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Citations sur Une saison de coton : Trois familles de métayers (36)

Nous sommes les premiers à admettre qu'à considérer l'Amérique de long en large, les loisirs de son peuple semblent encore plus sinistres que son travail.

(P146)
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Une civilisation qui pour quelque raison que ce soit porte préjudice à une vie humaine, ou une civilisation qui ne peut exister qu'en portant préjudice à la vie humaine, ne mérite ni ce nom ni de perdurer. Et un être dont la vie se nourrit du préjudice imposé aux autres, et qui préfère que cela continue ainsi, n'est humain que par définition, ayant beaucoup plus en commun avec la punaise de lit, le ver solitaire, le cancer et les charognards des mers.

(P31)
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De ses yeux jaune clair, ignorants et quelque peu inquiétants, il vous observe en silence. Il se déplace lentement, puissamment, d'une démarche adaptée aux terrains accidentés et, comme beaucoup de gens qui ne savent ni lire ni écrire, il manie les mots avec une économie et une beauté maladroites, comme s'il s'agissait d'animaux de trait labourant une vaste terre difficile. Il est généralement grave moins lesté par un état d'esprit que par une profonde fatigue que rien ne vient alléger ; et doux, non pas de la douceur prémédité du chrétien mais celle non conventionnelle de l'animal de grande taille. Il est capable de colères meurtrières, et aussi de s'amuser, riant du maladroit qui s'est blessé et de toute chose touchant au registre plus large du comique sexuel. Il aime se soûler mais peut rarement se permettre la dépense.

(P55)
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Il n'est que justice de remarquer qu'ils "aiment" cette nourriture, tout autant que leur manière de vivre, voire qu'ils les préfèrent en effet par un étrange bonheur à des choses dont ils n'ont jamais fait l'expérience : et cela s'explique moins par leur présente situation de métayers du coton que par l'ignorance, la négligence et une tradition paysanne locale. Et il n'est que justice, certainement, de remarquer que l'ignorance et la négligence et jusqu'à cette tradition sont les résultantes inévitables d'une seule et unique chose : la pauvreté. La musique peut résonner en tous lieux, mais c'est de là qu'elle vient.
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Sur les Noirs dans le Sud des USA en 1936 :

Dire qu'ils sont nonchalants est une ineptie. Dire qu'ils se distinguent par leur joie de vivre tout autant que les blancs de la même classe se distinguent par leur apathie et leur tristesse de vivre est une vérité. Leur sensibilité, leur grâce et leur puissance quasi surnaturelle en tant qu'êtres humains sont une évidence. Ils s'habillent avec un sens esthétique dont aucune autre population américaine ne fait preuve, même de loin ; ils sont en train de créer sans doute le plus distingué des arts lyriques américains de leur époque ; ceux qui sont "non créatifs" sont sensibles à l'art et à une subtilité de sentiments et de comportements comme aucun blanc ne l'a été depuis trois siècles ; ils aiment avec une grâce lubrique et tombent en désamour avec une franchise que peu de blancs occidentaux ont su atteindre depuis l'époque de saint Paul : et, pour faire court, il semble plutôt évident, après avoir observé plusieurs milliers d'entre eux vivre leur vie d'exclus, qu'ils constituent à maints égards majeurs une race non pas égale mais supérieure : et que ce qu'ils ont enduré ces quelques dernières générations a, tout autant que la nature éternelle et le pouvoir de l'intelligence, contribué à cette supériorité.

(P177)
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Se trouver en présence d'une énigme absolue est chose rare, inattendue et saisissante ; et cela mérite toujours qu'on s'y attarde.

(P56)
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Un être dont la vie se nourrit du préjudice imposé aux autres, et qui préfère que cela continue ainsi, n'est humain que par définition, ayant beaucoup plus en commun avec la punaise de lit, le ver solitaire, le cancer et les charognards des mers.
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Le Noir fait partie du système du métayage de coton au même titre qu'il fait partie du système du labeur dans le Sud, c'est-à-dire qu'il est cet homme que le travailleur blanc naît en détestant et meurt en détestant. Et il est détesté parce que c'est un nègre ; détesté parce qu'on estime qu'aucune femme blanche laissée sans surveillance ne se trouve en sécurité à moins d'un kilomètre de lui ; détesté parce qu'il accepte de travailler pour une paie sur laquelle l'homme blanc cracherait et d'être traité d'une manière qui pousserait l'homme blanc au meurtre ; il est surtout détesté, bien sûr, par les blancs que les circonstances ont placés presque aussi bas sur l'échelle sociale que lui.

