Anna Estcourt est une jeune fille de bonne famille qui ne considère pas le mariage comme son objectif. A la charge de son frère - ou plus exactement de sa riche belle-soeur- il est donc mal vu qu'à vingt-cinq ans elle soit célibataire. Sa vie change le jour où son oncle Joachim lui lègue une petite propriété près de Rügen. Elle s'y installe et décide de partager son bonheur avec des femmes sans ressources, aidée en cela par le pasteur du coin et sa gouvernante. Quelques désillusions l'attendent mais elle maintient le cap, ses promenades dans la nature contribuant à faire passer les tracas quotidiens, tout en ignorant le séduisant et courageux Axel von Lohm, un de ses voisins épris d'elle. L'oncle Joachim avait-il d'ailleurs une idée derrière la tête en la couchant sur son testament?
"C'est la seule vie possible pour une femme, dit oncle Joachim avec gravité. Ne me parle pas d'indépendance. de tels mots ne sont pas faits pour la bouche d'une jeune fille. C'est la fierté d'une femme de se tenir près d'un bon mari. C'est sa joie d'être entourée et protégée par lui . Hors du cercle proche de son foyer, il n'y a pas de bonheur pour elle. Les femmes qui ne se marient jamais ratent tout cela."
Kinder, Küche, Kirche, c'est dur, mes soeurs, en cette Allemagne fin 19ème siècle. Elisabeth von Arnim utilise beaucoup ses expériences dans ses romans souvent partiellement autobiographiques, expériences matrimoniales pas bien heureuses d'ailleurs. Sa douce ironie fait merveille. Quelle réussite que ce roman original! le lecteur connaissant les pensées des personnages -sans peser- peut sourire des quiproquos. Toujours sans abuser, la description des beautés de la nature environnante est une petite merveille, où se détecte la sensibilité personnelle d'Elisabeth von Arnim.
Pendant les journées qui précédèrent leur arrivée, Anna planait dans les nuages. le mot "extase" est trop faible pour décrire son état. le temps était radieux et voir la nouvelle vie commencer sous le soleil décuplait son bonheur. Elle n'avait jamais le moindre doute concernant leur bonheur futur, lorsqu'elle se promenait dans la forêt traversée par le soleil , devant la beauté de la mer étincelante, dans la tranquillité de la vie à la campagne, si calme que chaque jour semblait être dimanche.Tout cela ne lui suffisait-il pas? Se lasserait-elle un jour de ces pins, de cette étroite bande de ciel d'un bleu légèrement plus clair à la cime des arbres qui ondulait doucement? le murmure du vent dans la forêt lui donnait un plaisir exquis, l'éclosion d'une fleur nouvelle, la pure fraîcheur de l'air, toutes ces choses étaient pour Anna pleines de délices. Il ne lui venait pas à l'idée qu'il pût en être autrement pour ses pensionnaires. Lorsque les pauvres femmes épuisées, enfin libérées de leur anxiété et de leur peine, seraient revigorées par la musique et les odeurs de la forêt, il y aurait encore le jardin de l'autre côté de la rue, et les marais parsemés de boutons d'or de l'autre côté de la haie, elle-même déjà verte, puis la mer, avec les barques de pêche qui allaient et venaient, les goélands argentés tournant autour des voiles orange, et les aigles tout là-haut, comme des taches dans l'infini du ciel. Il y aurait aussi les promenades le long de la côte nord, où le vent vif semblait plus frais que dans la forêt, et puis chaque soir, cette maison spacieuse, où tout ce qu'on attendait d'elles était qu'elles fussent heureuses.
Anna peut paraître naïve (ou folle selon son entourage), elle n'en est pas moins extrêmement attachante et saura reprendre contact avec la réalité lorsqu'il le faudra...
Jetez-vous sur ce roman (et sur ceux de l'auteur :
Avril enchanté, le plus connu, Elisabeth à Rügen, Mrs Skeffington,
Vera...), où se retrouvent les qualités de celui-ci.
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