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Citations sur La servante écarlate (855)

Sur le Mur, pendent les trois femmes de ce matin, toujours vêtues de leurs robes, chaussées de leurs souliers, toujours la tête fourrée dans les sacs blancs. On leur a délié les bras, ils sont raides et convenables à leurs côtés. La bleue est au milieu, les deux rouges de part et d'autre, quoique les couleurs ne soient plus aussi vives. Elles semblent s'être fanées, défraîchies, comme des papillons morts ou des poissons tropicaux à se dessécher sur le rivage. elles ont perdu leur brillant. Nous restons à les regarder en silence.
"Que ce soit pour nous un rappel", dit enfin la nouvelle Deglen.
D'abord je ne réponds rien, parce que j'essaie de deviner ce qu'elle veut dire. Elle pourrait vouloir dire que ceci est pour nous un rappel de l'injustice et de la brutalité du régime. Auquel cas, je devrais répondre oui. Ou elle pourrait vouloir dire l'inverse, que nous devrions nous rappeler de faire ce qu'on dit, et de ne pas nous attirer d'ennuis parce que alors nous serons justement punies. Si c'est ce qu'elle entend, je devrais ajouter Loué soit. Elle avait la voix douce, atone, pas d'indices de ce côté.
Je prends un risque. Je réponds : "Oui."
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Le soleil brille, dans le ciel il y a des nuages blancs floconneux, de ceux qui font penser à des moutons sans tête. À cause de nos ailes, nos œillères, il est malaisé de regarder en l’air, d’avoir une vue complète du ciel, ou de quoi que ce soit. Mais nous y parvenons, fragment par fragment, un mouvement rapide de la tête, de haut en bas, de droite à gauche. Nous avons appris à voir le monde par hoquets.
Chapitre 6 - p33
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Ignorer n’est pas la même chose que l’ignorance : il faut se donner de la peine pour y arriver.
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Serena Joy serre mes mains comme si c'était elle, et non pas moi, qui se faisait baiser, comme si elle trouvait la chose agréable, ou douloureuse, et le Commandant baise, à un rythme régulier de pas cadencé, une, deux, sans relâche, comme un robinet qui goutte. Il est absorbé, comme un homme qui fredonne sous la douche sans se rendre compte qu'il fredonne ; comme un homme qui a d'autres choses en tête. C'est comme s'il était ailleurs, à attendre de jouir, tout en tambourinant des doigts sur une table. Il y a une impatience dans sa cadence, à présent. Mais n'est-ce pas le rêve érotique de tout homme ? deux femmes à la fois? C'est ce que l'on disait. Excitant, disait-on. Ce qui se passe dans cette chambre sous le baldaquin argenté de Serena n'a rien d'excitant. Cela n'a aucun rapport avec la passion, ni l'amour, ni le romantisme, ni avec aucune des autres idées qui nous servaient à nous émoustiller. Cela n'a rien à voir avec le désir sexuel, du moins pour moi, et certainement pas pour Serena. Le désir et l'orgasme ne sont plus considérés nécessaires; ils ne seraient qu'un symptôme de frivolité, comme des jarretelles tape-à-l'œil, ou des grains de beauté : distractions superflues pour des écervelés. Démodées. Cela paraît étrange que les femmes aient jadis consacré tant de temps et d'énergie à s'informer de ces choses, à y penser, à s'en inquiéter, à écrire à leur propos. Il est tellement évident que ce sont des divertissements. Ceci n'est pas divertissant, même pour le Commandant.
Il s'agit d'une affaire sérieuse. Le Commandant, lui aussi, fait son devoir. Si j'entrouvrais les yeux, je pourrais le voir, son visage pas déplaisant suspendu au-dessus de mon torse, avec peut-être quelques mèches de ses cheveux d'argent lui tombant sur le front, absorbé par son voyage intérieur, ce lieu vers lequel il se hâte, et qui recule comme en rêve aussi vite qu'il s'en approche.
Je verrais ses yeux ouverts. S'il était plus beau, est-ce que je prendrais davantage de plaisir à ceci ?
