillée à dessein, pour noyer le poisson. Car le milieu du récit s'articule autour d'un meurtre dont au moins deux versions nous sont données. Et à partir de ce point le narrateur-personnage bascule définitivement dans un espace-temps imprécis que l'on pourrait qualifier d'ère du soupçon, ou d'aire du soupçon, délimitée par les dimensions d'une boîte en carton. Qui est tué, et qui tu es toi qui racontes parfois cette histoire à la deuxième personne du singulier ? Un assassin ? Un fantôme ? Ou rien qu'un simple homme-boîte dépourvu de toute trace d'identité ?

On s'apercevra ainsi que ce roman est en fait un casse-tête chinois écrit au Japon. Les morceaux du roman sont éparpillés sous nos yeux et il est particulièrement ardu de les agencer pour les faire entrer dans un tout cohérent. Comme dans le film Rashōmon (tiré de la nouvelle Dans le fourré de Ryūnosuke Akutagawa) les fragments de récits semblent s'interrompre et même se contredire, dignes des divagations d'un fou bon à enfermer (dans une boîte ?). Mais même cette observation n'est pas sûre. Il y a une méthode dans cette folie. Et cette méthode n'est peut-être autre que celle de la plus terrible rationalité, celle de la seule attitude lucide et raisonnable à adopter face à une société fondée sur l'humiliation par le regard. Fuyant les yeux scrutateurs de son hypocrite lecteur, Kōbō Abe signe un livre particulièrement... hermétique.
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Imaginons l'existence d'un fait de société qui n'en est pas un… celui des « hommes-boîtes ». Alors, le roman de Kôbo Abé constituerait une sorte de témoignage documentaire sur ce phénomène improbable… un témoignage à la première personne, qui donnerait la parole à un de ces fameux « hommes-boîtes ». Leur idée peut sembler ridicule et grotesque : ces fanfarons, amis du carton, ont décidé de vivre cachés sous une grande boîte à l'intérieur de laquelle ils entassent leurs biens de première nécessité. En vérité, ce n'est peut-être pas plus bête que de se développer une névrose incurable –en tout cas, on sent bien que les deux phénomènes sont liés puisque, dans les deux cas, une inadaptation de l'homme à son environnement provoque ces réactions saugrenues et ponctuelles.


Dans une sorte de détachement, paradoxalement très travaillé, Kôbo Abé revient sur la genèse de ces hommes-boîtes. le ton se veut maussade et déprimé. Kôbo Abé n'hésite pas à rajouter des couches de résignation et de passivité, mais on sent qu'il cherche avant tout à donner un genre et une tournure à son roman, plus qu'il ne souhaite véritablement se glisser dans la peau de ces hommes-boîtes finalement bien ennuyeux.


Kôbo Abé connaît-il vraiment si bien ce phénomène dont il s'est fait l'initiateur ? Il manque un peu de vécu dans son témoignage…ce qu'on comprend sans mal… Mais la solitude dans la vie quotidienne, l'anonymat dans les métropoles, la perte du sens…sont des expériences dont chacun peut légitimement se revendiquer. Il suffit de cela pour s'ouvrir à la compréhension des hommes-boîtes.
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Le premier livre, je crois, que j'ai lu d'Abe Kobo, il y a déjà pas mal de temps. Ce fut pour moi une véritable révélation. Révélation de l'absurde, du mal de vivre, d'une société où l'individu n'existe plus, surtout au Japon.
Dans les années 80, il n'était pas rare de voir à Tokyo des clochards balayer consenscieusement devant leur refuge (boite ?) en carton, leur seule demeure. Il me semble donc que Abe Kobo part d'une réalite très concrète, à savoir que des gens vivent dans une boite en carton, leur seul bien. De là, l'extrapolation nous mène à un semblant d'intrigue plus ou moins rocambolesque. Que voit-on de la vie, de la ville, de la fente creusée dans un carton ? Comment peut-on aimer, ressentir des émotions... ?
Pour l'apprécier, il faut vraiment replacer ce roman dans la réalite sociale japonaise où l'individu doit se plier, voire s'abstraire dans la communaute.
C'est donc une métaphore de l'existence que nous offre Abe Kobo. Avec son extravagance et son sens de l'absurde habituel.
Toute l'oeuvre de cet ecrivain, à mon sens, s'inscrit dans cette perception. J'y vois egalement beaucoup d'humour, ce qui aide a faire passer le tragique.
Un de mes livres préférés.
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J'ai été conquise par le concept de départ, mais pas par son execution.

