J'ai choisi ce titre au sein de la riche sélection masse critique grâce à son thème, qui m'intéresse beaucoup : celui de la condition de la femme dans nos sociétés – ici en Inde. Cette lecture marque donc ma première rencontre avec la littérature indienne, et, sans pour autant avoir été complétement subjuguée et emportée, j'ai pris plaisir à lire cette oeuvre. Je remercie donc bien vivement Babelio et les éditions Zulma pour cette opportunité !
«
De haute lutte » est en fait un recueil de quatre nouvelles : « Le manuscrit », « Les ailes brisées », «
De haute lutte » et « La forêt ».
La nouvelle est généralement un genre que j'affectionne, et j'admire les auteurs qui ont le courage de se lancer dans cet exercice, car, à la différence d'un roman qui ferait 500 pages, il est difficile de marquer, de bouleverser et de transporter complétement le lecteur en si peu de lignes ; j'ai d'ailleurs constaté avec regret que nombreuses – mais pas toutes ! – sont les nouvelles dont j'ai un jour apprécié la lecture, et qui ne me laissent pourtant aucun souvenir aujourd'hui… Et j'ai la triste sensation qu'il en sera de même pour ce recueil.
J'attendais beaucoup de la nouvelle éponyme, celle dont le résumé est présenté un peu partout et qui m'a donné envie de lire «
De haute lutte », mais elle m'a finalement un peu déçu, justement à cause de son format qui ne laisse pas le temps à l'intrigue de se développer, aux personnages de devenir attachants ; c'est pourquoi je m'attarderai plutôt sur la nouvelle, qui, à mon goût, est la plus essentielle – bien que ce ne soit pas ma préférée du recueil – mais je pense vraiment qu'il s'agit de la plus marquante.
La nouvelle en question est donc la deuxième nouvelle de ce recueil, intitulée « Les ailes brisées » qui est, de loin, la plus violente dans sa dénonciation de la condition féminine indienne. Certaines phrases piquent d'ailleurs les yeux, jugez-en par vous-même : « On l'avait offerte à (…) un homme plus âgé qu'elle et plus fort physiquement. Elle était sa propriété au même titre que le sofa et ses coussins. Si son mari mourait, on tirerait un trait sur elle. » Ainsi, Châyâ, l'héroïne de cette nouvelle, femme éduquée et intelligente, perd toute son importance, tout sa capacité d'être, et bien pire encore – comme en témoigne la citation – elle perd également toute humanisation, elle n'est plus une personne à part entière mais simplement « la femme de… », son objet, sa chose de peu d'importance. Tout en sachant que cette mentalité existe, il est très choquant de le lire et d'en prendre davantage conscience, et j'avoue que cette nouvelle est celle qui m'a clairement le plus chamboulé tant la situation de cette femme est révoltante, incompréhensible et inimaginable. Je pense également que ce qui frappe le lecteur avec « Les ailes brisées », c'est le contraste qu'elle apporte par rapport aux trois autres nouvelles, dans lesquelles les figures féminines sont très fortes, libres – l'une est poète, l'autre musicienne, la dernière « abandonne » sa famille pour vivre la vie dont elle rêve et est écrivaine à ses heures perdues – ses femmes se revendiquent, se battent et travaillent pour faire ce qu'elles aiment et ce qu'elles désirent ; ainsi, je pense avoir été affligée, révoltée et peinée par le sort de Châyâ, prisonnière de ce destin d'épouse et de mère qui ne lui permet pas de se réaliser… de même, on retrouve également un fort contraste entre ses pensées qui se rebellent, qui prennent conscience de sa condition misérable, qui souhaitent s'en sortir, et ses actes qui vont à l'encontre même de toutes ses réflexions, et qui sont, finalement, ceux que tout le monde attend d'elle. Ces portraits de femmes sont donc tout aussi intéressants, admirables que bouleversants ; et ils m'amènent à me demander : que ferais-je et qui serais-je si j'étais à leur place ? Aurais-je le courage de me rebeller ?... J'aimerais répondre que je ferais tout pour être libre, mais je ne peux affirmer qu'il en serait ainsi.
Un mot, pour finir, sur l'écriture d'Ambai qui est très poétique, très lumineuse, à la fois docile et insoumise. Ses descriptions de musiques, de lieux, des coutumes et de la culture tamoule sont passionnantes. J'ai néanmoins été déçue de ne pas trouver de renvois et de notes d'éditeur concernant les nombreuses expressions indiennes qui tapissent cette oeuvre, et c'est avec regret que j'ai découvert à la fin de ma lecture qu'il y avait un glossaire… N'ayant eu aucune indication quant à son existence, je n'ai pas pu savourer au maximum la beauté de la langue indienne, n'ayant pas eu le courage de tout rechercher de mon côté.
Bref, une bonne découverte, des nouvelles qui constituent à la fois un triste reflet du destin frustrant et vide de sens de certaines femmes indiennes, mêlé à la joie et la fierté de voir les autres s'émanciper, se revendiquer et désobéir avec force. A lire !