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4,3

sur 5716 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quel plaisir de retrouver Jean-Baptiste Andrea !
Après avoir lu « Cent millions d'années et un jour » dont j'avais apprécié l'équilibre entre la justesse de l'écriture et l'émotion autour des personnages, je m'étais promise de revenir un jour vers cet auteur.
Mon choix s'est porté sur « Veiller sur elle », pas seulement en raison du prix Goncourt 2023 qu'il a obtenu, mais surtout à cause du mystère entourant son titre et de la thématique liée à l'Art.

*
Cette histoire est celle d'une magnifique amitié entre Michelangelo Vitaliani, surnommé Mimo, un sculpteur de pierre de génie et Viola Orsini, l'héritière d'une famille issue de la noblesse italienne.
De cette rencontre improbable va naître la statue de la Piéta, dissimulée dans les sous-sols d'une abbaye. le Vatican tient en effet, à la garder à l'abri des regards et pour en saisir la raison, le lecteur va devoir plonger dans le destin incroyable de son sculpteur.

Ce roman commence par la fin. Mimo devenu vieux agonise dans sa cellule. Entouré et veillé par ses frères, il est le seul à ne pas être moine. On raconte une étrange histoire à propos de cet homme aux doigts de fée : il serait là pour veiller sur elle. « Elle qui attend, dans sa nuit de marbre, à quelques centaines de mètres de la petite cellule. Elle qui patiente depuis quarante ans. »

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Le roman se déploie sur un demi-siècle d'Histoire pour élucider l'énigme autour de cette statue et de cet artiste au nom prédestiné.
Jean-Baptiste Andrea, en merveilleux conteur d'histoires, nous fait changer d'époque. Par une construction originale qui traverse le temps et convoque les souvenirs, on remonte au début du XXème siècle pour revivre, sur près de six cents pages, l'Histoire de l'Italie au rythme de ses grands bouleversements : la première et la seconde guerre mondiale, la montée du fascisme.

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Le récit porte en lui le dépaysement et le charme de l'Italie.
Si l'auteur saisit les bas-fonds de Florence et de Rome, il transcende la beauté des collines entourant Pietra d'Alba et le domaine des Orsini par son écriture vivante, rythmée et chaleureuse, pleine de poésie et de délicatesse. L'auteur en capture la beauté surannée, les parfums subtils des orangers, l'odeur iodée portée par le vent venu de la mer, la palette de couleurs chaudes et douces avec ses tonalités de terre cuite et le rose de son marbre.

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Jean-Baptiste Andrea offre des personnages hauts en couleur, charismatiques, pleins d'humanité, touchants de part leurs émotions, leurs rêves, leurs expériences, leurs failles et leurs erreurs. Leurs portraits provoquent l'empathie ou l'antipathie immédiates du lecteur.

Dès les premières pages, je me suis attachée au jeune Mimo, à son combat pour devenir un sculpteur respecté et estimé. Cela provient sans aucun doute du fait de vivre dans un même temps, l'émotion de ses derniers instants et l'élan de ses jeunes années.

Face à Mimo, Viola est tout en exubérance, fragile et rebelle à la fois.
Le lecteur est le témoin privilégié de leur amitié indéfectible, de leur complicité, de cette force magnétique qui les attire l'un vers l'autre tout en les repoussant inextricablement. Leurs destins s'effleurent, se frôlent, s'éraflent, se croisent et se décroisent sans jamais se rejoindre réellement.

« Elle me sourit, un sourire qui dura trente ans, au coin duquel je me suspendis pour franchir bien des gouffres. »

J'ai adoré et savouré ma rencontre avec Viola : j'ai aimé son extravagance, sa folie et son intelligence, sa force de caractère et son besoin de s'affranchir, d'aller contre son temps. Malgré ses fêlures, Viola a soif de connaissance, elle aspire intensément à la vie, la liberté.

« Viola était une funambule en équilibre sur une frontière trouble tracée entre deux mondes. Certains dirent entre la raison et la folie. Je me battis à plus d'une reprise, parfois physiquement, contre ceux qui l'accusèrent d'être folle. »

L'auteur a été aussi très attentif aux personnages secondaires, dressant de superbes portraits, bons ou mauvais. Celui d'Emmanuele Orsini, un des frères de Viola, est particulièrement réussi.