L'histoire m'a d'abord séduite par sa métaphore de la "boîte". Certains l'ont compris comme le souhait de se cacher. Plus précisément l'envie de se retirer du monde face au traitement impersonnel de la société et à la pression qu'elle exerce sur nous par ses normes et ses attendus.

Pour ma part, j'en ai une lecture un peu différente. J'ai trouvé que la boîte pouvait s'apparenter à une forme de "dissociation" qui permettrait à l'individu de ne pas s'effondrer, de manière plus globale.
Certes, l'homme-boîte ne travaille pas, il est en état de marginalisation sociale.

Néanmoins, il prouve au fil du récit qu'il est tout à fait capable de tenir une conversation avec d'autres protagonistes. Il refuse également d'être comparé à un sans domicile fixe, qui pour lui sont dangereux et inciviles. Au contraire, l'homme-boîte semble très poli (bien qu'un peu voyeur sur les bords) et a à coeur de suivre les règles du jeu social, lorsqu'il y est confronté.

Pour moi, la boîte, c'est aussi la dépression. La boîte nous adoube à la fois comme victime et assassin, nous la subissons autant qu'elle nous rassure. C'est un espace confortable pour le système nerveux car il permet de prendre les choses de façon distanciée. C'est une forme de retournement du stigmate: après avoir accepté que notre quotidien ne faisait pas sens, on décide d'embrasser pleinement cette vérité. C'est la défaite de la pulsion de vie contre les angoisses et l'apathie.

On voit que notre "homme-boîte" regrette sa couardise car il voue une fascination au monde extérieur, qui lui est inaccessible. Sa solitude absolue et sa détresse sexuelle l'amènent à des accès de voyeurisme. Je pense que c'est la seule modalité (dégueulasse) qu'il lui reste pour rester en contact avec le monde réel et ne pas sombrer totalement dans l'anxiété et le désarroi.

