Nathalie Azoulai
EAN : 9782818054765
320 pages
P.O.L.
(06/01/2022)
3.38/5
144 notesLa fille parfaite
Résumé :
Elle a dit, c'est génial finalement, considère qu'on est les deux filles d'une seule et même famille : l'une fera des maths, l'autre des lettres. Nos parents auront le sentiment d'avoir accompli une progéniture parfaite, qui couvre tout le spectre. Tu te rends compte, où qu'ils tournent la tête, nos parents, il y a toujours une de leurs deux filles pour savoir. Ce doit être extrêmement satisfaisant pour des parents, tu ne crois pas, d'atteindre ces extrémités, des c...
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Deux grandes amies, lycéennes brillantissimes,
Rachel Deville et Adèle Prinker, prennent des voies opposées : la première fait des études de lettres et la seconde de mathématiques. Cette orientation est en grande partie déterminée par leurs familles, les Deville étant une dynastie de grands bourgeois littéraires et les seconds, d'extraction plus modeste, ne jurant que par la science. Nous allons suivre leur parcours à la fois professionnel et d'amitié, celle-ci connaissant des moments de « fusion » et aussi de longs moments de silence complet. ● Je crois que je n'ai absolument pas compris où
Nathalie Azoulai voulait nous emmener : à déterminer qui des deux en compétition est cette « fille parfaite » ? A faire l'histoire d'une amitié en dents de scie ? A s'interroger sur le suicide ? Sur la prédominance de la science dans le monde contemporain ? Sur la perfection qui n'est pas de ce monde ? Tout cela à la fois ? ● Je n'avais déjà pas aimé son roman le plus connu,
Titus n'aimait pas Bérénice, prix Médicis 2015, j'ai voulu récidiver avec celui-ci dont la thématique, une amitié entre deux jeunes filles opposées, me paraissait à première vue intéressante. ● Mais
Nathalie Azoulai a une façon d'opposer les sciences et les lettres qui sonne très années quatre-vingt ; il me semble qu'aujourd'hui on a dépassé ce genre d'oppositions stériles sur lesquelles on pouvait à l'époque demander aux lycéens de disserter. ● du coup, la chronique analytique de cette amitié m'a semblé vaine, creuse et lourde, et surtout très ennuyeuse. ● L'alternance aujourd'hui (Adèle Prinker s'est pendue à 46 ans – je ne divulgâche rien, c'est dans les toutes premières pages) et hier (la vie des deux étudiantes) ne suffit pas à dynamiser un récit d'une grande platitude, dans lequel des analyses spécieuses succèdent à la narration de micro-événements sans aucun intérêt. ● Je ne me suis attaché à aucun des personnages, les familles Deville et Prinker réussissent l'exploit d'apparaître à la fois caricaturales et superficiellement caractérisées. ● On peut cependant sauver le style, et quelques moments de grâce : « On ne se pend pas sans penser à l'image qu'on va produire, la stupeur, le face à face des deux corps à la verticale, le vivant et le mort, l'effet du poids qui pend, l'effroi pantois du premier témoin, la misère crue de la dépouille. » ● « [Q]uand je lis de la philosophie, j'ai l'impression de mâcher du vide. » ● « J'adorais Darwin, je trouvais qu'il expliquait notre existence mieux que tous les romans du monde. Mais les littéraires n'aiment pas Darwin et n'aiment pas qu'on aime Darwin, ils trouvent que c'est une vision du monde qui manque de douceur et de vertu. » ● Ou encore : « le problème, c'est que je me méfiais de mes nouveaux pairs, les écrivains. Leur sentiment d'importance, leurs poses, leurs pétitions et leurs cascades de vertu m'incommodaient et me rappelaient le salon de ma mère. Plus je les côtoyais, plus je remarquais qu'ils inventaient toutes sortes de mythes et de figures pour pourfendre, incriminer, s'indigner, sans la moindre connaissance ni en économie, ni en géopolitique, ni en rien de ce qui faisait réellement tourner le monde. Au réel, ils préféraient leurs cosmogonies où des dieux vils et sanguinaires se déchaînaient invariablement contre des peuples sans ressources. Ça leur donnait une position, une chaire depuis laquelle juger, pérorer, proclamer l'existence du Bien et, par la même occasion, la leur. »
