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Citations sur Vie nouvelle (62)

Ma Dame porte l’amour dans ses yeux,
De sorte que ce qu’elle regarde s’embellit.

Où elle passe chacun se tourne vers elle

Et son salut fait trembler le cœur,

De sorte que baissant son visage on pâlit,

Et on se repent de ses propres fautes.

L’orgueil et la colère s’enfuient devant elle.

Aidez-moi, Mesdames, à lui faire honneur.

Toute douceur, toute pensée modeste,

Naissent dans le cœur de celui qui l’entend parler.

Vita Nova, XXI
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Après que ce sonnet fut achevé, m’apparut une vision merveilleuse dans laquelle je vis des choses qui me décidèrent à ne plus parler de cette créature bénie, jusqu’à ce que je pusse le faire d’une manière digne d’elle. Et je m’étudie à y arriver, autant que je le puis, comme elle le sait bien.

Si bien que, s’il plaira à celui par qui vivent toutes les choses que ma vie se prolonge encore de quelques années, j’espère dire d’elle ce qui n’a encore été dit d’aucune autre femme.

Et puis, qu’il plaise à Dieu, qui est le Seigneur de toute grâce que mon âme puisse s’en aller contempler la gloire de sa Dame, c’est-à-dire de cette Béatrice bénie qui regarde la face de celui qui est per omnia sæcula benedictus ! …


fin de la vita nuova
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Puis deux nobles dames me firent prier de leur envoyer quelques-uns de mes vers. Et moi, voyant qui elles étaient, je me proposai de le faire et de leur envoyer quelque chose de nouveau que je leur adresserais pour répondre d’une manière honorable à leur prière. Je fis donc un sonnet qui exprimait l’état de mon esprit, accompagné du précédent, avec un autre qui commençait par Venite a intendere[1]. Voici ce sonnet.

Bien au delà de la sphère qui parcourt la plus large évolution[2]
Monte le soupir qui sort de mon cœur.
Une intelligence nouvelle que l’Amour
En pleurant met en lui le pousse tout en haut.
Quand il est arrivé là où il aspire
Il voit une femme qui est l’objet de tant d’honneur
Et brille d’une telle lumière

Qu’elle fascine et attire ce souffle errant.
Il la voit si grande que, lorsqu’il me le redit,
Je ne le comprends pas, tant il parle subtilement
Au cœur souffrant qui le fait parler.
Mais je sais, moi, que c’est de cette charmante créature qu’il parle,
Car il me rappelle souvent le nom de Béatrice,
De sorte, chères Dames, que je le comprends alors[3].



Venite a intendere i miei sospiri… (Voir le sonnet du ch. XXIII.)
Oltre la spera che più larga gira… C’est la sphère la plus élevée et la plus rapprochée de l’Empyrée, c’est-à-dire le sommet de la fin de l’Univers.
Commentaire du ch. XLII.
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Après que j’eus rendu cet hommage à sa mémoire, il arriva que tout le monde venait voir cette image bénie que Jésus-Christ nous a laissée de sa belle figure[1], image que ma Dame voit glorieusement aujourd’hui. Une troupe de pèlerins passait par un chemin qui se trouve au milieu de la ville « où elle est née, où elle a vécu, où elle est morte… » Et ils me semblaient marcher pensifs.

Et moi, songeant à eux, je me disais : ces pèlerins me paraissent venir de loin, et je ne crois pas qu’ils aient entendu parler de cette femme, et ils ne savent rien d’elle. Aussi pensent-ils à tout autre chose, peut-être à leurs amis lointains que nous ne connaissons pas. Si je pouvais les entretenir un peu, je les ferais pleurer avant qu’ils ne sortent de cette ville, parce que je leur dirais des paroles qui feraient pleurer quiconque les entendrait. Aussi, après qu’ils eurent disparu, je me proposai de faire un sonnet qui exprimerait ce que je m’étais dit en dedans de moi, et pour qu’il fût plus touchant, je fis comme si j’eusse parlé à eux-mêmes.

