Citations sur Dessous les roses (145)
C’est quoi l’idée ? Tu veux qu’on te plaigne ? Qu’on t’admire ? Qu’on s’extasie sur ton parcours ? Qu’on te décerne une médaille parce que t’as bien travaillé à l’école ? Qu’on te félicite d’avoir eu les dents longues ? D’avoir toujours pété plus haut que ton cul ? Ou c’est juste que sans ça tu te sentirais pas crédible, pas légitime ? Que t’as le complexe de l’imposteur ? Ou que tu te cherches des excuses pour te justifier d’être devenu un connard sans cœur et méprisant ? Je suis un sale type mais c’est pas de ma faute, mon père était dur avec moi…
(pages 35-36)
Les conneries révoltantes qu’avait sorties le prêtre – genre il est bien là où il est, peut-être mieux qu’avant, dans la lumière de Dieu ou je ne sais pas quoi. La lumière de Dieu, mon cul, il était dans la terre et promis aux vers.
(pages 145-146)
Le vieillissement frappait ainsi. Par à-coups. Au gré des épreuves, des maladies, des deuils. Ce n’était pas vrai qu’on vieillissait peu à peu. Non. On vieillissait subitement. Mais à plusieurs reprises. Par paliers.
Emma a haussé les épaules. Elle ne voyait pas le problème. C’était pourtant une adolescente de sa génération, attentive à toutes les formes d’inégalité, pourfendeuse du patriarcat, traquant l’offense jusque dans les blagues les plus anodines. Mais cette conscience aigüe, toujours en éveil, elle la laissait à la porte de la maison, il fallait croire. Que je me tape, en plus de mon boulot, les quatre cinquièmes de la charge domestique n’avait pas l’air de l’empêcher de dormir.
(page 87)
Contre la mort et la maladie, il n’y a que la vie comme remède.
Tout passe, tu sais, répétait-elle souvent. Et c’était là l’essentiel de sa philosophie. Endurer. Faire le dos rond. Attendre que le temps fasse son œuvre. Avec patience et en silence. Sans plainte, surtout.
Je n’avais rien entendu mais il avait dû prendre soin de ne pas faire craquer les marches comme quand il vivait ici et qu’il savait se montrer aussi discret et léger qu’un chat ; et c’est vrai qu’il avait toujours eu de faux airs de félin : lui aussi revendiquait son indépendance et ne se laissait approcher que lorsqu’il le décidait.
Je me suis demandé si ce serait toujours comme ça, désormais si la mort effaçait tout. Comme ces gens connus dont ou oublie les frasques, les comportements condamnables, les actes impardonnables, le jour même de leur décès. Soudain, tout le monde les aime. On les couvre d’éloges posthumes. Et leur part d’ombre fond au soleil du deuil national.
(page 198)
Voir mes parents devenir ces grands-parents-là, prévenants, presque doux, m’avait peut-être un peu désarçonnée au début, mais ça m’avait surtout émue. J’étais heureuse pour eux. Heureuse pour mes enfants.
(page 131)
Il fallait vraiment vivre le cul dans la soie pour regretter la réalité d’une vie d’ouvrier. OK la solidarité, OK la camaraderie. Mais bordel : l’usure, l’asservissement, l’obéissance, l’abrutissement. Le cancer à cinquante-cinq berges. La retraite en unité de soins palliatifs.
(pages 74-75)