Citations sur Quand le requin dort (74)
Dans ce monde-ci, il y a plein de choses qui ne me plaisent pas. Je dirai même que
je le trouve moche, et je préfère décidément le mien.
Mais le docteur Salevsky est vraiment un peu spécial et à la fin tu t'abandonnes à ce désir et à cette nostalgie de la vie qu'est le tango.
Et maman croise et croise les pas, et de huit en huit, elle s'en va au Cap Horn. En Amérique. Au bout du monde. Et peu importe qu'elle se prenne les pieds ou qu'elle tombe en arrière, peu importe car le fiancé de ma tante te fait comprendre que le bonheur ce n'est pas seulement pour les autres, c'est aussi pour toi, à condition que tu te lances.
Jeune fille, en réaction à la méchanceté d’Hitler, elle devint communiste. Mais ensuite elle lut des choses sur les crimes de Staline et de Mao, et que la vie était moche en Russie et en Chine aussi. Elle se rabattit sur l’Église, mais là encore il y avait ou il y avait eu dans le passé des gens méchants : les inquisiteurs, par exemple, ou les bigotes sans cœur. Il ne restait plus que la démocratie. Parfaite. Mais papa dit toujours que les démocraties occidentales, avec leur dictature économique, assassinent le tiers-monde.
L’attente est une vraie cérémonie : ampoule de dix watts dans ma chambre, silence total. Je l’attends couchée sur le lit comme si nous devions sortir. Manteau, sac à main, chaussures à talons et mains croisées sur la poitrine.
Une morte prête à renaître. Une petite moche prête à devenir une beauté.
Dieu était comme ça, avec nous les humains: tranquille et serein, et infiniment lointain. La merde, il fallait s'en sortir tout seul. Alors que moi j'aurais voulu un mode d'emploi... Et comment fait-on pour savoir ce qui est vraiment de la merde ?
Alors je me suis mise a penser que rien dans ma vie n'avait été ou n'étais vraiment de la merde. Mince alors. En fait, tout était beau. Et même dans la vie de maman, sauf qu'elle ne l'avait pas compris...
Je me dirigeais vers l'autre côté, où il y a de longues dunes de sable doux. Je longeai un des sentiers parfumés. Myrte. Genévrier. Romarin. Même les fleurs de chardon arboraient la couleur des lilas en se frayant un passage entre les pierres.
Ainsi, petit point insignifiant dans l'univers, je m'apprêtai à jouir de ce vrai don de Dieu. Arrivé à la dune, je m'assis et ôtai mes chaussures, regardai la grande pente de sable blanc qui allait m'emporter comme un toboggan doucement jusqu'à l'eau, une eau bleu et limpide et infini. Non seulement Dieu n'était pas un imbécile, mais il était tout simplement génial.
La famille Sevilla-Mendoza
En réalité, nous ne sommes pas la famille Sevilla-Mendoza. Nous sommes sardes, j’en suis sûre, depuis le Paléolithique supérieur.
C’est mon père qui nous appelle comme ça, ce sont les deux noms de famille les plus courants là-bas. Il a beaucoup voyagé, et l’Amérique c’est son mythe, mais pas celle du Nord, riche et prospère, celle du Sud, pauvre et déshéritée. Quand il était jeune, il disait qu’il y retournerait, seul ou avec la femme qu’il épouserait, qui partagerait son idéal et l’aventure de vouloir sauver le monde.
Il n’a jamais demandé à maman de partir là-bas avec lui. Partout où il fallait aider, il y est allé. Mais jamais avec elle, elle a bien trop peur des dangers et elle est toujours à bout de forces.
Chez nous, chacun court après quelque chose : maman la beauté, papa l’Amérique du Sud, mon frère la perfection, ma tante un fiancé.
Et moi j’écris des histoires, parce que quand le monde ne me plaît pas, je me transporte dans le mien et je suis bien.
Dans ce monde-ci, il y a plein de choses qui ne me plaisent pas. Je dirais même que je le trouve moche, et je préfère décidément le mien.
Dans mon monde, il y a lui, aussi, qui a déjà une femme.
Jeune fille, en réaction à la méchanceté d'Hitler, elle devint communiste. mais ensuite elle lut des choses sur les crimes de Staline et de Mao, et que la vie était moche en Russie et en Chine aussi. Elle se rabattit sur l'église, mais la encore i y avait, ou il y avait eu dans le passé des gens méchants : les inquisiteurs par exemple, ou les bigotes sans cœur. il ne restait plus que la démocratie. Parfaite. Mais papa dit toujours que les démocraties occidentales, avec leur dictature économique, assassinent le Tiers Monde.
Papa dit que nous avons une fausse idée de la stabilité. Que la stabilité pour nous c'est rester sans bouger. Alors qu'être stable c'est être stable dans le mouvement.
Il y a des gens qui croient que s'ils allaient au Cap Horn et qu'ils s'asseyaient au bout des rochers et qu'ils voyaient les deux océans qui s'affrontent, leur vie serait complètement changée. Moi je crois que tout est pareil partout.
A ce moment-là, Mauro avait compris qu'il pouvait mourir, il s'était résigné et s'était mis à admirer le paysage, tout gelé et endolori qu'il était. Il jouissait de la hauteur des vagues et de cet espace sans terre, sans ciel, rien que l'eau vaporisée par le vent. Et puis ça avait passé. Il s'en était sorti.