En dehors de cette analyse qui m'est personnelle, je dirais que je n'ai pas aimé cette sorte de flou qui bien vite accompagne chacun des évènements. J'ai trouvé difficile de me repérer dans la chronologie de l'histoire, j'ai été perdue plusieurs fois par le manque de clarté des faits.
Ce n'est pas en soi difficile à lire, mais le fait que l'intrigue soit aussi hachée, disloquée (certains chapitres font parler un narrateur sans qu'on sache de quel personnage il s'agit) m'a vraiment déplu.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Peu après, je me réveillai dans un lit ; autour de moi une odeur de vitamines et de désinfectant ; la jeune fille à la bicyclette était là et me regardait. La blouse blanche de l'infirmière avait pour effet d'arrêter le temps. Le temps s'arrêtant, les liens de causalité entre les choses étaient, par le fait, coupés, et, quelle que soit l'action indécente à laquelle j'aurais pu me livrer, je n'avais aucune crainte de me le faire reprocher. Malheureusement, du reste, je n'étais pas assez détendu pour aller jusqu'à commettre un acte indécent ─ mais, débarrassé de la boîte, j'avais une sensation de libération telle que j'oubliais que j'avais le visage à découvert. A chaque parole en l'air prononcée sur moi-même, cette jeune femme, avec un petit signe de tête, me retournait l'un après l'autre de légers sourires, sculptés dans un air durci, éphémères et vulnérables comme s'ils avaient été colorés avec un pinceau de lumière ─ tant et si bien que j'avais l'illusion d'avoir été contraint à lui déclarer mon amour. C'était un visage si souriant qu'il me fit oublier que ses jambes étaient entièrement cachées par la longueur de sa blouse blanche. Comme un oiseau qui, pour la première fois, va se mettre à voler (maladroitement, en trébuchant ─ comme dans un rêve), je secouai mes ailes. Soudain, embrassant l'air, je me mis à voler vraiment, enivré par le sourire de cette femme semblable à une brise. Je pensais que ce n'était plus nécessaire de retourner dans la boîte. Sans me rendre compte, je fis une promesse incompréhensible, celle d'acheter pour elle la boîte, directement de l'homme-boîte, pour la somme de cinquante mille yens. Naturellement, j'avais des accointances dans le milieu des hommes-boîte. J'insistai même pour la lui donner pour rien et pensais qu'il me fallait lui demander à quoi cette boîte lui servirait.
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Pressée par le faux homme-boîte, elle se faufila devant moi et traversa en diagonale la pièce. Elle avait l'allure d'un appareil de précision de petit format qui ne donne pas l'impression de dépenser d'énergie. De la poche de sa blouse blanche, elle sortit une boîte d'allumettes qu'elle lança de la main par la fenêtre de guet. Soudain, je sentis son odeur : comme la brise qui souffle dans les champs de cacahuètes au bord de la mer. L'enveloppe de mon coeur se plissa. Etait-ce la jalousie à l'encontre du faux homme-boîte ? Quand elle revint à sa position initiale, elle tourna son corps et commença à défaire les boutons de sa blouse blanche. Au deuxième bouton, elle me donna un léger coup d'oeil...si léger qu'il aurait pu flotter ainsi une demi-journée dans l'espace...et, loin de détourner mon regard, j'essayais de la regarder sans sourciller. (Voilà qui est important ; si c'était elle qui me regardait, je ne ressentais pratiquement pas son regard.) Dans l'éclairage de son expression, une lumière apparut. Ses sourcils se relevèrent légèrement. Sa lèvre inférieure, humide, se tendit entre ses dents : une expression ouverte. N'était-ce pas des portes qui m'étaient ouvertes ? Elle continua...
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"Comparé au TOI dans mon coeur, le MOI dans ton coeur est insignifiant. Mais j'essaye d'échapper à cette peine et le temps se dissout doucement. Si j'arrive à maîtriser la technique de la persuasion, alors j'ai espoir de posséder un peu de paix et de bonheur. Aussi ce vent brûlant si difficile à obtenir et qui commence par un amour déçu m'est précieux. De merveilleuses forêts de mots et des océans de désir. Le temps s'arrête, l'éternité approche quand je touche ta peau avec mes doigts. Dans la douleur de ce vent chaud, je ressens une transformation dans ma chair qui ne pourra disparaître jusqu'à ma mort."
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Une nudité infiniment plus émouvante que je ne l'avais imaginée. C'était naturel : comment atteindre, en imagination, sa nudité réelle ? Cette nudité existait seulement pendant que j'étais en train de la regarder : alors mon désir de regarder devenait inimaginable. A la minute où je cessais de la regarder... elle disparaîtrait... je devais la photographier... ou la fixer sur une toile. Un corps nu et un corps sont différents. Le corps nu utilise le corps de chair comme matériau, c'est une oeuvre d'art... faite avec des doigts en forme d'yeux. Son corps physique lui appartenait, bien sûr, mais pour ce qui était du droit de sa propriété de la nudité, je n'avais nullement l'intention de me retirer en impuissant.
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La seule erreur de A. était d’être plus conscient qu’un autre de sa condition d’homme-boîte. Vous ne pouvez pas vous moquer de lui. Si vous êtes un de ceux qui ont imaginé dans leurs pensées, même une fois, une ville anonyme qui existerait seulement pour les habitants anonymes, une ville où ce qu’on appelle les portes seraient ouvertes à tous sans discrimination, une ville où, parmi ceux qui vous sont étrangers, vous n’auriez pas besoin d’être sur la défensive, où vous pourriez marcher sur la tête ou dormir dans la rue sans qu’on vous dise rien, où vous pourriez chanter si vous êtes fier de votre talent, et où, quand vous avez fait tout cela, vous pourriez, si vous le désiriez, vous mélanger à la foule anonyme –alors, vous ne devriez pas être indifférent, car vous pouvez toujours être exposé aux mêmes dangers que lui. C’est pourquoi, il ne faut jamais pointer un fusil devant un homme-boîte.
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Vidéo de Kôbô Abe
Rendez-vous secret Marque-page 23-06-2011
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