Tout lui manque, en permanence. Où que sa mémoire se pose, il en arrive toujours à la même conclusion : ils avaient tout pour être heureux.
Il paraît que quand on se noie, il faut se laisser couler jusqu’à atteindre le fond et pouvoir donner un bon coup de pied pour remonter à la surface. Mais il faut faire quoi, quand on a le sentiment qu’on n’aura jamais fini de descendre dans les profondeurs et qu’il y aura toujours plus, toujours pire ?
Mais au fond de moi je ne serai pas dupe. Je pourrai peut-être tromper les autres mais pas moi-même. Je pourrai peut-être obtenir leur pardon mais jamais le mien.
Quand les parents sont à la maison, je mets mon casque et je m’isole avec cette mélodie tragique en dévorant la boîte de chocolats de Noël qu’ils m’ont rapportée du supermarché. Je m’empiffre et je m’en fous - merde, à la fin ! Je compense mes excès avec des unités d’insuline supplémentaires, pas de quoi s’en faire plus que ça ; je ne vois pas pourquoi les diabétiques n’auraient pas le droit à une peine de cœur comme tout le monde.
On ne devrait jamais confronter les souvenirs forcément enjolivés et emplis de nostalgie à la dureté du présent et du temps qui passe.
Je n’ai jamais rencontré une fille aussi molle, on croirait avoir affaire à une éponge humide collée sur le bord d’un évier.
Certains mots peuvent fissurer.
Le diabète, c’est comme jouer au funambule en permanence. Marcher sur une corde bien raide, et savoir que vous aurez beau avancer du mieux que vous pourrez, vous n’arriverez jamais à l’autre bout, parce que vous êtes condamné à faire l’équilibriste jusqu’à votre mort.
Sur ma table, à l’abri des regards, j’ai gravé au cutter mon prénom en lettres majuscules.
Pour que personne ne m’oublie.
Pour qu’ils sachent que j’existe.
La pitié, c’est la cerise sur le gâteau de la cruauté, rien de plus. La pitié, c’est juste une façon pathétique de gérer la culpabilité qu’on commence à ressentir, la culpabilité d’avoir fermé les yeux, de n’avoir rien fait dès le début.