Ô pèlerins, qui marchez en pensant[2]
Peut-être à ceux qui sont loin de vous,
Vous venez donc de bien loin,
Comme on en peut juger par votre aspect ;
Car vous ne pleurez pas, en traversant
Cette ville affligée,
Comme des gens qui ne savent rien
De ce qui la plonge dans la désolation.
Si vous vouliez rester et l’entendre,
Mon cœur me dit en soupirant
Que vous n’en sortiriez qu’en pleurant.
Cette ville a perdu sa Béatrice.
Et tout ce qu’on peut dire d’elle
Est fait pour faire pleurer les autres[3].



C’est ce qu’on a appelé le mouchoir de Sainte-Véronique, sur lequel, suivant la légende, se serait imprimée la figure de Jésus, alors que Véronique essuyait la sueur qui le recouvrait lors de la montée au Calvaire. Ce mouchoir aurait été conservé dans une église de Rome, où il était l’objet de pèlerinages.
Deh peregrini, che pensosi andate…
Commentaire du ch. XLI.
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Un jour, vers l’heure de none, il s’éleva en moi contre cet adversaire une puissante imagination qui me fit apparaître cette glorieuse Béatrice avec ce vêtement rouge sous lequel elle s’était montrée à moi pour la première fois. Alors, je me mis à penser à elle, et me reportant à l’ordre du temps passé je me souvins, et mon cœur commença à se repentir douloureusement du désir dont il s’était si lâchement laissé posséder pendant quelques jours, en dépit de la constance de la raison. Et rejetant tout désir coupable, mes pensées retournèrent à la divine Béatrice. Et depuis lors je commençai à penser à elle de tout mon cœur honteux, de sorte que je ne cessais de soupirer.

Et presque tous mes soupirs disaient en sortant ce qui se disait dans mon cœur, c’est-à-dire le nom de cette femme, et comment elle nous avait quittés. Et alors que se renouvelaient ces soupirs, se renouvelaient en même temps les pleurs interrompus, de sorte que mes yeux paraissaient être devenus deux choses qui ne souhaitaient plus que de pleurer. Et il arrivait que par la longue continuité de ces pleurs, ils finissaient par s’entourer de cette rougeur qui est le stigmate des pensées martyrisantes. Aussi furent-ils si bien compensés de leur sécheresse que désormais ils ne purent regarder personne sans que toutes ces pensées leur revinssent.

Aussi voulant que ces désirs coupables et ces vaines tentations fussent détruits de manière qu’il ne restât aucune signification de ce qui précède, j’ai voulu faire ce sonnet qui le fît bien comprendre.

Hélas, par la force des soupirs[1]
Qui naissent des pensées contenues dans mon cœur,
Mes yeux sont vaincus et ne sont plus capables
De regarder ceux qui les regardent.
Et ils sont devenus tels qu’ils semblent n’avoir plus que deux désirs :
Celui de pleurer, et celui de montrer leur douleur,
Et souvent ils pleurent tellement que l’Amour
Les cerne des stigmates du martyre.
Ces pensées, et les soupirs que je pousse
Me remplissent le cœur de telles angoisses

Que l’Amour s’évanouit en gémissant.
Et ils gardent douloureusement inscrit le nom de ma Dame
Et tout ce que j’ai pu dire de sa mort[2].



Lasso ! per forza de’ molti sospiri…
Commentaire du ch. XL.
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La vue de cette femme me mettait dans un état si extraordinaire que je pensais souvent à elle comme à une personne qui me plaisait trop ; et voici comment je pensais à elle : cette femme est noble, belle, jeune et sage ; et c’est peut-être par le vouloir de l’Amour qu’elle m’est apparue pour rendre le repos à ma vie. Et quelquefois j’y pensais si amoureusement que mon cœur s’y abandonnait avec le consentement de ma raison. Puis, après cela, ma raison venait me redire : Ô quelle est donc cette pensée qui vient si méchamment me consoler, et ne me laisse plus penser à autre chose ? Puis se redressait encore une autre pensée qui disait : maintenant que l’amour t’a tant fait souffrir, pourquoi ne veux-tu pas te débarrasser d’une telle amertume ? Tu vois bien que c’est un souffle qui t’apporte des désirs amoureux, et qui vient d’un côté aussi attrayant que les yeux de cette femme qui t’a témoigné tant de compassion ? Et, après avoir bien souvent combattu en moi-même, j’ai voulu en dire quelques mots. Et comme c’était les pensées qui me parlaient pour elle qui l’emportaient, c’est à elle que j’ai cru devoir adresser ce sonnet.

