Ne dis pas forcément les choses comme elles se sont passées, mais transforme-les en légendes, et trouve le ton de voix qu'il faut pour les raconter.
Romain GARY, La nuit sera calme - cité en première partie
Je dis simplement qu'il faut donner une chance à la féminité, ce qui n'a jamais été tenté depuis que l'homme est sur cette terre.
De La nuit sera calme
Il avait des manières empreintes d'une certaine brusquerie dont le seul but était d'occulter son extrême vulnérabilité, sa fragilité et surtout sa profonde bonté. Gary revendiquait pour l'homme une appréhension du monde que l'on qualifie habituellement de féminine. La part de féminité était à ses yeux la meilleure ; elle ne devait pas seulement être préservée, mais cultivée comme un des seuls moyens de sauver la civilisation menacée par la brutalité virile.
La vérité est que j'ai été très profondément atteint par la plus vieille tentation protéene de l'homme : celle de la multiplicité. Une fringale de vie, sous toutes ses formes et dans toutes ses possibilités que chaque saveur goûtée ne faisait que creuser davantage. Mes pulsions, toujours simultanées et contradictoires, m'ont poussé sans cesse dans tous les sens, et je ne m'en suis tiré, je crois, du point de vue de l'équilibre psychique, que grâce à la sexualité et au roman, prodigieux moyen d'incarnations nouvelles. Je me suis toujours été un autre.
Dans Vie et mort d'Emile Ajar, rédigé quelques mois avant sa mort, au mois de mars 1979
Je me suis aperçu en traduisant en français les trois romans que j'ai écrits en anglais que je suis forcé de les changer, de leur donner une autre dimension. Lady L était en anglais un roman léger, un roman d'aventures, avec sans doute une dimension psychique plus profonde, mais latente. J'ai été forcé en français de rendre cette dimension plus explicite, de sortir de la brume anglaise, de définir, creuser, " psychologiser ". La version française de chacun de mes romans anglais est au fond un autre roman. J'ai avec la langue française un rapport tout à fait libre et j'ai souvent voulu la bousculer, lui faire prendre des tournures sciemment adoptées du russe ou du polonais, ou de l'anglais. Mais chaque fois quelque cuistre pédant de critique me reprochait de ne pas savoir le français, alors j'y ai renoncé, un peu par fatigue.
Livres de France mars 1967
La provocation est ma forme de légitime défense préférée.
Romain Gary - Chien blanc
Pourquoi Gary avait-il choisi ce pseudonyme? Parce que Shatan Bogzt signifie en russe "Satan le riche"