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C'est une lecture résolument romanesque et intimiste qui se concentre sur les personnages mais qui nous fait pareillement voyager dans le monde de l'Art, dans un passé à la fois proche et lointain. Elle parle de la puissance des rêves, du lien étroit entre le sculpteur et la pierre, de la force du savoir et de la connaissance par les livres, de la valeur des rencontres et de l'amitié malgré l'appartenance à des milieux sociaux différents.

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Je ressors enchantée de cette escale de quelques jours au coeur de l'Italie. Je retiendrai de ce superbe roman la qualité du texte, la sensibilité et la douceur de la plume de Jean-Baptiste Andrea, la profondeur des deux personnages principaux, leur amour platonique et pudique et ce dénouement émouvant qui dévoile enfin le secret entourant la Piéta.

Entre humour et tragédie, un excellent moment de lecture !
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Un vrai coup de coeur pour, Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea. Je trouve qu'il a amplement mérité son prix, pour une fois, je suis totalement d'accord. Pas une once d'ennui, une écriture magnifique, à chaque page, un fait nouveau qui nous pousse à continuer et à ne pas poser le livre.

Énormément de belles critiques, donc je vais faire court.
Mimo, vient de perdre son père, sa mère n'ayant pas les moyens de l'élever, elle le pousse dans les bras, d'un obscur sculpteur de pierres, oncle, cousin, ami,…. Il devait faire office d'apprenti, mais c'est plutôt, le garçon à tout faire. Malmené, pas rémunéré, s'il réussit en catimini à sculpter quelque chose, les retombées vont à son maître, jaloux, buveur. Mimo s'accroche et sera un génie, bien au-delà de ses espérances.

Entre Pietra d'Alba, Florence, Rome, sa réussite sera fulgurante, atteint de nanisme, il se battra pour être respecté. Il fera la connaissance de Viola Orsini, super intelligente, qui rêve de voler, des idées, qui la feront passer, pour quelqu'un de bizarre, un peu sorcière, une famille très riche. Ils s'acharneront pour pouvoir vivre leurs rêves.

Une amitié sincère et à toute épreuve les lieront à tout jamais, des jumeaux cosmiques. Cette merveilleuse relation, aura pour fond historique, l'Italie, durant la première guerre mondiale, Mussolini, le fascisme. Les descriptions de la campagne avec ses champs d'oranger, de bigaradier sont sublimes, j'ai aimé aussi la vision des bouges de Florence et Rome, ainsi que la faune qui y sévit.

Une magnifique lecture, tout en émotions, bouleversante. Bonne lecture et bonnes fêtes à tous.
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Je suppose que vous connaissez la Pieta de Michel-Ange. Une sculpture magnifique, la plus belle du monde, dit-on. Mais vous ne connaissez pas la Pieta de l'autre Michel-Ange si vous n'avez pas lu ce roman qui transporte, tourbillonne et ramène aux racines de soi-même !

Oui, Michelangelo Vitaliani, dit Mimo, est un sculpteur de génie, même si, à sa naissance, la sage-femme l'a traité de « piccolo problema »... Il est né en France en 1904 et est renvoyé par sa mère en Italie après la mort de son père en 1914. Il habitera dans un village où la pierre est rose comme l'aube, Pietra d'Alba : « A Pietra d'Alba, la fortune venait de couleurs qui changeaient avec le soleil, d'une délicieuse amertume ou d'une sensation de sucré dans un matin froid ». Il devient l'esclave d'un « oncle » à qui sa mère l'a confié, un sculpteur lui aussi, mais qui, lorsqu'il découvre la première sculpture du petit, en conçoit une jalousie terrible. Heureusement, dans la villa de la famille Orsini, à quelques pas de chez lui, habite une petite fille qui ne sera pas étrangère à son destin. Veiller sur elle sera le projet de sa vie et l'emmènera vers des hauteurs insoupçonnées.

Dieu que ce roman m'a emportée ! Continuellement, Jean-Baptiste Andrea passe du divin au prosaïque à l'aide d'un vocabulaire bien choisi et d'images poétiques. Son protagoniste flirte avec les sommets et côtoie les bas-fonds, tout entier possédé par l'amour difficile pour Viola Orsini, une petite fille, jeune fille puis femme qui n'accepte pas les frontières.

