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"Quelques kilomètres en dehors de la ville, à l'autre bout de Kapar, en direction de la côte, vous trouverez un shophouse où les racines d'un figuier des pagodes s'enroulent le long des colonnes en façade de la bâtisse ; la construction tout entière a été avalée par l'arbre et le seuil n'est plus désormais qu'un passage qui mène au coeur d'un énorme entrelacs de feuillage. Où finit l'un et où commence l'autre ? Lequel est vivant, lequel est mort ?"

Il parle avec détachement, de sa vie, d'un quotidien dont il considère la routine immuable comme un privilège, du village de son enfance, coincé entre la mer et les plantations de palmiers à huile, où s'étaient installés ses grands-parents fuyant l'Indonésie voisine après la Chine d'où ils étaient originaires.

On apprend très vite qu'il a tué un homme, qu'il a été jugé, condamné, incarcéré, et qu'il est sorti de prison.

Forcément, on se demande ce qui a mené à cette tragédie.
D'où ça vient, quels ressorts bandés lentement dans cette lutte permanente contre les éléments, contre la pression économique, contre ce "progrès" qui consomme et consume les êtres, ont cédé précisément à ce moment-là.

Les souvenirs viennent affleurer à la surface, se nouent comme ces racines de figuier des pagodes emprisonnant peu à peu le shophouse à l'autre bout de Kapar, et on se retrouve avalé, englouti dans ce destin frappé au coin d'une mondialisation vorace.

Je découvre et cette région du monde, ce pays, la Malaisie, et l'auteur de ce livre remarquable, Tash AW, un écrivain malaisien de langue anglaise né à Taipei qui a grandi à Kuala Lumpur avant de venir vivre à Londres.

J'ai été happée par ce roman comme par une vague d'une grande puissance.
Tout sonne juste, tout ramène à l'essentiel, au sensible, à la mémoire des corps, à la chaleur suffocante qui les accable, à la force qui les abandonne de trop d'un travail écrasant, au ralentissement inexorable de leurs gestes.

La confrontation en particulier avec l'immigration clandestine indonésienne, bangladaise, birmane, qui fait tourner chantiers, fermes piscicoles, plantations, utilisée puis rejetée et qui disparaît du jour au lendemain, cette confrontation d'Ah Hock avec ces esclaves modernes dont il comprend la détresse est saisissante.
De quoi en perdre le souffle.

C'est une rencontre littéraire âpre, violente, dure, qui marque profondémment par son humanité têtue à s'exprimer envers et contre tout.

Je remercie infiniment les éditions #Fayard et #NetGalleyFrance pour cette très belle découverte.
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« Ce qui est né dans la violence s'achève dans la violence. »

Même si je vidais mon crâne sur ce bout de papier, il n'y aurait pas autant de matière que dans celui de Ah Hock. Parce qu'il vit seul, reclu, il va se confier à une jeune femme, lui délivrant les mots de la violence, la misère, les maux de l'immigration, les regrets, et le drame qui l'a mené, là, de sa vie. Il en est là, parce qu'il a tué un homme. Avec ces confidences, il nous raconte la Malaisie, son pays, son contexte, les paumés et les morts-vivants… À raconter ainsi son histoire, ses impressions, l'inexorable karma, les causes et les conséquences de la pauvreté, on arrive à la même évidence : Parfois, c'est la merde. On ne va pouvoir y changer quelque chose. C'est juste un fait. Mais, Nous, les survivants, c'est tout de même un espoir. Un espoir qui s'écrit dans des pages, pour que d'autres le saisissent…

J'ai saisi, mais j'y ai laissé un lambeau de mon coeur. Il a chuté. Comme Ah Hock, avec lui, à côté d'un morceau de bois…Mais ce n'est pas bien grave, ça en valait le coup. Les 14, ou la puissance d'une émotion qui dévaste tout…Ça le valait bien. Parce que parfois, on entend la lame de fond d'une voix, et elle enfle, se fait grande et traverse les frontières et vient se fracasser à nos oreilles…Et tous ses échos me reviennent, comme des vagues. Encore et encore. J'en suis encore submergée. Je ne crois pas pouvoir oublier cette déferlante, parce que Tash Aw a mis une telle puissance que même, sous le déchaînement des éléments et le magma de sentiments, je prie encore pour ces pauvres gens, la nuit.