Une pensée charmante s’en vient souvent[1],
En me parlant de vous, demeurer en moi.
Elle me parle avec tant de douceur
Qu’elle y entraîne mon cœur.
Mon âme dit alors à mon cœur : qui donc
Vient consoler ainsi notre esprit,
Et dont le pouvoir est si grand
Qu’il ne laisse plus en nous d’autre pensée ?
Et mon cœur répond : Ô âme pensive,
C’est un nouveau souffle d’amour
Qui m’apporte ses désirs ;
Et il a tiré sa vie et son pouvoir
Des yeux de cette compatissante
Que nos souffrances avaient tellement émue[2].



Gentil pensiero che mi parla di vui…
Commentaire du ch. XXXIX.
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À force de regarder cette femme, j’en arrivai à ce point que mes yeux commencèrent à trouver trop de plaisir à la voir. Aussi, je m’en irritais souvent, et je me taxais de lâcheté, et je maudissais encore mes yeux pour leur sécheresse, et je leur disais dans ma pensée : vous faisiez habituellement pleurer ceux qui voyaient la douleur dont vous êtes pénétrés, et maintenant il semble que vous vouliez l’oublier pour cette femme qui vous regarde, mais ne vous regarde précisément que parce qu’elle pleure aussi la glorieuse femme que vous pleurez. Mais faites comme bon vous semblera : je vous la rappellerai souvent, maudits yeux dont la mort seule devait arrêter les larmes. Et, quand j’avais ainsi parlé à mes yeux, mes soupirs m’assaillaient encore plus grands et plus angoissans. Et afin que cette bataille, que je me livrais ainsi à moi-même, ne demeurât pas connue seulement du malheureux qui la subissait, je voulus en faire un sonnet qui décrivît cette horrible situation.

Les larmes amères que vous versiez[1],
Ô mes yeux, depuis si longtemps,
Faisaient tressaillir les autres
De pitié, comme vous l’avez vu.
Il me semble aujourd’hui que vous l’oublieriez
Si j’étais de mon côté assez lâche
Pour ne pas chercher toute raison de venir vous troubler
En vous rappelant celle que vous pleuriez.
Votre sécheresse me donne à penser.
Elle m’épouvante tellement que c’est de l’effroi que me cause
Le visage d’une femme qui vous regarde.
Vous ne devriez jamais, si ce n’est après la mort,
Oublier notre Dame qui est morte.
Voilà ce que mon cœur dit ; et puis il soupire[2].



L’amaro lagrimar che voi faceste…
Commentaire du ch. XXXVIII.
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Il arriva ensuite que, partout où cette femme me voyait, son visage se recouvrait d’une expression compatissante, et prenait comme une couleur d’amour, ce qui me rappelait ma très noble dame à qui j’avais vu cette même pâleur. Et il est certain que souvent, quand je ne pouvais plus pleurer ni décharger mon cœur angoissé, j’allais voir cette femme compatissante, dont l’aspect tirait des larmes de mes yeux. Aussi, ai-je voulu m’adresser à elle dans le sonnet suivant :

Couleur d’amour et signes de compassion[1]
Ne se sont jamais imprimés aussi merveilleusement
Sur le visage d’une femme,
Avec de doux regards et des pleurs douloureux,
Comme sur le vôtre quand vous voyez devant vous
Ma figure affligée.
Si bien que par vous me revient à l’esprit
Une frayeur telle que je crains que le cœur m’en éclate
Je ne puis empêcher mes yeux obscurcis

De vous regarder, souvent,
Quand ils ont envie de pleurer.
Et vous accroissez tellement ce désir
Qu’ils s’y consument tout entiers.
Mais devant vous ils ne savent plus pleurer[2].