Au moins il représente un progrès par rapport au précédent, qui sentait le vestiaire d'église par temps de pluie ; l'odeur de votre bouche quand le dentiste commence à vous curer les dents; l'odeur d'une narine. Le Commandant, lui, sent l'antimite, ou cette odeur est-elle une forme vindicative de lotion d'après-rasage ? Pourquoi doit-il porter ce stupide uniforme ? Mais est-ce que son corps blanc, hirsute, cru, me plairait davantage ? Il nous est interdit de nous embrasser. Cela rend la chose supportable.
On prend de la distance. On décrit. Il jouit enfin, avec un grognement étouffé comme de soulagement. Serena Joy, qui retenait son souffle, le laisse s'exhaler. Le Commandant, qui était arc-bouté sur les coudes, à distance de nos corps combinés, ne se permet pas de plonger en nous. Il se repose un instant, se retire, se rétracte, se rebraguette. Il fait un signe de tête, puis se détourne et quitte la pièce, en fermant la porte derrière lui avec un soin exagéré, comme si nous étions toutes deux sa mère souffrante. Il y a là quelque chose d'hilarant, mais je n'ose pas rire. Serena Joy me lâche les mains. «Vous pouvez vous lever, dit-elle. Levez-vous et partez. » Elle est censée me laisser me reposer, dix minutes, les pieds sur un coussin pour augmenter les chances. Elle est supposée consacrer ce moment à une méditation silencieuse, mais elle n'est pas d'humeur à cela. Il y a de la haine dans sa voix, comme si le contact de ma chair l'écœurait et la contaminait. Je me démêle de son corps, me lève; le jus du Commandant me coule le long des jambes. Avant de me détourner, je la vois lisser sa jupe bleue, serrer les jambes; elle reste étendue sur le lit à contempler le baldaquin au-dessus d'elle, raide et droite comme une statue.
Pour laquelle des deux est-ce pire, elle, ou moi ?
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J'aimerais croire que ceci est une histoire que je raconte. j'ai besoin de le croire. Il faut que je le croie. Celles qui peuvent croire que pareilles histoires ne sont que des histoires ont de meilleurs chances.
Si c'est une histoire que je raconte, je peux choisir son dénouement. donc il y aura un dénouement, à cette histoire, et la vraie vie viendra après. Je pourrai reprendre là où je me suis arrêtée.

I would like to believe this is a story I’m telling. I need to believe it. I must believe it. Those who can believe that such stories are only stories have a better chance.
If it’s a story I’m telling, then I have control over the ending. Then there will be an ending, to the story, and real life will come after it. I can pick up where I left off.
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Mais tout autour des murs il y a des rayonnages. Ils sont bourrés de livres. Des livres et des livres et encore des livres, bien en vue, pas de serrures, pas de caisses. Rien d'étonnant que nous n'ayons pas le droit de venir ici. C'est une oasis de l'interdit. J'essaie de ne pas regarder avec trop d'insistance.
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Pourtant, si on les regarde avec insistance, comme nous le faisons, on peut distinguer le dessin des traits sous le tissu, comme des ombres grises. Ces têtes sont des têtes de bonhommes de neige, d'où les yeux en charbon, le nez en carotte seraient tombés. Les têtes fondent.
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Je prie. (...)
Mon Dieu. Qui es au Royaume des Cieux, qui es intérieur. (...)
Maintenant que nous arrivons au pardon; ne prends pas la peine de me pardonner juste maintenant. Il y a plus important. Par exemple : Garde les autres en sécurité, s'ils sont saufs. Ne les laisse pas trop souffrir. S'ils doivent mourir, fais que ce soit rapide. Tu pourrais même leur fournir un Paradis. Nous avons besoin de Toi pour cela. L'Enfer, nous pouvons nous le fabriquer nous-mêmes.
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C'est bon d'avoir des objectifs modestes qui peuvent facilement être atteints.
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Certains romans hantent l'esprit du lecteur, d'autres celui de l'auteur. La servante écarlate a fait les deux.
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