La peur est horrible à voir. Je suis sûre qu’elle déforme mon visage, alors que le sien est immuable, arborant le masque de cet être anonyme, défenseur de la liberté. Quelle ironie !
Si je n’agis pas, si je ne sens pas la douleur, j’ai l’impression que je suis déjà en train de mourir. J’ai hurlé les trois premiers jours, jusqu’à m’en arracher la gorge, mais ça n’a rien changé. Il a continué de m’apporter mes repas, tirant seulement le panneau pour y glisser un plateau, sans ouvrir la bouche, sans même se montrer. Tel un fantôme, il me garde prisonnière dans les entrailles de la Terre.
J’ai l’impression qu’il n’a pas de fin, pas de commencement, comme toute cette histoire. Il tourne et vire dans ce labyrinthe. Peut-être qu’il n’existe aucune sortie, aucune échappatoire. Quoi qu’il arrive, je suis condamnée.
« Tel un fantôme, il me garde prisonnière dans les entrailles de la Terre. »
[…]
Les premières heures, j’ai cru devenir folle de terreur. Chaque bruit, chaque pas, chaque mouvement m’ont tirée d’une torpeur catatonique. J’ai eu le sentiment qu’on s’apprêtait à me torturer jusqu’à l’agonie et cette pensée m’a liquéfiée de l’intérieur. J’ai vomi ma peur dans les toilettes. »
« Je me laisse tomber dans le bassin, le visage à moitié sous l’eau, et je sens les larmes couler au milieu des gouttes. Me voilà aux prises avec un psychopathe cherchant à jouer à un jeu, dont la fin marquera la dissolution de moi-même. Rester libre et mourir ou m’asservir et tenter de survivre. Ou bien dois-je trouver un équilibre entre les deux, pour atteindre un jour la sortie de cette geôle ? »
« Je me laisse tomber sur le lit et me demande si, comme dans les livres à l’eau de rose, je risque de finir par m’attacher à mon ravisseur contre tout bon sens, ou bien comme dans un thriller machiavélique, mourir dans d’atroces souffrances. La deuxième option me semble la plus plausible. Je ne parviens pas à concevoir que l’on puisse s’émouvoir et développer des sentiments pour une créature inhumaine telle que lui, qui fait abstraction de l’autre, qui est incapable de se montrer altruiste, raisonnable ou raisonné, dont l’esprit a disparu dans les ténèbres.
C’est là que je me trouves.
Cette cellule, c’est le cœur de ses ténèbres. Et j’y ai une place étrange. Que je ne peux m’expliquer. Qui n’a aucun sens. »