Une plongée dans Florence, puis dans Rome m'a rappelé les trésors de l'art qu'arborent ces deux villes ; un passage obligé par le fascisme m'a rappelé l'arbitraire et la calamité ; tout cela pour finir à genoux devant la Pieta, celle de Vitaliani, retirée dans un monastère éloigné afin que son auteur puisse veiller sur elle, où j'ai été définitivement conquise par l'émotion.
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Je me suis précipité sur Veiller sur elle, le dernier roman de Jean-Baptiste Andrea, car j'avais été enchanté par Des diables et des saints, le précédent. J'ai relu ma critique de celui-ci, ce que je vous invite à faire aussi, parce que pour celui-là, je pourrais presque me laisser aller aux mêmes mots enthousiastes. La lecture de Veiller sur elle a déclenché à nouveau en moi « toutes sortes d'émotions négatives et positives, compassion, consternation, indignation et aussi espoir, soulagement, éblouissement, sans oublier de fréquents sourires et même quelques rires francs ».

Bien entendu, l'histoire de Mimo n'a rien à voir avec celle de Joseph, mais un air de famille saute aux yeux. Des destinées personnelles toutes deux sous-tendues par une référence artistique suprême. Pour succéder au pianiste obsédé par les sonates de Beethoven, l'auteur a cette fois-ci imaginé un sculpteur tourmenté par la Piéta de Michel-Ange. Il en porte d'ailleurs le prénom.

Dès sa naissance, le sort s'avère ingrat pour Mimo, dont le nom complet est Michelangelo Vitaliani. Pauvreté, et surtout achondroplasie ! En compensation, un visage séduisant, de la force musculaire, une personnalité charismatique ; et puis une détermination, une envie de revanche et un talent pour la sculpture qui touche au génie.

Mimo fait ses classes à Pietra d'Alba, un village situé sur un plateau rocheux de Ligurie, où la pierre a pris des teintes de lever de soleil. C'est là, adolescent, qu'il rencontre Viola Orsini, une fille de marquis. Elle a son âge, des yeux intenses, une allure androgyne, un cerveau brillant, caustique et hypermnésique. Ses passions, ses ambitions, ses exigences sont fantasques. Mimo éprouvera pour elle jusqu'à sa mort, une sorte de fascination mystique. Chez Andrea, les amours de jeunesse sont pures et éternelles.

Des errances mènent Mimo à Florence et à Rome, en un temps où l'Etat italien, récemment unifié, cherche avec peine à s'affirmer. Des choix perdants d'alliance pour les deux guerres mondiales. Entre les deux, l'aventure fâcheuse du fascisme ; violence, dictature et mondanités. L'Eglise catholique reste toute puissante ; bienveillance, combinaisons et… mondanités. Chez les Orsini, une famille prestigieuse, on a tout compris et on a beaucoup d'ambition pour les frères de Viola. L'ainé meurt presque au champ d'honneur, le cadet sera presque pape, le benjamin aura presque été ministre de Mussolini.

C'est sur son lit de mort, que Mimo fait défiler la partie active de sa vie, en Italie, depuis la Première Guerre mondiale jusqu'aux lendemains de la Deuxième. Sa narration est entrecoupée du récit de ses derniers instants, quarante ans plus tard, ainsi que de commentaires contextuels sur son oeuvre et sur la sculpture du marbre.

Veiller sur elle est une fiction audacieuse et pleine de surprises. Elle pique la curiosité. L'envie de savoir qui veille sur qui ou quoi, et pourquoi ! Elle m'a enchaîné à ma lecture, chapitre après chapitre, presque à l'aveugle, car aucun de ces chapitres ne porte de titre ni de numéro, une habitude chez l'auteur. Cela pourra t'égarer, lectrice, lecteur, mais laisse-toi balader, tu trouveras ton plaisir. Les aventures vécues par Mimo s'inscrivent dans le cadre d'un mystère énigmatique, qui n'a pas été jugé digne des caves du Vatican, et dont la clé n'est dévoilée que dans les dernières pages.

Les péripéties sont relatées d'une plume fluide, imprégnée d'une pointe d'humour absurde. Une plume devenant lyrique pour dépeindre les couleurs changeantes des paysages de Ligurie, les déambulations dans les villes d'art italiennes, ou la beauté d'une sculpture semblant éclore d'un bloc de marbre. La richesse du vocabulaire et la grâce des métaphores sont éblouissantes.

