Le loup fut égorgé et la fille jugée.
Quand on lui demanda ce qui l'avait poussée
A bafouer ainsi les Dieux
Les regardant bien dans les yeux,
Son mari haut comme trois pommes,
Le curé bedonnant, le juge fielleux,
Les paysans niais et communs,
Elle leur dit : "J'aime les hommes,
Et seul le loup en était un.
Le malheur est bien ce qui s'ensuit.
Et l'histoire est toujours la même,
On épouse l'être qu'on aime
C'est avec un autre qu'on vit.
Toutes les choses sont dures
A commencer et à finir.
Les couples agonisant durent
Avant de se désunir.
La plupart des cocus piétinent,
Le doute se glissant un beau jour dans leur âme,
Parce qu'ils imaginent un amant de leur femme
Susceptible de leur plaire à eux.
Mince, alors! dit la crevette
Elevée dans les faubourgs,
Ce que ça peut être bête,
De toujours parler d'amour.
Une femme avait rénové
L'art délicat de la dispute (...).
Et avec ses amis d'un caractère égal,
Avait, avec beaucoup d'ingéniosité,
Mis au point un curieux et nouveau procédé
De l'art très ancien d'exaspérer le mâle.
Elle avait inventé la dispute en spirale.
La recette est simple. Appâtez avec rien
(Il faut bien commencer) : un grief sans raison.
Puis, attaquez à petit feu, en prenant soin
Que la dispute ne vienne à ébullition
Sur ce premier motif, qui n'était qu'une amorce.
Quand la pâte est un peu montée, utilisez
Un reproche connu, aux effets éprouvés.
Mijotez un instant ; quand la chose se corse
Prenez un reproche majeur.
Une insulte à votre famille,
Ou ce qu'il a brisé en vous,
Saccageant votre petit coeur,
Quand il vous a pris, jeune fille...
(Une formule : "C'est comme le jour où..."
Suffit presque toujours pour changer de reproche)
Et c'est ainsi que, peu à peu, de proche
En proche,
Si vous avez élégamment lié le tout,
Vous amenez votre homme à bout.
Parvenue là, ayant su garder son empire,
Si elle a bien choisi son moment pour pleurer,
Une femme entendue peut enfin commencer
A dire ce qu'elle a à dire.
On n'a jamais que ce qu'on a,
Encor faut-il savoir le prendre.
A ce point l'histoire s'arrange
Et vainc le canard à l'orange.
N'entendant plus parler d'amour,
La fille y crut moins un beau jour ;
Et perdant sa mélancolie,
Rendit aux quatre amis sérieux,
Aimable vie.
Et tous les six, dès lors, vécurent très heureux.
L'amour s'enfuit de son élégant pied-à-terre
Et s'en alla chercher refuge en Angleterre,
Où la gastronomie n'a pas droit de cité ;
Et où l'on dit que du dernier des pauvres hères,
Jusqu'au Lord de l'Amirauté,
Les amants font l'amour au thé.
Le loup fut égorgé et la fille jugée.
Quand on lui demanda ce qui l'avait poussée
A bafouer ainsi les Dieux
Les regardant bien dans les yeux,
Son mari haut comme trois pommes,
Le curé bedonnant, le juge fielleux,
Les paysans niais et communs,
Elle leur dit : "J'aime les hommes,
Et seul le loup en était un."
Le malheur est bien ce qui s'ensuit.
Et l'histoire est toujours la même :
On épouse l'être qu'on aime
C'est avec un autre qu'on vit.