Dans le nid de l'aigle

J'ai toujours eu horreur des gens qui ne jouissent de ce qui est beau que quand ils le possèdent, qui mettent leurs acquisitions bien en évidence sur leur cheminée. Il a fallu l'incendie et cette exposition pour que je prenne conscience que c'était exactement ce que je faisais avec vous. Vous avez été étonnante pendant l'incendie, Molly, mais je ne voulais pas le reconnaître. En effet, j'étais jaloux, affreusement jaloux de votre magasin. Je voulais vous tenir en laisse pour vous empêcher de vous envoler. J'avais oublié que ce qu'il y a de plus beau dans une créature libre, c'est qu'elle ne vient pas au coup de sifflet.

Quand je vous ai vue tout à l'heure sur la route... Ah! Vous êtes tellement différente des autres, tellement loin de ces poupées maniérées... Vous êtes comme une pierre lisse dont le cœur serait de pur métal précieux. Je veux atteindre ce cœur, Molly, je veux en connaître toutes les ressources... et vous les faire connaître.

Il la défiait alors qu'il aurait dû lire dans ses yeux, dans le tremblement de ses lèvres, sur tout son visage, l'irrésistible sentiment qui la portait vers lui. Il était venu pour la faire souffrir encore une fois en se jouant de son amour.

Nous ne pouvons échapper à l'amour que nous éprouvons l'un pour l'autre. Si vous ne me faites pas confiance, nous serons condamnés à tourner indéfiniment l'un autour de l'autre sans jamais nous atteindre.

La conduite en montagne n'autorise guère la rêverie. La route, toujours masquée par des rideaux intermittents de brouillard, serpentait entre une muraille rocheuse et un bas-côté boueux.