Le maïs pousse pour que l'homme puisse manger, l'avoine pour nourrir les chevaux, l'herbe pour faire brouter le bétail, les fruits pour régaler les oiseaux ; mais les fuchsias ne sont que des ornements aux couleurs exquises, des porcelaines vivantes où le plus savant artiste a combiné les tons les plus simples. Il arriverait à la fin de ses jours, en mâchant du copal, sans avoir éclairci ce problème. Celui qui fait quelque chose, c'est pour que quelqu'un l'en admire, mais la nature produit ces fleurs dans des endroits où personne ne les voit. L'homme qui saurait créer ces miniatures de porcelaine avec tout le mystère de leurs colorations et qui les laisserait se détériorer sans les sortir de son atelier passerait pour un égoïste ou pour un fou ; et lui-même, en voyant son talent si mal apprécié, sentirait que son effort était une chose vaine, une duperie. La duperie dont ces belles fleurs étaient victimes chagrinait Chigüichon Culebro.
Geôliers et juges semblent des gens qui ont perdu le bon sens, perdu la tête. A force de se conformer à des règlements et à des lois qui n'ont rien à voir avec la réalité, ils deviennent fous, du moins le paraissent-ils aux yeux de ceux qui ne sont pas sous l'influence étrange de la loi.
Le Bavarois répondait que cette façon de penser est absolument matérialiste, et que le matérialisme est absurde, puisque la matière n'est au bout du compte qu'une forme passagère.
Les fidèles regardaient la Croix couverte de vase, de lave, de sable, de sang de coq, de plumes de poules, de pelures d'épis de maïs, comme une chose domestique, officieuse, solitaire sur les routes, efficace contre l'orage, le démon, la foudre, l'ouragan, la peste et la mort ; et ils continuaient à prier, dans un murmure de lessive qui bout, d'une lessive dont on aurait senti l'odeur âcre jusqu'à ce que la langue fût comme une guenille dans leur bouche, les genoux insensibilisés à force d'être pliés, les mains tachées de la vérole blanche des chandelles qu'ils tenaient par poignées et les yeux comme des raisins sauvages...
Et il continuait à crier, avec une obstination d'homme qui est resté un petit enfant, et à l'appeler, à l'appeler, les cheveux au vent, égaré, sans yeux et quasi sans mains...
La pierre d’œil de cerf rejoint les petits morceaux de l'âme du fou qui se sont brisés. Le fou a la vision de celui qui, ayant brisé un miroir, voit entier dans chacun des fragments ce qu'il voyait dans le miroir complet.
Grande était sa force. Grande était sa danse. Sa force, c'étaient les fleurs. Sa danse, c'étaient les nuages.
Les miroirs sont comme la conscience. On s'y voit comme on est, et comme on n'est pas.
Mais l'eau, comme l'homme, devient paresseuse dans la fainéantise des terrains en bordure de mer. L'eau et l'homme deviennent stagnants et puants, dans la fièvre et le froid, parmi les moirures et les laves, entre les tendons des palétuviers.