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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Livre lu dans le cadre du Prix du Meilleur Roman Points 2018

Basé sur des faits réels, apparemment, ce court récit retrace l'existence de Kena qui se traduit par Personne, Lion du Sénégal, trouvé par le jeune orphelin Yacine en 1786 dans la savane sénégalaise et qui terminera son existence à Paris.

Un profond attachement lie l'enfant et l'animal qui perd tout de ses caractéristiques sauvages se transformant en animal domestique.

Elevé et souvent aimé car docile par différents personnages au long de sa vie dont Jean-Gabriel Pelletan au Sénégal, Directeur de comptoirs commerciaux a la double vie et Jean Dubois, intendant de la Ménagerie Royale, passionné de Nature, l'animal se lie également à un chien, Hercule et ces deux animaux traversent les événements dont une révolution ensemble.

L'écriture est agréable voire même un peu dans le contexte de l'époque par moment, récit riche d'informations, instructif.

J'ai lu ce roman comme un documentaire, une page d'histoire animalière mais sans réel attachement. Une narration en trois parties : Afrique, voyage et arrivée en France, Versailles et Jardin Royal, faites de courts chapitres. L'auteur retrace non seulement le parcours de ce félin, son destin quelque peu étrange et inhabituel, sur deux continents dans une époque troublée, loin de son milieu sauvage nature mais aussi les destinées et contextes de différents protagonistes : Yacine, Pelletan et Dubois entre autres qui protégèrent et aimèrent ce lion qui ne connut que l'homme dont il dépendra totalement.

Comment le destin de ce roi des animaux se transformera en animal de compagnie, docile, aimant, voyageant d'un continent à l'autre, survivant aux pires conditions, humilié, oublié.

Description d'une époque, également, les comptoirs commerciaux en Afrique, l'esclavage, Versailles, la révolution française mais aussi histoires de moeurs et d'attachement de l'homme à l'animal, d'instinct mais aussi histoire d'amour d'un homme pour un autre homme.

Mais il m'a manqué un je-ne-sais quoi pour ressentir de l'émotion, il aurait fallu peut être un peu plus de vie (le récit est uniquement dans la narration), un peu moins de distance. Une prise de conscience peut être pour certain(e)s que l'homme peut être sauveur et destructeur pour la faune mais aussi pour lui-même..... Un fond de philosophie, de dépaysement, un beau voyage mais sans réelle émotion.

Il pensait que les Noirs mentaient tout autant que les Blancs, que ce monde entier mentait ; et que malheureusement il n'en était pas d'autre. (p166)
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« Histoire du lion Personne » raconte l'histoire… d'un lion ! Mais pas n'importe lequel ! Un lion « historique » ! Kena, nom de baptême rapidement francisé en « Personne », en hommage au Ulysse d'Homère, naît au Sénégal, où les hasards de la vie font que le jeune Yacine, féru de mathématiques et assoiffé d'ambition, emporte ce lionceau orphelin loin de sa savane.
Personne devient un commensal des hommes et s'attache l'amitié de Pelletan, le directeur Royal de la Compagnie du Sénégal chargée de renflouer les caisses de la France avec le commerce de la gomme arabique, de l'ivoire et de l'or. Pelletan est un humaniste qui rêve de mettre fin à l'esclavagisme. Personne devient pour lui un symbole, une sorte de lion apprivoisé et docile qui vit en liberté parmi les autres animaux domestiques et dont s'émeut la bonne société colonialiste de Saint-Louis ainsi que le personnel de cette dernière qui vit dans l'attente effrayée du réveil de la bête.