Les sommets littéraires sont rares. Des diables et des saints en était un. Veiller sur elle en est un autre. Jean-Baptiste Andrea n'est pas le seul à les atteindre. Mais cela fait deux en l'espace de trente mois.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Cela fait un mois précisément que j'ai refermé ce roman décapant avec le sentiment d'avoir découvert une perle dans une huitre.
Un mois que les paysages italiens, l'odeur des orangers, l'accent ravissant de la langue, le soleil du sud, le bruit des tailleurs de pierre, le chant des cigales, l'animation des villes, le sourire d'une amie, l'appât du gain, la prière des moines et le souffle d'une ourse distillent dans ma vie quotidienne, les souvenirs précieux de cette lecture bouleversante.

Les prix Goncourt me font souvent peur. A tort.
Certains sont très (trop ?) originaux parfois.
Celui-ci est beau.
Juste beau.
Accessible à tous.
A ceux qui aiment rêver.
Aux chasseurs de perles.

Veiller sur elle est une pépite de poésie et d'imaginaire, de voyage dans le temps, de questionnements politiques, sociétaux, religieux, amoureux, vocationnels.

Veiller sur elle est une quête.
Celle d'une vie.
Qui bouleverse l'auteur et les personnages autant que les lecteurs.

Veiller sur elle est un chemin.
Tantôt dangereux. Tantôt lumineux. Toujours riche.

Et lorsque le dénouement éclaire le roman d'une toute autre teinte, on rêve de recommencer la lecture.
Renouvelés d'espérance, d'expérience et de félicité.

Veiller sur elle est un Goncourt incontournable.
De ceux qui transforment des êtres et des vies.
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Atteint de nanisme, Michelangelo Vialiani, Mimo est envoyé en 1916, dans la petite ville de Pietra d'Alba pour y être formé à la sculpture. Il se lie d'amitié avec Viola, la benjamine de la richissime famille Orsini. le jeune sculpteur va être façonné par la jeune fille et sa famille.
Une grande fresque familiale et sociale inscrite sur près d'un demi-siècle d'histoire italienne entre deux guerres, entre deux mondes, celui des humbles, celui des riches, portée par deux personnages incroyables. L'histoire d'un lien indéfectible entre deux êtres issus de milieux totalement opposés.
Une écriture fluide et somptueuse. J'ai été très marqué par le personnage de Viola, une jeune fille moderne, vive, insaisissable, intelligente. le récit alterne entre les souvenirs de Mimo et la vie dans le couvent où il est en train de s'éteindre, avec toujours en arrière-plan cette sculpture exceptionnelle dissimulée aux yeux de tous.

Hymne à la création, ode à la liberté, roman d'apprentissage, fresque historique, récit romanesque, histoire d'amour, bref un roman coup de coeur, je l'ai lu lentement, c'est un livre qui ne se dévore pas, mais qui se déguste.

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Le secret de la pietà, ou ce que deviennent les rêves

Ces derniers temps, on a tendance à qualifier de roman des textes autobiographiques ou documentaires qui peuvent être très bien mais qui ne recèlent pas une once de fiction. J'ai adoré lire Veiller sur elle car ces pages sont follement romanesques : du mystère, des péripéties, des personnages hauts en couleur, le tout joyeusement orchestré en une intrigue qui m'a transportée !

Un homme est au seuil de la mort et sa vie défile dans son esprit. Il faudrait presque dire « ses vies » tant l'existence de Mimo Vitaliani est pleine de rebondissements ! Mais comment le sculpteur en est-il arrivé à mener une vie de reclus dans un couvent perdu du mont Pirchiriano ? Pourquoi fait-on autant de mystère autour de sa personne ?

Évidemment, on brûle de le savoir et on parcourt ces pages partagé.e entre la curiosité qui voudrait nous faire tourner les pages plus vite et l'envie de prendre le temps de goûter chaque mot tant la plume est belle. D'autant que l'auteur en rajoute avec de petites allusions à ce qui va suivre : quel est le secret de l'oeuvre maîtresse de Mimo et pourquoi celle-ci est-elle tenue cachée ? Comment donc l'homme empêchera-t-il un cardinal de Pietra d'Alba de devenir pape ?