Color d’amore, e di pietà sembianti…
Commentaire du ch. XXXVII.
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Quelque temps après, comme je me trouvais dans un endroit où je me rappelais le temps passé, je demeurais tout pensif, et mes réflexions étaient si douloureuses qu’elles me donnaient l’apparence d’un profond égarement. Alors, ayant conscience de mon trouble, je levai les yeux pour regarder si quelqu’un me voyait.

Et j’aperçus une femme jeune et très belle qui semblait me regarder d’une fenêtre, avec un air si compatissant qu’on eût dit que toutes les compassions se fussent recueillies en elle. Et alors, comme les malheureux qui, aussitôt qu’on leur témoigne quelque compassion, se mettent à pleurer, comme s’ils en ressentaient pour eux-mêmes, je sentis les larmes me venir aux yeux. Et, craignant de laisser voir ma propre faiblesse, je m’éloignai des yeux de cette femme, et je disais à part moi : il ne se peut pas que chez une femme aussi compatissante l’amour ne soit pas très noble. Je résolus alors de faire un sonnet qui s’adresserait à elle et raconterait ce que je viens de dire.

Mes yeux ont vu combien de compassion[1]
Se montrait sur votre visage
Quand vous regardiez l’état
Où ma douleur me met si souvent.
Alors je m’aperçus que vous pensiez
Combien ma vie est angoissée,
De sorte que vint à mon cœur la peur
De trop laisser voir la profondeur de mon découragement,
Et je me suis éloigné de vous en sentant
Les larmes qui montaient de mon cœur
Bouleversé par votre aspect.
Et je disais ensuite dans mon âme attristée :
Il est bien dans cette femme
Cet amour qui me fait pleurer ainsi[2].



Videro gli occhi miei quanta pietate…
Commentaire du ch. XXXVI.
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Le jour qui complétait l’année où cette femme était devenue citoyenne de la vie éternelle, je me trouvais assis dans un endroit où, en mémoire d’elle, je dessinais un ange sur une tablette[1]. Pendant que je dessinais, comme je tournai les yeux, je vis près de moi plusieurs personnages qu’il convenait que je saluasse. Ils regardaient ce que je faisais et, d’après ce qui m’a été dit plus tard, ils étaient là depuis quelque temps avant que je ne les eusse aperçus. Quand je les vis, je me levai et je leur dis en les saluant[2] : « Il y avait là quelqu’un avec moi, et c’est pour cela que j’étais tout à ma pensée. » Et, quand ils furent partis, je me remis à mon œuvre, c’est-à-dire à dessiner des figures d’anges. Et, tout en le faisant, il me vint à l’idée d’écrire quelques vers comme pour son anniversaire, et de les adresser à ceux qui étaient venus là près de moi.

Premier commencement.

À mon esprit était venue[3]
La gracieuse femme qui, à cause de son mérite,
Fut placée par le Seigneur
Dans le ciel de la paix où est Marie.

Second commencement.

À mon esprit était venue[4]
La gracieuse femme que l’amour pleure,
Au moment même où sa vertu secrète
Vous engagea à regarder ce que je faisais.
L’Amour qui la sentait dans mon esprit

S’était réveillé dans mon cœur détruit,
Et disait à mes soupirs : sortez,
Et chacun sortait en gémissant.
Ils sortaient de mon sein en pleurant,
Avec une voix qui ramène souvent
Des larmes amères dans mes yeux attristés.
Mais ceux qui en sortaient le plus douloureusement
Étaient ceux qui disaient : ô âme noble,
Il y a un an que tu es montée au ciel[5].



Dante aimait beaucoup le dessin. Il était l’ami de Giotto, et l’on a dit qu’il avait travaillé dans l’atelier de Cimabue.
Il faut toujours remarquer l’exquise politesse de ses manières.
Era venuta nella mente mia…
Il paraît s’être repris à deux fois pour écrire cette canzone, car le même vers est répété à chacun des commencemens.
Commentaire du ch. XXXV.
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