Pas étonnant que le capitaine Ancel ait eu des problèmes avec l'Etat Major, tant ses propos doivent déranger en haut lieu. Il explique bien les deux phases de l'opération à laquelle il a participé, Turquoise 1 et Turquoise 2. En tant que Français, on doit avoir honte de la première. La France a soutenu le gouvernement en place pendant la préparation du génocide, et pendant Turquoise 1, elle a soutenu le gouvernement intérimaire mis en place après l'assassinat du président alors qu'ils étaient responsables du massacre des Tutsis. C'est ce que raconte
Guillaume Ancel dans ce livre, comment les militaires rwandais trouvaient refuge au Zaïre, et comment semble-t-il, les Français les ont réarmés sur place après les avoir désarmés à la frontière.
Si on veut se consoler, on peut dire que la France a été la seule à intervenir et que son action a sauvé des vies. Car rappelons que le génocide a duré 3 mois et que personne ne s'est précipité pour aider. Les Canadiens présents au titre de l'ONU ont fui rapidement, les Belges ont fui également, et tout le monde a laissé faire. Les Français étaient seuls sur place pendant Turquoise 2.
Le génocide a été préparé de longue date (les discours assassins de l'infâme Radio des Mille Collines, les stocks de machettes en ville ...) et cela n'aurait pas dû passer inaperçu en France. D'un côté on a une situation explosive qui se prépare ouvertement, d'un autre côté le Monsieur Afrique de l'Elysée était Jean-Christophe Mitterand, fils de, et sa personnalité était si forte qu'il était surnommé "Papa m'a dit". Est-t-il possible qu'il n'ait rien compris ??? Difficile à croire, même de sa part.
A noter toutefois que l'auteur raconte ce qu'il a vu au Rwanda et ne cherche pas à analyser la situation dans son ensemble (ce en quoi il a certainement raison). Si le chiffre de 800.000 victimes est admis,
Pierre Péan lui, rappelle qu'une bonne moitié d'entre elles étaient des Hutus, et pas seulement parce qu'ils étaient modérés. Beaucoup ont été assassinés par le FPR, parti tutsi, qui a "nettoyé" au fur et à mesure de sa conquête du pays. Car c'est quand même frappant de constater qu'une rébellion tutsie a pris le pouvoir pendant le génocide des Tutsis !!! Personne n'attire l'attention sur ce point.
A noter également que le capitaine Ancel n'est pas un enfant de coeur, on le constate lorsqu'avec les légionnaires, ils tuent froidement un groupe de miliciens qui venaient les narguer. Ou lorsqu'il dit "je sors mon arme et la pointe délicatement sur son oeil gauche, sans le quitter des yeux. C'est une image désagréable, le canon d'un pistolet juste en face de l'oeil, ça réduit le champ de pensée et les capacités à inventer des mensonges". Mais on ne peut pas lui donner tort, les miliciens étaient bien armés et ne se seraient pas montrés s'ils avaient eu des intentions pacifiques. Ne pas oublier que souvent en Afrique, les miliciens sont drogués avant de partir au combat, ça les rend encore plus dangereux.
Guillaume Ancel a d'abord écrit un roman (
Vents sombres sur le lac Kivu) sur cette période, puis il l'a repris pour en faire "
Rwanda, la fin du silence". La vérité ne sera connue que lorsque les archives seront accessibles pour de vrai, elles ont été ouvertes par
François Hollande et, je cite : "Mais ces archives sont demeurées inaccessibles, la palme de la mauvaise foi revenant à la mandataire des documents de
François Mitterrand pour qui ces papiers sont « déclassifiés, mais non consultables ».
Une véritable déclassification permettra d'en savoir plus sur la culpabilité du gouvernement français, quant à la phase Turquoise 2, elle a sauvé des vies mais bien moins qu'elle n'aurait pu le faire. Elle a quand même eu le mérite d'exister quand personne ne bougeait, ne l'oublions pas.