Ardèle ou la Marguerite - La valse des Toréadors

Si Dieu avait voulu que l'amour soit éternel, je suis sûr qu'il se serait arrangé pour que les conditions du désir le demeurent.

le petit matin a toujours quelque chose d'héroïque.

J'ai vu l'amour en face et je n'ai pas eu peur. C'est quand on commence à le voir de biais ou par- derrière, quand il s'éloigne qu'il est terrible.

L'amour vous a comblé, un soir ou dix ans, maintenant il vous faut payer la note. L'amour se paie à tempérament, mais on est généreux, on vous donne du temps pour régler. Quelquefois toute la vie.

LE GENERAL
Je fais du bruit ; je suis vigoureux malgré mon début de ventre ; je dis des énormités quand cela me chante et tout le monde me les passe, même le curé, parce que j'ai la façon : je me tape le caisson comme un gorille et chacun dit :" Voilà un homme !" Hé bien, la coquille est vide. Il n'y a rien dedans. Je suis tout seul et j'ai peur.
LE DOCTEUR
Peur de quoi ?
LE GENERAL
Je ne sais pas, moi. De ma solitude sans doute. Je suis un ancien petit garçon abandonné. Au Maroc, en sabrant l'Arabe, à la revue de Longchamp, quand le président de la République m'a passé le grand cordon, au bordel quand j'arrosais tout le monde de champagne ; j'avais envie de crier au secours... Je sais ce que vous allez me dire. Il faut rentrer en vous même. J'ai essayé cela aussi. Je suis rentré en moi-même plusieurs fois. Seulement, voilà, il n'y avait personne; Alors, au bout d'un moment, j'ai eu peur et je suis ressorti faire du bruit dehors pour me rassurer;

Si Dieu avait voulu que l'amour soit éternel, je suis sûr qu'il se serait arrangé pour que les conditions du désir demeurent.

Je vais vous dire le secret, général. Nous sommes tous restés des petits garçons; Il n'y que les petites filles qui grandissent.

Il y a l'amour (...) Et puis il y a la vie, son ennemie.