Ce ne sont pas les faits en eux-mêmes - si terribles ou horribles soient-ils - qui nous font souffrir.
La souffrance vient de ce que l'on n'a pas pu montrer ses sentiments, ni en parler, ni le hurler, ni en pleurer, ni le partager, et qu'on a tout enduré en silence.
Cette souffrance prend sa source dans le secret, tel un "cadavre dans le placard", voire un fantôme qui crie vengeance ou demande à être reconnu et pleuré.
Certains traumatismes sont tus parce que trop durs, indicibles. Les parents ne les ont pas digérés, métabolisés, parlés. Un secret s'est formé, qui pèse à travers les générations sur les épaules des enfants.. Quand les choses ne sont pas dites, le corps peut parfois les exprimer: c'est la somatisation. Le corps de l'enfant devient le langage de l'ancêtre blessé.
Cette souffrance non dite, non mise en mots, souvent parce qu'on n'a pas trouvé comment la dire, ou que, socialement, il a bien fallu la taire, cette souffrance du parent ou du grand-parent, comme le clivage ainsi constitué, sont deux composantes essentielles de la dynamique du secret nocif, taraudeur et dont le fait caché finit souvent par devenir répétitif, tel en ressac ou, comme disent les Anglo-Saxons, telle une pomme de terre brûlante (hot potatoe) qui échappe des mains et passe, en les brûlant au passage, de main en main...
(p. 212). Il serait présomptueux de penser que la vie a commencé avec nous. Nous sommes les héritiers de l’histoire de nos ancêtres.