Puis notre gentil fauve s'embarque, après moult péripéties, pour la France. Il débarque au Havre en mai 1788, flanqué du chien Hercule, à qui une amitié fidèle le relie, traverse à pieds le pays, escorté de Jean Dubois un jeune naturaliste, ancien factotum de Buffon. le jeune scientifique et ses amis à quatre pattes prennent pension à la Ménagerie royale de Versailles et assistent à la lente décomposition de la Monarchie, à la Révolution et à l'avènement d'un nouvel ordre. Avec les autres animaux de Versailles, ils migreront dans la toute nouvelle Ménagerie du Jardin des plantes à Paris où ils finiront tristement leurs jours. D'abord honnis par la populace pour qui ce lion représente les privilèges et les caprices royaux, ils deviendront peu à peu une attraction courue ; on s'extasiera devant la douceur du fauve envers son copain canin…
Cette troisième partie du livre m'a semblé la plus chargée de sens : si les humains ont bien du mal à vivre entre eux selon la devise « Liberté, Egalité, Fraternité », Personne et son ami Hercule ont depuis longtemps trouvé la formule des deux dernières assertions. Pour la liberté, on repassera : le récit semble insinuer que l'être humain retombe toujours dans ses travers : Royalistes ou Révolutionnaires sont pétris d'idées préconçues et, pour eux, un lion, quel qu'il soit, ne changera jamais et mérite l'enfermement.
Mais cette ultime partie ne prend du poids qu'au regard des précédentes.

A travers le destin d'un lion, Stéphane Audeguy dresse le portrait d'hommes confrontés à leurs rêves, à leurs instincts et à leurs limites. D'hommes enchaînés à leur propre histoire et à la grande histoire.
Le lion est ici un fil directeur, chacune des grandes parties relatant les ambitions inachevées de trois personnalités : le jeune Yacine, Pelletan et Dubois et des prisons sociales de leur époque.
C'est une idée originale et déstabilisante que l'auteur a eu de faire mourir ainsi ses protagonistes humains au fil des chapitres. Personne assiste impuissant à la disparition de ses protecteurs sans jamais prendre la parole.

C'est donc un récit étrange, un peu haché, mais non dénué d'intérêt. L'histoire du lion Personne nous est bel et bien raconté mais le texte recrée surtout un temps.
La description du Sénégal du dix-huitième siècle m'a envoûté. Cette vision de l'Afrique rêvée, encore à moitié-« civilisée » ainsi que l'écriture m'ont régalé et m'ont permis de pénétrer ce livre peu commun. Puis la description de Versailles et de la Ménagerie du Jardin des plantes m'ont aussi beaucoup captivé. J'ai apprécié d'entrer ainsi dans l'histoire de France par la petite porte.

Je dirais aussi que c'est avant tout le livre d'un amoureux de la langue.
Stéphane Audeguy s'est lancé un défi : raconter l'histoire d'un lion sans le faire parler puisque, nous explique-t-il sur la quatrième de couverture, « il y a une indignité à parler à la place de quiconque, surtout s'il s'agit d'un animal ». Je ne partage pas cet avis car, selon moi, c'est l'une des ressources du créateur de puiser dans son imagination et dans un fond commun pour se mettre à la place de l'autre.
Mais l'auteur réussit son exercice de style et c'est son art qui nous entraîne plus que le récit finalement ténu. Il me semble que les mots l'amusent toujours quand le récit sert parfois de prétexte à des descriptions somptueuses. Une belle langue frôlant en de rares passages la préciosité mais qui est appréciable. Une mention spéciale aussi pour l'utilisation exacerbée du point-virgule ! Un autre exercice de style que l'auteur s'est imposé ou une marque de fabrique ? Je relirai sa « Théorie des nuages » avec joie pour me faire un avis…
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Comme nombre de belles histoires, celle-ci se construit sur une successions de hasards, de rencontres fortuites et de circonstances historiques aussi imprévisibles que marquantes. Dans un petit village du Sénégal, le jeune Yacine, âgé de treize ans, est un élève assidu du Père Jean. Pas parce qu'il partage les convictions religieuses de ce colonisateur, mais «pour avoir accès au savoir des Blancs». Lui qui aspire à la liberté sans vraiment savoir en quoi cela peut consister croit pouvoir saisir sa chance quand son précepteur décide de l'envoyer à Saint-Louis pour poursuivre ses études. Muni d'une lettre de recommandation, il s'en va le long du fleuve jusqu'à la demeure de l'administrateur général de la Compagnie du Sénégal.
Quand il croise un lionceau, il croit sa dernière heure venue, car il sait que sa mère doit rôder dans les parages et qu'il n'a aucune chance face à l'animal. Sauf que l'attaque redoutée n'a pas lieu. le lionceau affamé demande assistance et Yacine lui donne le lait qui devait le nourrir.
« Il était furieux de constater que sur le chemin de sa liberté il n'avait rien trouvé de mieux à faire que de s'encombrer d'un pareil fardeau. Mais il était aussi étrangement, profondément ému par ce nourrisson. »
Aussi, après avoir traversé le fleuve, c'est avec son nouveau compagnon qu'il se présente chez Jean-Gabriel Pelletan de Camplong, «petit homme gai au regard bon, au corps sec, et d'une laideur frappante» qui était épris d'un homme singulier, à la peau d'un noir profond, presque violet, qui se prénommait Adal.