Nous, les survivants, c'est un autre horizon, des autres paysages, des dynamiques différentes, mais c'est une histoire qui parle d'humanité. de son absence aussi. Peut-être qu'elle s'est perdue dans la nature, à coups de tsunamis et d'orages…Toujours est-il que certains doivent, pas seulement vivre dans la misère, mais survivre au jour le jour dans le néant…Parce que le destin est ainsi. Alors, oui. La merde est partout. Son odeur, sa marque, son fléau. Et faute de vider son cerveau, on est vite dépassé par une envie de vomir tenace. J'ai cru rendre plusieurs fois, mes tripes sous leurs pluies diluviennes…Comment peut-on en arriver là? Faire ça à d'autres humains? En faire des morts-vivants? Ignorer l'autre?

Je ne sais pas pourquoi les humains ne se tendent pas la main, pourquoi le racisme fait autant de ravages, mais si jamais, vous vouliez une histoire immersive et des envies d'ailleurs, écoutez le témoignage troublant et avisé de ce jeune homme…Il se pourrait qu'il y ait un monstre, des actes abominables, mais il y a aussi la beauté de l'intention, la force d'un constat, et une plume exaltante. Mon organisme n'était pas toujours prêt au choc, mais vous avoir confié ce trop-plein de débordements de tristesse et de conscience, ça me laisse un peu vidée, mais sereine. J'espère que le Vivant va vous parler, et vous laisser prendre le chemin de ces pages…Nous, les survivants, le méritent…
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Avec le tristement célèbre Johny Lim et surtout La carte du monde invisible, Tash Aw a révélé un remarquable talent de conteur en même temps que signalé que la littérature malaisienne méritait d'être connue pour découvrir un pays insaisissable et complexe. Après le décevant Un milliardaire cinq étoiles, son nouveau roman, Nous, les survivants, propose une plongée dans la Malaisie d'aujourd'hui, avec sa violence, ses inégalités et ses difficultés à faire cohabiter les nombreuses nationalités qui la composent. Nous, les survivants est l'histoire d'un homme, qui a commis un crime et payé sa dette, et qui confie les grandes étapes de sa vie à une apprentie écrivaine mais ce n'est pas un polar, plutôt un roman social à grande échelle qui recense tous les maux contemporains d'un pays, à commencer par son traitement indigne des migrants, travailleurs à bas coûts, venus du Myanmar, d'Indonésie, du Népal ou du Bangladesh. Une exploitation qui s'accompagne d'un racisme qui ne se cache pas, à l'égard de ces "peaux noires" qui acceptent un travail qu'un malaisien ne saurait exercer. Observateur tout autant que victime d'un système, le héros du livre n'est en rien un saint, humain pétri de défauts et balloté par les aléas d'une existence qui peut basculer sur un coup de dés. Très prenant, le livre de Tash Aw dresse un portrait peu complaisant de son pays, dans une réflexion plus universelle sur le monde dans lequel nous vivons. L'office de tourisme de Malaisie ne lui dit pas merci mais la littérature n'est pas là pour montrer de belles cartes postales.

