Le Pakistan est un pays très majoritairement musulman, mais qui comprend une minorité chrétienne. La vie est compliquée pour les chrétiens qui comme Helen et son père Lily vivent à Zamana. Dans la République Islamique du Pakistan, où la charia prime sur la loi commune, les insultes fusent, les passant s'écartent pour ne pas être « contaminés », et la moindre jalousie conduit à une dénonciation pour blasphème. La pauvreté et la misère sont leur quotidien. Helen heureusement est protégée par ses employeurs musulmans, un couple d'architecte, Massud et Nargis, qui lui ont permis d'accéder à une bonne éducation. Mais Massud meurt d'une balle perdue dans une fusillade impliquant un américain.
Pour la population gavée de fake news, cet étranger est forcément un agent de la CIA. Les tensions s'échauffent. D'autant que Lily vit une relation avec la fille de l'imam. Cela met le feu au poudre. le quartier s'embrasse. Lily fuit, Nargis et Helen aussi, accompagnées par un jeune musulman du Cachemire indien, Imran.
Cette fuite à trois va être l'occasion pour chacun de faire le point. Nargis avec un secret qui la hante, Helen inquiète pour son père, et qui se rapproche d'Imran, et ce dernier victime d'un conflit qui s'enlise. L'armée indienne commet des atrocités contre la population musulmane du Cachemire pour mettre fin à une rébellion entretenue par des groupuscules extrémistes musulmans, eux-même soutenus par les services secrets pakistanais.
Ce livre est oppressant. Chaque page décrit des situations de conflit religieux, extrémistes poursuivant de leur vindicte des pratiquants trop modérés pour eux, autorités religieuses édictant des règles dans l'intérêt de certains, police laissant faire, voir libérant les agresseurs, magistrats menacés si ils ne suivent pas l'opinion extrémiste. On sent un quotidien fait de débrouille, de mesquineries, de corruption aussi, avec en arrière fond une armée et une police au dessus des lois qui peuvent à tout moment enlever et exécuter sans raison.
Et malgré tout, Nargis ressent une certaine paix au contact des livres et oeuvres de son mari, Helen se sent vivante dans le refuge qu'elles ont choisi, et Imran porte en lui une résilience infinie.
Après un début de livre complètement déstabilisant pour qui recherche une rationalité à l'occidentale dans la suite des événements, le livre prend un rythme plus accessible. Les flash-back se succèdent, l'histoire passée des personnages se révèle. La mosaïque prend forme. Les considérations sur l'impact de la religion sur les vies humaines font réfléchir.
Nadeem Aslam a écrit un livre difficile, significatif du gouffre culturel entre des civilisations qui se méprisent mutuellement. Une vraie plongée dans un autre monde, très loin de la mondialisation.