Intrigué mais aussi séduit par l'esprit de Yacine, le directeur de la compagnie accueille le jeune homme et le lionceau sous son toit. Il va toutefois s'arroger le droit de franciser le nom du lion baptisé Kena par Yacine, qui signifie «personne» en wolof, la langue de sa tribu.
Les deux hôtes vont grandir et apprendre auprès de l'intendant qui entend faire fortune dans le commerce du Morfil (qui désigne l'ivoire brut) et de la gomme arabique. Une époque heureuse qui prendra brutalement fin en 1787. Suite à une épidémie de variole, Yacine meurt et Personne se retrouve à nouveau seul au monde.
La dépression de l'animal va prendre fin avec l'arrivée de Marie, la fille de Jean-Gabriel qui était restée à Marseille avec son épouse. À sept ans, cette dernière «sentait le frais, la guimauve et l'enfance : les narines de Personne frémissaient à son approche.» de quoi rendre jaloux le chien Hercule, son inséparable compagnon de jeu.
Si Marie ne voit aucun danger dans sa relation avec le fauve, autour d'eux les –mauvaises – langues vont se délier et contraindre le maître de céans à organiser une expédition pour ramener le roi des animaux dans sa savane. À peine libéré Personne ne songe qu'à retourner chez lui. Avec l'aide d'Hercule et après quelques péripéties, notamment le rencontre avec un couple de ses semblables, il parviendra à regagner Saint-Louis. Où une autre solution est envisagée : offrir le lion à la Ménagerie royale de Versailles.
Après un voyage dans les pires conditions, ils arrivent en mai 1788 en Normandie. « Pour Hercule et pour Personne le choc fut terrible. Ils toussèrent et crachèrent tout ce froid humide et intense qui leur piquait la truffe et leur raclait l'intérieur des poumons. »
Jean Dubois, l'envoyé de Buffon, va se charge de conduire «un lion famélique et un chien pelé» du Havre jusqu'à Versailles, dans une France qui crie famine et se soucie comme d'une guigne de zoologie. Il faut ruser pour ne pas subir la vindicte populaire et finalement constater qu'à Versailles les choses ne vont guère mieux :
« Il n'y avait pas plus de cinquante bêtes dans ce qui avait été la ménagerie la plus admirée, la plus visitée, la plus visitée d'Europe. »
Personne, le soi-disant roi des animaux, doit faire profil bas quand le peuple fait la Révolution. Supposé être le symbole de l'Ancien Régime, sera-t-il sacrifié sur le trône du souverain déchu ?
On l'aura compris, Stéphane Audeguy a trouvé derrière le destin du lion Personne une manière de nous raconter une page mouvementée de l'histoire du monde. L'argument fait mouche grâce au grand talent de conteur de l'auteur. A l'instar de la Fontaine, qui concluera cette chronique, sa fable est non seulement distrayante, mais riche d'enseignements.
Le Lion, terreur des forêts,
Chargé d'ans et pleurant son antique prouesse,
Fut enfin attaqué par ses propres sujets,
Devenus forts par sa faiblesse.

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"Quand il y a de l'impossible il faut en faire un roman" (Stéphane Audeguy).
Raconter l'histoire d'un lion, de sa naissance à sa mort, quelle audacieuse entreprise !
Et pourtant, c'est avec succès que l'auteur nous plonge dans ce conte philosophique.