Un grand merci aux éditions Fayard et à NetGalley.
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Un titre énigmatique, que la lecture du livre n'éclaircit pas directement. Qui sont ces survivants ? Ceux, je crois, qui ne vivent pas, qui ne font que survivre. Parce qu'il y a l'indigence, ou l'émigration clandestine, ou le travail physique au-delà du soutenable, et souvent un mélange de tout cela. le narrateur, qui se raconte à une chercheuse en sciences sociales, a commis un meurtre et a purgé une peine de prison, ce n'est pas divulgâcher que de dire cela car on l'apprend dès les premières pages du livre. Et tout le roman raconte la vie de cet homme, à travers ses propres mots, jusqu'à en arriver à cet événement.
J'ai demandé ce livre sur netgalley, et les éditions Fayard ont été assez aimables pour me permettre de le lire. Ce n'est qu'en le mettant sur ma liseuse que j'y ai vu la phrase d'Edouard Louis faisant la promotion de ce livre, « L'un des plus beaux et plus puissants romans que j'ai ly depuis des années ». N'ayant pas un très bon souvenir de ma seule lecture d'un livre d'Edouard Louis, j'ai eu un peu peur, mais je ne me suis pas démontée et me suis lancée dans cette lecture. Grand bien m'en a pris car ce livre a vraiment quelque chose.
L'écriture est simple, presque sèche, le propos demeure toujours très factuel. Mais c'est dans toute cette sécheresse et cette apparente objectivité des faits que se dit tout cet indicible de pauvreté extrême, de manque de perspective dans la vie, de la médiocrité d'une vie passée à courir après le simple minimum. le personnage principal n'est pas particulièrement agréable, ce n'est pas mon empathie pour lui qui m'ont fait aimer ce livre, mais bien cette capacité à décrire ces situations tellement difficiles à envisager pour nous dans le confort de nos maisons, protégés derrière les pages d'un livre.
C'est un livre à lire quand on a le coeur bien accroché, non qu'il y ait des descriptions difficiles dans ce livre, ou des événements scabreux. On croise bien sûr un peu de drogue, la question des gangs est effleurée, mais c'est plus la banalité de l'extrême dénuement qui m'a parue difficile à encaisser. Ce livre ne m'a pas laissée indifférente. Il ne cherche ni à être moralisateur ni à proposer quelque leçon ou solution que ce soit, mais il fait réfléchir. La Malaisie n'est pas un pays dont on entend parler tous les jours, pourtant c'est un pays qui exporte beaucoup de ses denrées, notamment la production de ses plantations de palmiers, que l'on traverse dans ce livre. Cela fait réfléchir sur nos actes d'achat, sur comment nous sommes liés à ces situations, qu'on le veuille ou non, combien on est impuissant mais combien il est hypocrite de ne rien faire.
Un livre qui mérite de trouver une large audience. Son auteur m'était inconnu et pourtant je m'aperçois qu'il a déjà un certain lectorat en France et ailleurs. J'espère que ce livre confirmera ce succès, car c'est une expérience de lecture que je ne peux pas qualifier de plaisante, c'est toujours difficile de se sentir remise en question, comme ça, l'air de rien, mais c'est une expérience de lecture enrichissante et déstabilisante, ce qui est pour moi le signe d'un bon livre.
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Ah Hock, se débrouillait bien dans la vie, avec emploi fixe et une épouse, une petite maison ...
Jusqu'au jour où il tue un homme qui l'avait attaqué au couteau.
Après quelques années de prison, on le retrouve quelque peu misérable qui tente de s'en sortir de petit job en petit job.
Lorsqu'une jeune étudiante vient l'interroger pour comprendre l'origine de son crime, il va lui restituer son enfance, sa vie avant et après le crime et à travers son interview, c'est toute la société malaisienne et ses travers, les us et coutumes qui nous sont révélés.
Roman très dense ... peut être un peu trop dense justement qui m'a laissé sur le bord du chemin ...
Avis partagé au final.
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Ah Hock vit seul depuis sa sortie de prison. Quand une doctorante lui demande un entretien, c'est l'occasion de revenir sur sa vie et la façon dont il en est arrivé là. A travers la vie de Ah Hock, c'est toute la Malaisie des laissés-pour-compte qui va être mise en avant. La Malaisie est le pays dont les mutations ont été réalisées le plus rapidement. Cette vitesse a amplifié le risque de ne pas suivre les « progrès » de la société, d'être en décalage complet ou partiel et de ne plus pouvoir vivre correctement. L'auteur nous offre un large panorama des conséquences de cette modernisation à outrance. Comment ne pas louper le train vers le « progrès » ? Quelle est la part de chance et la part personnelle pour s'en sortir ? Ah Hock est né dans un petit village côtier. La vie y était dure mais sans réelle misère. L'arrivée d'une usine devait leur faciliter la vie et pourtant très vite l'océan fournit de moins en moins de quoi vivre. Entre construction à outrance et soucis écologique, comment trouver sa place ? L'aspect écologique n'est pas le plus prise en compte mais c'est intéressant qu'il n'ait pas été oublié. L'industrialisation et le besoin de construction permettent d'aborder le besoin de main d'oeuvre la moins cher possible. Comment être survivre et trouver un travail quand on coute plus cher aux employeurs qu'un immigré ? Comment sont traités et perçus les clandestins ? Dans une Malaisie où la cohabitation entre les communautés est souvent mise en avant, avoir un récit qui montre que même dans ce cas là le racisme est présent est intéressant. le récit navigue entre les différentes moments de la vie de Ah Hock ce qui permet de bien observer toutes les ficelles faisant d'un homme ordinaire qui ne souhaite que vivre au mieux un meurtrier.
C'est un récit émouvant, sans tabou ni justification, juste une magnifique manière de présenter la partie non idyllique d'une société en plein changement. J'ai beaucoup aimé ce texte qui présente des aspects que je n'ai pas l'habitude de lire sur la Malaisie ça m'a chamboulée .
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Il y a longtemps, Ah Hock a tué. Il a été en cavale, s'est fait arrêté, jugé et a fait de la prison.
Pourquoi cet homme, sans histoire, d'origine chinoise, qui a bien réussi, est venu à commettre un crime ?
Après plusieurs années de silence, Ah Hock se livre enfin, à un étudiante.
Durant plusieurs mois, il raconte tout, de sa jeunesse jusqu'à ce jour fatidique qui a transformé sa vie.