Ce roman, c'est aussi et surtout l'alchimie qui opère entre deux êtres que tout semblait opposer mais qui partagent un même goût des belles choses et une même persévérance à déjouer les déterminismes. Un lien qui défie toute attente et n'a cessé de me prendre de court.

Tout cela est délicieusement raconté. le narrateur fait preuve d'une dérision irrésistible et d'un art consommé de la formule pour décrire les lieux et les personnages. En toile de fond, l'auteur brosse une splendide fresque de l'Italie de la première moitié du XXe siècle, ses paysages et ses villes presque magiques, ses bas-fonds et ses hommes d'affaire, ses passions d'artistes et ses remous politiques – et bien sûr le Vatican pour veiller au grain.

Il règne dans ces pages une atmosphère très particulière qui frise le réalisme magique. Elles ont le charme hypnotique du manoir des Orsini, royaume de Viola. La saveur singulière des jeux enfantins où les serments sont à la vie, à la mort et tous les rêves à portée de main. La grâce obsédante des oeuvres d'art qui prennent forme par la magie des mots est à la hauteur de la noirceur du monde.

La seconde partie est plus sombre, mais toujours sculptée, comme si tout convergeait vers la chute qui m'a soufflée.

Une lecture enchanteresse !
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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Veiller sur elle, mais qui est-elle ? Jean-Baptiste Andrea va apporter des réponses étonnantes dans un roman qui touche au sublime.

Dans la vie, nous ne partons pas tous avec les mêmes cartes en main. Certains se retrouvent avec un jeu bien pauvre, mais parviennent à en tirer davantage que des coups d'éclat, à sublimer leur main.

C'est le cas de Mimo qui semblait devoir croupir dans l'indigence toute son existence, sauf qu'il a de la magie et du génie en lui. Et ça, il ne le doit à personne (si ce n'est à son père qui lui a appris les rudiments de la sculpture avant de disparaître).

Il y a Viola, l'opposée en matière de « chance », fille de bonne famille, de celles qui ont du pouvoir autant que de l'argent. Elle vit pourtant dans un carcan, à une période où les femmes ne peuvent imaginer sortir de leur sujétion sociale.

Tout les oppose, rien ne devait les faire se rencontrer. Et pourtant, un lien aussi précaire qu'indéfectible va les lier. Paradoxe d'une histoire qui transcende l'amour, comme un fil rouge qui va traverser les décennies et deux guerres.

Cette aventure humaine débute à l'orée du XXe siècle, dans une Italie rurale, pour se prolonger jusqu'aux années 80 dans les arcanes du Vatican. Comment un petit sculpteur indigent va-t-il devenir l'un des plus grands talents que le monde ait connus, et comment une femme à la destinée toute tracée parvient-elle à imposer sa nature ?

Un homme touché par la grâce, une femme debout (comme elle se décrit elle-même). Deux êtres qui croient en leurs destins, quel que soit le prix à payer (et il sera élevé).

Quand on parle de génie et de magie, voilà deux mots qui conviennent parfaitement à la prose de Jean-Baptiste Andrea. Sa plume et sa manière de façonner des personnages touchent véritablement au sublime.

Ce roman est poignant au possible, bouleversant, follement romanesque. Et empreint de mystère. Tant d'ingrédients précieux qui en font un livre qui laissera des traces indélébiles.

À l'image de ses deux personnages principaux, comme on en rencontre que très rarement, si bien campés et caractérisés qu'on croit en eux, qu'ils prennent vie dans notre esprit. Croyez-moi, ces êtres de papier vont rester en vous à jamais.

L'auteur prend la place, 580 pages d'émotions, de grâce, de douleurs et de fureur, sans l'ombre d'une longueur. Une histoire racontée de manière si prenante qu'on la suit les yeux et l'âme grands ouverts.

Dans cette Italie qui voit la montée du fascisme, les deux personnages vont tenter d'exister par leur personnalité et leur folie. Un récit qui les montre sans fard, à travers leurs nombreuses failles. Un homme qui risque de se perdre dans son succès, la flamme d'une femme hors norme qui menace de s'éteindre.

Deux vies tumultueuses, deux protagonistes qui marqueront leur différence. Pour tenter d'être libres. Comme le dit l'auteur : « Toute frontière est une invention, il suffit de croire ».

