« Les propos d'Anne me ramenaient en arrière, son exemplarité, son ascendant, cette manière qu'elle avait de toujours me regarder en grande soeur, cet air impérieux. Or, dans mon jardin, devant mes enfants, mon mari, mes beaux-frères et belles soeurs, devant mes collègues, ceux d'Alain, son regard ne m'a pas traversée ; il s'est bloqué quelque part à la surface de ma peau, comme un couteau qui se plante mal, une lame qui se tord et rate sa cible. Quelque chose en moi s'est durci sous ses mots. »
« Il n'y a plus guère que sa couche qui soit ma maison, je pense à Phèdre en écoutant Nicole Croisille. Je ne sens pas la honte, la honte qui me cuisait quand Anne me faisait écouter ses disques de variété. C'est une chanson sentimentale avec des violons, des trémolos, des paroles de supermarché, une femme amoureuse qui hurle pour qu'il lui téléphone, que son coeur lâche, qu'elle veut juste entendre sa voix. »
« Nous sommes bras dessus bras dessous, nos trois bouches hurlantes. »
Je pense encore à ce trajet qui les ramène vers Paris, à ces mois, ces années qui nous séparent de notre prochain dîner, à nos vies qui auront le temps de creuser leurs différences.