"Nous, les survivants" est un roman pour lequel j'ai eu un véritable coup de coeur. Tash Aw nous invite à découvrir la Malaisie, la vraie, celle de son peuple et de sa communauté chinoise, celle de ceux qui essayent de survivre, celle des immigrants, ceux d'hier et ceux d'aujourd'hui.
"Nous, les survivants" est un roman qu'il faut avoir lu. Il est prenant et magnifiquement bien écrit.
Lien : https://www.inde-en-livres.f..
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Ad Hock, est né dans un village de Malaise de parents chinois, milieu ultraprécaire où chaque espoir est contrecarré par le destin : le père émigre pour trouver du travail et ne revient jamais, sa mère croit trouver un certain salut auprès d'un concubin mais est chassée par la famille de celui-ci, la maison et le potager que sa mère et lui arrivent à mettre en place au prix d'efforts insensés est inondé plusieurs années de suite, la mère finit par décéder d'un cancer qu'elle ne peut soigner faute de moyens. Encore adolescent, il part en ville, découvre la violence du monde du travail : le déni de droit, la traite humaine, l'esclavagisme des migrants et la corruption.
Finalement arrivé à un certain statut,  pris au piège de ses engagements, de son « honnêteté » dans un monde corrompu et de ses angoisses, il va finir par tuer un homme qui veut lui vendre des employés comme du bétail.

Malgré cet enchaînement de péripéties dramatiques, Tash Aw échappe au misérabilisme par le caractère informatif de son récit, et par une écriture très clinique, dont toute émotion est bannie.
Il présente son récit sous la forme de l'interview rétrospective de Ad Hock par une jeune sociologue. Malheureusement, non seulement cet aspect narratif n'apporte rien au roman, mais elle gêne puisque l'écriture ne fait preuve d'aucune oralité (en somme on est curieusement gênée par le fait que ce soit trop bien écrit)

Bref, j'ai trouvé ce roman m'a plus intéressée par son aspect documentaire que par son versant littéraire.
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