Jamais cette histoire d'amour ne sombre dans le sirupeux, elle est au contraire vraiment atypique. L'écrivain parvient à sculpter une oeuvre unique à travers ces deux existences ; astres brillants mais vacillants dans un ciel d'obscurité.

Jean-Baptiste Andrea a de l'or entre les doigts, littéralement habité par ses personnages et sa fresque grandiose. A proposer tant de passages merveilleux et justes qu'on a envie de prendre des notes, encore et encore.

Comme cette définition de l'art de Mimo : « Sculpter, c'est très simple. C'est juste enlever des couches d'histoires, d'anecdotes, celles qui sont inutiles, jusqu'à atteindre l'histoire qui nous concerne tous, toi et moi et cette ville et le pays entier, l'histoire qu'on ne peut plus réduire sans l'endommager. Et c'est là qu'il faut arrêter de frapper ».

Jusqu'à une fin incroyable, qui donne tout son sens à ce récit et au mystère qui plane sur ces pages. Un dénouement qui donne des frissons.

Veiller sur elle est de ces livres rares, formidablement romanesques, lumineux, au service de personnages si forts qu'il est impossible de ne pas les sentir vivants. Jean-Baptiste Andrea insuffle un vent de liberté à travers ce texte inoubliable, transpercé par tant d'émotions. Grandiose.
Lien : https://gruznamur.com/2023/0..
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1986, dans un monastère italien, un homme rend son dernier souffle.
Michelangelo Vitaliani, surnommé Mimo, vit avec les moines depuis 40 ans pour veiller sur elle.
Elle, c'est sa dernière oeuvre, une statue au pouvoir indéfinissable, qui trouble tous ceux qui la regardent.
Mais quel est le secret de cette statue ?

C'est à une formidable épopée que nous convie Mimo.
Avec ce sculpteur de génie aux mains d'or, atteint d'achondroplasie, vous traverserez l'Italie de Rome à Gênes, en passant par Florence et le vingtième siècle avec le fascisme comme pierre d'achoppement.

Le sculpteur réussit à coups de compromis tandis que Viola, fille unique d'une famille aristocratique, s'affirme fortement indépendante et sans concessions.
Tout du long, ces deux-là s'attireront et se repousseront comme des aimants.

Vous ne pourrez que vous attendrir sur ces deux personnages car Jean-Baptiste Andréa réunit toutes les émotions de leurs vies dans une relation permanente d'attraction/répulsion.
On se surprend à trembler et sourire avec Mimo et Viola et toutes les figures archétypales (aristocratiques, cléricales, fascistes, antifascistes…) enchâssées dans une fresque historique, politique, religieuse, familiale…

Comme souvent dans les longs romans, l'auteur prend son temps, comme pour dire que cette histoire se mérite.
Il faut du temps pour révéler un pays, son histoire et celle de ces deux personnages, le temps de l'inspiration pour sculpter une “Pietà” - une Vierge tenant sur ses genoux le corps du Christ mort - chef d'oeuvre au charme indéfinissable et le temps de polir un roman passionnant.
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Choisi le 22 octobre 2023 / Librairie Chantelivre- Issy- Les- Moulineaux

****en ce 7 novembre 2023, très heureuse d'apprendre que Jean- Baptiste Andrea a obtenu le Goncourt, avec ce texte
époustouflant !


Très Beau coup de coeur pour le premier texte que je lisais de cet écrivain, que je souhaitais découvrir déjà depuis 2021, au moment de la publication de son roman " Des Diables et des Saints " dont j'étais très curieuse....
Une lecture que je rattraperai sûrement après celui-ci !

D' autres camarades- babeliotes auront sûrement détaillé longuement l'histoire et ses principaux protagonistes...
Pour ma part, je tenterai pour une fois d'être brève...n'évoquer que l'essentiel du décor et des thématiques abordées...pour rester dans cette atmosphère de " réalisme magique "...dans lequel nous baignons tout le long de l'histoire...

Parmi les sujets abordés : l' Amour du Beau, de l'Art et plus exclusivement " la Sculpture " dans une Italie en total bouleversement, entre les années 1910 et 1950, la montée du fascisme, l'arrivée au pouvoir de Mussolini, la terreur, les abus , les exploitations diverses des " puissants" envers le peuple...

