Citations sur Mon cœur en cendres (14)
Qu’est-ce que tu avais dans le crâne ? Qu’est-ce qui te faisait autant souffrir ? À quel moment on décide qu’on en peut plus. Qu’on ne s’en sortira jamais. Que c’est mieux de tout arrêter. Qu’est-ce qui te pesait à ce point ?
Lui comme sa femme semblent incapables de concevoir qu’on puisse se passer de littérature, que ce soit en vacances ou le reste du temps. Léa c’est pareil. Et son petit frère aussi, même s’il lit des bandes dessinées dès qu’il le peut. Ils font tous partie de la secte. Le roman, chez eux, c’est un genre de religion et ils ne comprennent pas qu’on puisse être non pratiquant. Non croyant, j’en parle même pas. J’ai dû m’y mettre sérieusement pour ne pas faire tache. Et j’avoue, ça a fini par me plaire.
Je vois déjà tout. Je sais que c’est hyper ringard et conventionnel, mais j’imagine déjà la maison, mon amoureux, des enfants, le jardin, mon bureau pour écrire, des tonnes de livres partout […] Seulement, ce que je n’arrive pas à me figurer, c’est la transition. Le point entre les deux. Entre maintenant et plus tard. Mais je suppose que c’est normal. Parce qu’on s’imagine toujours que les choses se font d’un coup. Alors qu’en fait tout se fait peu à peu. Par glissements successifs.
Ça fait un an. Un an que je te parle dans ma tête. Un an que je t’écris à peu près une fois par semaine. Un an que je cherche des réponses à des questions absurdes. Pourquoi tu nous as fait ça ? Pourquoi tu t’es fait ça ? Comment on fait pour vivre avec ça ? Ton absence. Ton départ volontaire. Et bien sûr que je t’en veux. D’avoir quitté le terrain de jeux. De nous avoir abandonnés. Et bien sûr que je m’en veux. De n’avoir rien vu alors que j’avais tout vu. De n’avoir rien su empêcher.
Est-ce que c’est différent entre meufs ? Est-ce qu’elles parlent vraiment, elles, de ce qui compte ? De ce qui les ronge ou les réjouit au contraire. De ce que ça leur fait d’être en vie. De ce qui leur passe vraiment dans le crâne et le cœur. Des douleurs, des fissures, des tremblements. Des joies, de la lumière. De l’amour qu’elles éprouvent. De l’amour qui se dérobe. De l’amour qui leur manque.
[…] l’angoisse s’est mise à refluer. Bien sûr des fois je la sens qui rôde. Je sens ce truc poisseux au fond de moi, qui voudrait m’engloutir. Comme des putains de sables mouvants. Mais j’ai appris à m’en tenir éloignée. À faire taire les voix dans ma tête. J’ai appris à détourner le regard et à ne plus voir que la lumière. Et régulièrement je me purge. En écrivant des ces poèmes. […] Ça me fait un endroit où foutre mes ténèbres intérieures, m’en délivrer, m’en débarrasser.
Est-ce que c’est différent ailleurs ? Dans d’autres familles ? D’autres groupes d’amis ? Est-ce que c’est différent entre meufs ? Est-ce qu’elles se parlent vraiment, elles, de ce qui compte ? De ce qui les ronge ou les réjouit au contraire. De ce que ça leur fait d’être en vie. De ce qui leur passe vraiment dans le crâne et le cœur. Des douleurs, des fissures, des tremblements. Des joies, de la lumière. De l’amour qu’elles éprouvent. De l’amour qui se dérobe. De l’amour qui leur manque.
Je n’ai rien vu et pourtant j’ai tout vu. J’ai tout vu et je n’ai rien empêché. C’est comme une spirale qui ne cesse de m’engloutir. Un labyrinthe mental dans lequel je tourne sans fin. Comme un foutu hamster dans sa roue à la con.
— Tu vas voir, ça va finir en karaoké. Mais c’est leur manière de faire. Être ensemble. En son honneur. C’est leur façon de se serrer les coudes.
— Et toi ? je demande. T’as des gens avec qui… te serrer les coudes ? À part tes parents ?
— Mes parents ? Tu rigoles. On ne parle jamais de Tranh. On se contente de crever chacun dans notre coin. Ils passent encore plus de temps qu’avant au resto, même s’il y a de moins en moins de clients. Papa ne dit quasi plus un mot. Des fois je vois maman regarder dans le vide pendant des heures entières. Elle reste assise sur son lit, droite comme un i, les mains jointes. Et c’est tout.
Et de tant d'autres choses. De tout ce que j'aurais pu faire et que je n'avais pas fait. Comme pour Tranh