Ce tome fait suite à New World. Il contient 2 miniséries parues en 2011 : Gods (3 épisodes) et Monsters (2 épisodes). Tous les scénarios sont de
Mike Mignola et
John Arcudi.
Gods (illustrations de Guy Davis, couleurs de Dave Stewart) - Après les bouleversements catastrophiques décrits dans King of Fear, la vie quotidienne des américains (et des autres humains) s'est trouvée significativement modifiée. C'est dans ce contexte que débute le récit. 2 employés d'une société de gardiennage effectuent leur ronde dans une gare de trains de marchandises. Il tombe sur 2 squatteurs dans un wagon à bestiaux. L'interpellation dégénère rapidement car ils sont tombés sur une communauté organisée qui suit les prémonitions de Fenix, une mystérieuse jeune femme. Les services centraux du BPRD ont repéré l'espérance de vie remarquable de cette communauté et ils dépêchent Abe Sapien, Kate Corrigan et Andrew Devon pour essayer d'interroger Fenix.
Monsters (illustrations de
Tyler Crook, couleurs de Dave Stewart) - Liz Sherman a décidé de se faire oublier ; elle habite dans un mobil home, au milieu d'un groupement de ces habitations précaires sur parpaings. Un soir elle retrouve 3 idiots en train de vider son frigo. C'est la fin de sa période d'isolement. Elle doit se faire une place dans cette communauté masquant d'étranges pratiques.
D'un coté, le lecteur ne peut que se réjouir du fait que la destruction engendrée dans King of Fear ne soit pas qu'un événement comme ça en passant, aussi vite oublié que décrit. Ça signifie que Mignola et Arcudi vont prendre le temps de balader leurs personnages dans différents endroits pour montrer l'ampleur des dégâts et l'impact sur le commun des mortels. Mais je ne suis pas entièrement convaincu par cette forme de 2 courtes miniséries. Dans "Gods", les scénaristes s'attachent à un groupe itinérant de jeunes gens ayant foi en la bonne étoile que représente Fenix. Mais le premier épisode est consacré à ce groupe, le deuxième est consacré au BPRD, avec une interruption au milieu pour que le Professeur O'Donnell puisse délirer sur la race qui habitait la terre avant les êtres humains. Et le dernier épisode se concentre sur la confrontation inéluctable contre les monstres. Au fil des pages le lecteur a l'impression d'un patchwork assemblé uniquement pour que les scénaristes réussissent à caser des éléments qui ne vont pas fortement ensemble, mais qui sont indispensables pour décrire l'état du monde dans lequel évoluent les membres du BPRD.
Guy Davis assure le spectacle à lui tout seul par des illustrations au parti pris graphique très affirmé. Il sait trouver le juste équilibre entre l'aspect descriptif (grâce à des traits économes et très efficaces) et l'ambiance grâce à une forme de rendu brut de décoffrage, à la limite de l'esquisse pour certains visages. Les monstres sont toujours aussi réussis et bien conçus pour une inhumanité sans concession. Il n'y a qu'un ou deux visages qui semblent avoir été gribouillés un peu rapidement, et les cheveux de l'agent Andrew Devon figurés à grands coups de marqueur pour un résultat qui ressemble plus à un bas féminin mis sur le crâne, qu'à une véritable implantation capillaire. Comme d'habitude, le travail sophistiqué et intelligent de Dave Stewart complète les dessins en renforçant l'ambiance, tout en restant en arrière plan.
"Monsters" ne souffre pas d'une structure éclatée car l'unité de lieu est respectée du début jusqu'à l'avant dernière page. Par contre, Mignola et Arcudi ont toujours du mal à proposer une histoire substantielle dans un nombre de pages réduit. L'étude de caractère de Liz Sherman est très réussie, ce personnage développant sa propre personnalité en refusant les stéréotypes. le recours à un trailer park génère une ambiance particulière, sans être exagérément glauque. Mais les événements surviennent trop rapidement pour que le lecteur ait le temps d'apprécier cet environnement. D'un coté l'aspect horrifique frappe l'imagination par sa soudaineté et sa barbarie ; de l'autre l'histoire n'a pas le temps de s'appesantir sur les fondements de cet acte qui reste superficiel.
Cette histoire marque le début de
Tyler Crook comme nouveau dessinateur de la série BPRD. Il conserve le style un peu esquissé de Guy Davis, mais avec un encrage moins sec, un peu plus gras. Il n'y a donc pas de hiatus stylistique, mais une évolution vers un style moins griffé. Il reste à voir comment le style de Crook évoluera dans le temps.
Ce tome est un peu décevant dans la mesure où il ressemble à un assemblage d'éléments hétéroclites qui ne constituent pas une seule histoire. Mignola et Arcudi ont toujours du mal à densifier leurs intrigues pour que le lecteur trouve son compte dans ces formats plus courts. Guy Davis est toujours impressionnant de maîtrise,
Tyler Crook s'annonce comme un artisan d'un niveau suffisant pour prendre sa succession. Dave Stewart reste le maître incontesté de la mise en couleurs discrète et essentielle.