1786. Yacine, jeune garçon africain de 13 ans doit se rendre, pour une mission dont il ne connaît l'objet, à Saint Louis du Sénégal.
Sur le chemin, il fait l'improbable rencontre avec un lionceau dont il prendra la responsabilité. Il le nommera "Kena" qui signifie "personne" dans le dialecte de sa tribu.
Conformément à sa mission, il entre en contact avec Jean-Gabriel Pelletan, le Directeur de la Compagnie Royale du Sénégal, un antiesclavagiste. Il se prendra d'affection pour ce jeune garçon et son lion. Ce dernier trouvera un nouveau compagnon, le chien Hercule, dont le rôle sera essentiel dans l'aventure qui suivra.
Pelletan acceptera de les entretenir tous les trois jusqu'au décès tragique du jeune garçon.
Ne se sentant pas l'âme de poursuivre, il a dans l'idée de transférer Personne et Hercule à Versailles, aux bons soins du Directeur de la Ménagerie du Roi jusqu'en 1792. Mais la Révolution française n'épargnera pas la ménagerie et ses occupants. A bout de forces et mourant de faim, les inséparables compagnons sont transférer au tout nouveau jardin des Plantes, à Paris, où l'un après l'autre ils trouveront la mort.
Impossible de rester indifférent à l'aventure de ce lion Personne. On s'attache à lui et à son fidèle compagnon Hercule. L'amitié qui les lie, les souffrances qu'ils endurent, nous touchent indubitablement.
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Avec ce roman, vous partez en totale immersion dans l'Afrique du XVIIIe dans toute son évolution, sa diversité... Et il n'y a pas à dire, c'est dépaysant.

L'auteur a beaucoup de talent pour la description, pour les paysages de faune et de flore (non sérieux, je me suis crue dans le Roi Lion ! #zéroculture), si bien qu'il n'y a quasiment aucun dialogue dans ce roman. Personnellement, pour moi qui adore les échanges de joutes verbales, je suis toujours un peu sur mes gardes quand je vois qu'un livre n'a que très peu de dialogues. Pourtant ici, le roman est suffisamment court pour que le manque ne se fasse pas trop sentir.

Et nous voici donc à suivre les aventures d'un lion. Étonnant, non ? En tous les cas, original...

Personnellement, j'ai eu beaucoup d'empathie pour l'histoire de ce jeune lionceau qui va vivre toute sa vie auprès des hommes et qui ne connaîtra rien du destin ordinaire de ces congénères. Point de longue balade dans la savane ou de sieste en pleine brousse. Pour Personne, ce sera plutôt dodo au coin du feu et voyage à l'autre bout du monde.

Parce que oui, Personne ne va pas seulement évoluer au milieu des sénégalais, il va aussi se balader du côté de la Cour de Versailles pour faire un petit tour dans sa ménagerie. Et ça, juste avant la Révolution Française ! Donc autant vous dire que sa nouvelle vie ne va pas être de tout repos.



Si le démarrage a été un peu lent à mon goût, cette seconde partie en France, plus rythmée, m'a davantage plu.

Le contexte historique et révolutionnaire prenait un tout autre sens à travers l'histoire de cet animal sauvage qui n'aurait jamais dû se trouver là.

Dans ce roman au final, ce qui est le plus bouleversant, c'est le destin de ce lion qui n'aura existé que pour divertir les hommes. Un destin que de trop nombreux animaux subissent encore aujourd'hui...
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Un jeune garçon adopte un bébé lionceau orphelin trouvé , le baptise "Personne" en hommage à Homère. Il l'emmène à Saint-Louis auprès du Directeur de la Compagnie royale du Sénégal, un "original" antiesclavagiste. le lionceau y développe une amitié exclusive avec Hercule, jeune chien bâtard. le rejet par les populations miséreuses de cet animal mieux traité qu'elles, a vite fait de contraindre son nouveau maitre de 'envoyer le couple chien-lion en métropole où il va croupir dans la Ménagerie nationale.



J'ai toujours été fascinée par ces récits d'animaux sauvages capturés par les Européens aux XVIIIème et XIXème siècle, témoignages vivants tout à la fois de l'imaginaire et de la vanité des hommes. Ce court récit est plutôt séduisant, très poétique dans sa partie africaine, plus documentaire ensuite. C'est le reflet d'une époque, porté par un style très élégant.
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J'ai décidemment un problème avec les romans trop courts.
Quand enfin je commence à entrer dans l'histoire, à accrocher au style et à m'attacher aux personnages, le bouquin est terminé.
C'est ce qui s'est passé avec ce livre qui nous est présenté comme une fable.
Stéphane Audeguy raconte l'odyssée d'un lion depuis l'Afrique jusqu'en France, à la fin du XVIIIème siècle, avec une écriture précise et très classique.
Des rives du Sénégal en passant par Saint-Louis, par les océans et les routes de France, le lion Personne rejoint la Ménagerie de Versailles à l'heure ou gronde la Révolution.Plus qu'une fable, c'est un conte animal peuplé de personnages humains.
Un ouvrage pas banal et tout public que l'on pourrait conseiller à des lycéens mais un récit qui se concentre sur l'essentiel, au détriment de l'épaisseur de l'histoire et des personnages selon moi.
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Prix littéraire 30 millions d'amis ; Prix Wepler Fondation La Poste.