(P173)
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Mais pour revenir à la super-normalité des Burroughs, faisons un dernier point sur l'alimentation.
En dehors de l'occasionnel poulet, dont le régime est surtout constitué d'excréments humains, ils ne mangent jamais d'autre viande que du porc, et jamais de porc si ce n'est salé, et jamais plus d'un petit morceau à la fois, et assez souvent même pas un petit morceau.
Il n'y a jamais de lait frais même pour les enfants, car ce serait gaspiller de quoi faire du bon beurre.
Il n'y a que très rarement du poisson. Toujours en boîte.
Des légumes qui ont commencé leur vie en étant verts, il y en a peu. Ils sont cuisinés avec du porc quand il en reste suffisamment pour ça ; sinon, ils sont cuits avec du saindoux ; ils sont systématiquement cuits au-delà de toute couleur verte et prennent celle de la mort, olive foncé.
En fait, tous les aliments, qu'ils aient été frits, bouilli ou rôtis, sont puissamment assaisonnés de saindoux, et suintent le saindoux par chacun de leurs pores. Comme vous, après un repas ou deux.
Trente à quarante pour cent de toute la nourriture qui entre dans la bouche est du maïs. Si l'on aborde ce sujet ne serait-ce que sous l'angle, évidemment trivial, de l'esthétique, deux semaine de ce régime noircissent des dents jamais brossées et recouvrent chacune d'elles d'une chaussette épaisse et malodorante de tartre.
Vingt pour cent du reste de la nourriture est très vraisemblablement composé de pois des champs.
Les aliments sont également toujours assaisonnés de sorgho, qui masque leur monotonie derrière une monotonie plus grande encore, et excite les boyaux.
Pendant les cinq mois qui vont de l'automne au printemps, cette pitance se limite à des aliments en conserve ou séchés que viennent égayer quelques pauvres légumes d'hiver, cuits comme toujours jusqu'à prendre une texture de languette de chaussure.
Il n'est que justice de remarquer qu'ils "aiment" cette nourriture, tout autant que leur manière de vivre, voire qu'ils les préfèrent en effet par un étrange bonheur à des choses dont ils n'ont jamais fait l'expérience : et cela s'explique moins par leur présente situation de métayers du coton que par l'ignorance, la négligence et une tradition paysanne locale. Et il n'est que justice, certainement, de remarquer que l'ignorance et la négligence et jusqu'à cette tradition sont les résultantes inévitables d'une seule et unique chose : la pauvreté. La musique peut résonner en tous lieux, mais c'est de là qu'elle vient.
Et maintenant comprenez enfin, avec la limite d'une expérience vécue par procuration, que cette féroce et régulière bastonnade des tripes et de la tête se produit à intervalles de quelques heures trois fois par jour (quand il y a de quoi manger, à l'évidence) et dure exactement toute une vie. Réfléchissez sérieusement aux bienfaits de cette alimentation pour un enfant à naître ou pour un nourrisson ; pour un enfant ; pour un adolescent ; pour un adulte ; et demandez-vous sérieusement s'il n'est pas remarquable, au risque d'en avoir la nausée, qu'une plante nourrie dans un tel terreau puisse y vivre non pas en bonne santé ni dans un quelconque épanouissement de sa forme, mais puisse y vivre tout simplement.
Cependant l'organisme humain a la vie tenace et il s'adapte de façon miraculeuse. Au cours de ce processus d'adaptation, il est parfois contraint de sacrifier plusieurs fonctions secondaires, comme la capacité de réfléchir, de ressentir des émotions, ou de percevoir quelque joie ou vertu dans le fait de vivre ; cependant, il vit.
A une altitude de huit mille mètre dans les hauts cols de l'Everest, bien au-delà de l'altitude que peuvent supporter les plantes, de pâles araignées ont été identifiées, qui se nourrissent de rien de plus décelable que l'air. Apparemment elles se reproduisent aussi. Ce qu'elles font de leur temps, et, par là même, à quelle fin, personne ne le sait.

(P91)
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Aucun Noir n'est responsable de l'immense fardeau de brutalité physique et spirituelle qu'il a supporté et continue de supporter.

(P175)
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