Un tout petit rien

Le monde est plus gai depuis qu'il te connait. Maintenant qu'ils savent, même les immeubles ont changé, ils se dressent grands et forts, et on dirait qu'il me sourient.

Mais il y a des détails qui ne trompent pas, la troisième marche en partant du bas grince toujours sous nos pas et ici ou là les murs gardent des traces de punaises de nos posters d'avant, cicatrices encore à vif de nos amours adolescentes

J'étais pleine d'un vide au milieu duquel nageait l'infiniment petit.

Je suis contre ceux qui érigent leurs valeurs personnelles en principes universels.

Ta photo trône au dessus de mon bureau.
Sauf le respect que je te dois, tu ressembles quand même beaucoup a un têtard.
Il y en a qui tombent amoureuses d'un crapaud qui devient prince charmant.
Je suis tombée raide dingue d'un têtard qui deviendra mon enfant.

Je ne suis pas très voyage mais je t'emmènerai voir la mer.
Il n'y aura personne, on regardera les vagues gronder en demandant quand c'est l'été, on aura froid et je t'enroulerai dans un gros plaid.
On sera entre octobre et février, complètement hors saison, pour se rappeler que le bon moment n'est pas toujours celui qu'on croit.

Manouche m’a donné les coordonnées d’une amie à elle, Magali, qui a grandi sans son papa. En l’appelant, je me rends compte de l’absurdité de la situation :
« Bonjour, Manouche m’a dit que ta mère t’avait élevée seule, je voudrais savoir ce que ça donne vingt-cinq ans après. »

Je t’offrirai des clichés de famille monoparentale, des réveils tous les deux dans un grand lit qui nous paraîtra un peu vide, des fêtes des mères aux sourires émerveillés devant d’horribles colliers en coquillettes, des fêtes des pères discrètement passées sous silence, des retours de maternité dans un silence apeuré, des week-ends enfant roi avec virées dans les magasins de jouets, où tu sauras bien, quelque part dans ta tête d’enfant, que je remplis le caddie pour tenter de combler le vide.

Je te cherche un petit nom.
J’hésite encore entre ma bosse, ma tumeur, mon erreur, mon accident, mon avortement, mon rien, mon tout, mon embryon, mon clandestin, mon sans-papiers, mon tout-petit, mon envie, ma folie, mon amour.

Un événement n'est pas disqualifié par son caractère accidentel, au contraire c'est le hasard qui lui donne sa beauté, sa poesie