Une belle histoire, bien écrite, triste comme le sont souvent les belles histoires ! C'est celle d'un lionceau nommé Personne, car le jeune sénégalais Yacine qui l'a trouvé par hasard sur la route de Saint-Louis, était le meilleur élève du père Jean à la Mission où il étudiait et Yacine excellait particulièrement en mathématiques et en grec ; son épisode favori des aventures d'Ulysse étant celui où par ruse le héros échappe au cyclope, le jeune garçon décide de baptiser le petit lion du nom de Kena (ce qui signifie Personne).
C'est le début d'une vie d'aventures extraordinaires pour ce lion, d'abord en compagnie de son jeune maître qui découvre la ville et va travailler pour Jean-Gabriel Pelletan, le directeur de la Compagnie Royale du Sénégal, nous sommes en 1786 ; puis avec un petit chien, Hercule, qui restera son ami pour la vie. le dénommé Pelletan gardera le lion jusqu'à son retour en France et celui-ci fut un des premiers fauves a pouvoir être observé par les sujets de Louis XVI.

Avec cette épopée léonine, S. Audeguy nous parle du Sénégal, à cette époque colonie de la France, elle-même assez mal en point en cette période révolutionnaire, ainsi que de l'esclavage, de la vie quotidienne en Afrique et en Europe ; mais c'est aussi l'occasion de réflexions bien menées sur le respect de la vie animale et l'intérêt éventuel des ménageries ou zoos pour la connaissance de la faune sauvage. C'est également pour l'auteur l'occasion d'évoquer le travail des naturalistes Buffon et Etienne Geoffroy de Saint-Hilaire et les débuts du Muséum d'Histoire Naturelle.

Extraits (p 19) : " le jour était levé maintenant. Yacine n'avait pas peur. Ou plutôt, et puisque le père Jean lui avait enseigné que l'homme courageux est celui qui, connaissant la peur, la surmonte, il avait décrété qu'il ne serait pas de ceux qui laissent un danger passablement improbable le traîner de-ci de-là par les cheveux. Yacine, s'enhardissant, sauta sur un tapis craquant de feuilles séchées, contourna l'énorme tronc, fit quelques pas dans la direction d'où lui avait semblé provenir ce bruit d'herbes froissées. Et quand enfin il en aperçut la source, il crut qu'il allait mourir là. Il ne s'agissait, certes, que d'un lionceau inoffensif, qui ne devait pas être vieux de plus de trois mois."

(p 175) : " Il y avait cependant à Versailles trois êtres profondément heureux. A la moindre éclaircie, Jean Dubois interrompait sa tâche quotidienne, enfilait le grand manteau doublé de peaux de lapin qu'il s'était confectionné lui-même et emmenait Personne en promenade, Hercule à ses basques. Ils quittaient la ménagerie, gagnaient le bras le plus large du Canal, marchaient en direction du couchant, vers cette perspective habilement ménagée qui donnait aux promeneurs l'impression que le jardin ne finirait jamais ; et souvent Personne se lançait dans des courses folles, dont il revenait pantelant et ravi."

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Nous sommes au Sénégal, à la fin du dix-huitième siècle. Jeune orphelin sénégalais, Yacine a à peine treize ans et il a une grande expérience de la vie ; il sait déjà, notamment que « le gros des hommes ignore qu'il va mourir ; ceux qui le savent ne veulent pas, pour la plupart, le comprendre, et n'en tirent aucune conséquence pratique. Seule une poignée d'êtres vit sa vie, sa seule vie ; rien qu'une vie, mais toute entière ».