Dans ce contexte socio- historique, l'histoire extraordinaire d'Amour et d'amitié entre deux gamins: Viola, la fille des Orsini, les châtelains du lieu, Pietra d'Alba; Viola, enfant surdouée , aussi fantasque qu'indocile et Mimo, jeune garçon très pauvre, orphelin de père, confié par sa mère à un pseudo- oncle, sculpteur médiocre, et individu aussi peu recommandable que cupide et maltraitant...Mimo sera d'autant plus combattif dans son futur art de sculpteur qu'il est different et moqué par sa trop petite taille !

Heureusement Mimo,a de l'or dans les mains et dans le domaine de la taille et de la sculpture ( dont il a bien assimilé les bases grâce à son père) il va se révéler très, très doué...

Ces deux gamins dont l'origine sociale est aux antipodes n'auraient jamais dû se croiser....des circonstances fort insolites vont les faire se rencontrer...et s'attacher l'un à l'autre, passionnément. Deux enfants surdoués, incompris et mal aimés vont devenir comme inséparables....

Des liens très uniques qui dureront trois décennies , avec des séparations, des éloignements, des facheries, des retrouvailles, des réconciliations. Comme Viola caractérise si bien cet amour- amitié immuable, ils sont comme : des Jumeaux cosmiques "...

"Ses yeux m'incinérèrent, comme lorsque, dix - huit ans auparavant, j'avais osé la quitter sans me retourner. La raison de nos disputes permanentes était peut-être là, au fond, dans une simple nostalgie de nos indignations, d'une époque où les chevaliers étaient bons et les dragons mauvais, l'amour, courtois, chaque coup porté, justifié par une cause sublime."

Le style de J.B Andrea possède une vraie fluidité, une petite musique qui envoûte...avec une galerie de personnages excellemment " campés", analysés...auquels on s'attache...

De multiples rebondissements et mésaventures vont arriver à nos " deux jumeaux cosmiques"...

Viola après des rêves avortés , un esprit aventureux et brillant ne pouvant s'exercer, se conformera un moment , aux convenances et obligations de son milieu ( dont le Mariage),
Car dans cette italie en plein bouleversement, il n'est pas bon d'être une fille même de la dite " bonne société " , ni même bon, d'être un garcon pauvre et peu instruit...

Mimo ne devra sa survie qu'à ses dons exceptionnels de " sculpteur"....artiste reconnu et " vassal" sous la protection de la famille Orsini, les parents de Viola....il deviendra célèbre et très demandé !

Viola, en dépit de ses talents et dons certains, a le malheur d'être une fille, à qui on nie toute carrière et toute indépendance ; pourtant elle est plus réactive, plus douée intellectuellement que son ami, Mimo, dont une conscience, une lucidité affirmée en politique...Il en résultera d'ailleurs entre eux, de sérieux " coups de gueule " car à son grand mécontentement, Mimo acceptera de travailler et de sculpter pour les nouveaux gouvernants fascistes...

De magnifiques descriptions du
" métier de sculpteur"... de la taille et de la transformation de la pierre ou du marbre...
Sans oublier un chef-d'oeuvre, une " Pietà ", bien mystérieuse,sculptée par Mimo...que l'on doit cacher ...je n'en dirai pas plus...!!!
.
Pour clore ce billet, un extrait de la bouche de Viola qui décrit à la fois la beauté de leur complicité et de leur attachement, et dans un même temps, le malheur qu'elle aura ressenti depuis toute petite, " de n'être qu'une fille", à qui, de par cette réalité, on dénie tout droit et toute existence propre!!!

"- Non, Mimo, c'est vrai.Toute ma vie, j'ai eu besoin de toi pour être normale.Tu es mon centre de gravité, raison pour laquelle tu n'es pas toujours drôle. Mais il y a en moi une anormalité que même toi, tu ne soigneras jamais : c'est que je suis une femme et que je n'en ai rien à faire.(...)
- Partir ne changera rien. La pire violence , c'est l'habitude.
L' habitude qui fait qu'une fille comme moi, intelligente, car je pense l'être, ne peut pas disposer d'elle-même.À force de me l'entendre dire, j'ai cru qu'ils savaient quelque chose que j'ignorais, qu' ils avaient un secret.Le seul secret, c'est qu'ils ne savent rien. Voilà ce que mes frères, voilà ce que les Gambale, et tous les autres, essaient de protéger. "


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