La tête sous l'eau

Voilà. Je suis dans ma nouvelle chambre . ma nouvelle maison. Loin de toi. Dehors il fait beau. La plage est bondée. Tout le monde a l'air heureux. La mer est belle. Qu'est ce que j'en ai à foutre ?
Je suis desolee. Je sais que j'ai foiré nos adieux "nos au revoir" , me corrigerais tu). Que je me suis comportée comme une merde . Que ce n'est pas à toique je devrais m'en prendre. Mais à mes parents et à eux seuls.je leur en veux, ....
D

- Tu sens la mer. Laisse-moi sentir encore.
Puis elle colle son nez dans mes cheveux. Et elle éclate en sanglots. Au même moment, on toque à la porte. Un médecin entre et m’interroge du regard.
- C'est à cause de la mer, je fais.
Dit comme ça, ça n'a aucun sens, mais le docteur a l'air de comprendre. C'est son métier, après tout : comprendre.
- Dans mes cheveux, je précise.

"Va te faire foutre. Va te faire foutre. Va te faire foutre.
Tu n'existe plus. Tu n'as jamais existé. Tu n'es rien.
Je t'ai rayée de ma vie. J'ai remis mon cerveau à zéro. Je n'ai plus de mémoire.
Comme dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind. J'ai oublié que tu avais compté pour moi un jour. Puisque je m'en rend compte : je n'ai jamais pu compter sur toi. Ce jour-là pas plus qu'un autre. Je me suis tellement raccrochée à toi, à nous, pourtant, pendant tout ces jours. Je me disais : Je tiens à elle. C'est à elle que je tiens. c'est grâce à elle que je tiens. Que je dois tenir. Il n'y a plus qu'elle qui m'attache encore à quelque chose.
Tu n'existes plus. J'ai tout effacé. Et c'est comme une délivrance. De tout ce que j'ai vécu ces derniers mois tu es la seule chose qui m'empêchait de tout oublier. De tout enfermer dans une boîte et de l'enterrer au fond des sables. De me persuader moi-même que tout ça n'avait eu lieu. Que c'était juste un cauchemar. Que rien de tout ça n'avait existé.
Adieu. Je ne t'ai jamais aimée. Je n'ai jamais fait ta connaissance. Tu n'es jamais née.
Léa"

Zoé

On peut pas tout aimer pareil. Du moment qu'on s'aime toi et moi.

Adieu, cette fois. Oublie-moi comme je t'oublie. Mais au final je crois que ce sera plus difficile pour toi que pour moi. Parce que m'oublier, c'est t'oublier toi-même. Et vivre dans le mensonge, se nier. Personne ne peut être heureux comme ça.

T'es où ? J'arrive pas à te joindre. T'es peut-être au ciné. Au théâtre. Avec des potes à boire des coups. Je peux même pas imaginer ça. T'as beau me raconter ça tous les jours, ça rentre pas. Je peux pas imaginer que tu vives sans moi. Moi sans toi je suis comme morte. Je me lève, je vais en cours, je me couche. Mais je suis morte à l'intérieur. Y a que toi qui puisses me réveiller. Comme ces cons de princes dans les Disney.

Il a fallu s'y résoudre d'une manière ou l'autre. S’accommoder à l'idée que même si nous étions détruits, morts à l'intérieur, la Terre ne s'était pas arrêtée de tourner pour autant, tout ne s'était pas effondré autour de nous. Que nous n'avions pas été immédiatement réduits en poussière et propulsés dans le noir infini de l'univers. Qu'il nous fallait continuer à respirer malgré tout. Nous nourrir. Nous lever le matin. Survivre. Jour après jour.

Je peux pas imaginer ma vie sans toi. Même si c'est bien ce qui se passe en ce moment. Et ça ne ressemble à rien. Sans ta bouche, ton rire, tes yeux, tes mains, rien ne ressemble à rien. Sans tes mots à mon oreille, rien ne ressemble à rien. Et moi non plus je ne ressemble à rien. Tu me verrais. Ma gueule de déterrée. Ma gueule de tristesse. Tu me manques. Et moi ? Je te manque ? Comment tu respires sans moi ? M'en veux pas, mais j'espère que la réponse c'est : mal. J'espère que tu es au fond du trou. C'est dégueulasse, hein ? Si je t'aime, je devrais souhaiter ton bonheur. Mais ce que je veux, c'est le nôtre, de bonheur. Un bonheur à deux. Sinon autant crever.

Bien sûr je ne suis pas dans la tête de mes parents, mais je suis certain qu'il s'y passe la même chose que dans la mienne. Une immense bouffée d'émotion incontrôlable. Un putain de bouleversement intérieur. Un mélange dément de rire et de larmes. On est tous tellement à fleur de peau en cet instant. Sans plus la moindre protection. Toute armure fendue. Juste des boules de sentiments. Les nerfs à vifs. Le cœur ouvert.

On se dirige vers l'eau et je reste deux heures à me faire bousculer par les vagues. Je cherche moins à les prendre qu'à me perdre à l'intérieur. Comme dans le tambour d'une machine à laver. Je les laisse m'emporter, me malmener. Me brutaliser. Infiniment je chute et bois la tasse, me retrouve la tête sous la flotte sans plus savoir discerner le fond de la surface. Je me laisse boxer jusqu'à l'épuisement, jusqu'à ce que mon cerveau se vide et que mon corps s'efface.