Déterminé, Yacine veut quitter son village qu'il déteste. Il entreprend le chemin vers Saint-Louis, sur les conseils du prêtre blanc du séminaire qui lui enseignait le « savoir des Blancs » et surtout les mathématiques pour lesquelles Yacine montre des dispositions particulières. Yacine emmène avec lui un lionceau qu'il vient de recueillir. Abandonné par sa mère, ou orphelin, l'animal est venu par surprise se blottir contre Yacine, compromettant ainsi ses chances de survie dans le monde sauvage parce que désormais porteur de l'odeur de l'homme.

Mais le destin en décide autrement pour Yacine : c'est le Directeur de la Compagnie Royale du Sénégal, Jean Gabriel Pelletan, qui va prendre soin du lion désormais dénommé Personne, ainsi que d'un chien, Hercule, qui deviendra le meilleur ami de Personne. le joli conte que nous propose Stéphane Audéguy peut apparaître comme l'illustration du sort des déracinés : Personne et Hercule n'appartiennent à aucun monde, ils ne font plus partie du règne animal, ils ne seront jamais des hommes. Inadaptés et donc rejetés de tous. Pelletan se sent coupable d'avoir contribué à cette situation, par sensiblerie et par orgueil, pense-t-il, alors qu'il n'avait pour toute autre solution que de les condamner à une mort certaine.

Il ne reste qu'à envoyer les deux animaux à la Ménagerie Royale de Versailles et c'est un troisième homme providentiel qui entoure les deux bêtes de sa bienveillance. Mais les temps sont troubles : famine, froid, révolution, la France n'a que faire des animaux exotiques, même si quelques naturalistes défendent l'intérêt scientifique et essaient d'adoucir le sort des nouveaux arrivés.

Ce premier roman de la sélection au prix du meilleur roman Points met en lumière les mensonges et l'inhumanité des hommes, défauts également partagés sur terre, quel que soit le continent. C'est Adal, personnage secondaire, témoin de ce dix-huitième siècle finissant qui nous offre un regard équilibré sur les travers des hommes. Ajoutons à cela la très belle écriture classique et précise de l'auteur : ce n'est pas un coup de coeur, mais sans aucun doute une très belle lecture que je vous recommande !


Lien : http://lelivredapres.wordpre..
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Lorsque Yacine recueille celui qu'il nommera Kena, il a bien conscience de le condamner à une vie soumise aux soins des hommes. Mais que pouvait-il faire d'autre pour ce lionceau orphelin? Au fil des pages, nous suivrons le destin hors du commun de Kena (rebaptisé Personne) et son indissociable ami le chien Hercule qui côtoieront tour à tour la bonté et la cruauté des êtres de notre espèce.
Ce roman, en parallèle d'être l'histoire du lion Personne nous conte l'histoire des hommes dans leurs efforts pour conquérir une liberté dont l'humanité elle-même les a privé. Reprochant parfois au lion, son statut de "roi des animaux" qu'elle lui a arbitrairement attribué, la société humaine apparaît pourtant d'une autorité suprême sur tous les êtres vivants digne des monarques qu'elle abhorre. En refermant le livre, il nous reste une envie, celle de s'éloigner de la folie des hommes tel Adal (qui porte en lui autant d'amour que de sagesse) tout en ayant l'atroce conscience que nous en faisons partie.
S'il est impossible d'en ressortir indifférent, je déplore malgré tout plusieurs choses. La première c'est qu'a priori je m'attendais à suivre cette épopée aux côtés de Personne. Or, si c'est partiellement le cas, nous sommes le plus souvent les compagnons de voyage des humains qui l'entourent ce qui a pour conséquence de nous tenir finalement très éloignés de lui durant les 14 premiers chapitres. Ce parti pris n'est bien sûr pas dénué d'intérêt puisqu'il a le mérite de nous confronter au contexte historique et social de cette période. Cependant, pas assumé jusqu'au bout, il ne fait que le survoler laissant le lecteur tiraillé entre le sentiment d'être tenu à distance du lion et celui de n'avoir pas assez approfondi les sentiments humains et les événements historiques qui parsèment et conditionnent sa destinée et celle d'Hercule. Quelques phrases bien longues aux multiples virgules ont également un peu cassé le rythme de ma lecture, néanmoins ce livre reste un bon roman touchant et émouvant qui devrait convenir à tous les amoureux d'animaux et de liberté parmi lesquels j'aime à me compter.
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