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Adèle et Rachel, ce sont deux faces d'un même Louis d'or, c'est un peu réducteur mais l'idée est presque cernée, un côté pile littéraire et un côté face scientifique, ou l'inverse. Deux filles pour un titre qui reste au singulier. En cela, elles suivent l'héritage familial, sauf au bac qui sera un choix risqué : une rébellion ? ou un challenge encore pour se démarquer du contexte familial ? Elles sont amies, soeurs, complétudes, unies-vers la recherche de l'excellence. Elles ne sont pas en concurrence, même si la frontière entre deux "jumelles", est toujours floues. Elles sont exigeantes l'une envers l'autre : se persuadant d'être hors la compétition, l'arrogance pour carapace mais l'ego fragile. Et, en effet, Adèle en arrive à se suicider, enfin ça c'est le début du roman... Ce roman réclame de la concentration, et confirme une belle plume française, pas toujours aisée, hautement riche d'informations et de réflexions. Mon bémol quand même : une fin heureusement atteinte parce qu'un peu plus de cette guéguerre littérature/mathématiques et ça aurait été l'indigestion.
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Adèle, l'amie d'enfance de Rachel, la narratrice, se suicide, sans lui laisser de mot d'explication. Bouleversée, Rachel se remémore leur amitié, pour essayer de comprendre comment Adèle a pu aboutir à ce geste.
C'est une amitié étrange qui lie Adèle et Rachel, a la limite de la toxicité, basée depuis toujours sur la concurrence et une certaine dose de dévalorisation de la part de la narratrice.
Tout oppose Adèle et Rachel : la première, fille d'une famille qui a réussi à se hisser vers la classe moyenne par le travail, est un pur esprit scientifique, tandis que la seconde vient d'une famille aisée baignant dans une culture toute littéraire. Cette différence entre les deux filles, malgré leur blondeur et leur ressemblance, a été comblée par leur vive intelligence, peut être plus marquée chez Adèle, et surtout par l'admiration ambiguë de Rachel pour Adèle. Des sentiments vifs mâtinés d'orgueil blessé qui ont longtemps attiré Rachel vers son amie, tout en la poussant à rompre leur relation, en vain.
En effet, l'admiration que ressent Rachel pour Adèle corrompt tout ce qu'elle aime, comme si cette dernière était un trou noir qui gâte les choses par sa seule présence. Ainsi, même si Rachel aime profondément la littérature au point de devenir écrivaine, elle est tellement influencée par le mépris de son amie pour cet art et tellement pénétrée par son sentiment d'infériorité à son égard, qu'elle se persuadera que les lettres sont pour les intelligences moyennes, ce qui le fera souffrir toute sa vie. Tout est en effet matière chez Rachel à se comparer, se dévaloriser, sans voir qu'Adèle doit certainement ressentir des sentiments du même ordre, car Rachel au final est plus libre : libre de faire des maths au lycée, pour être dans la même classe qu'Adèle, au lieu de se lancer dans la littérature, alors qu'Adèle a été dressée par son père pour faire des maths ; libre de rester célibataire et sans enfants, alors qu'Adèle s'est mariée jeune et a eu un enfant, contrainte supplémentaire dans une carrière.
Une amitié toxique est un sujet habituellement traité de manière chaude et émotionnelle, puisque la confusion des sentiments est à l'oeuvre dans ce type d'attachement. Or, que ce roman est froid et distant ! A l'image d'ailleurs d'Adèle et de Rachel, cette dernière décrivant ses sentiments comme des Mister Freeze placés près du coeur (c'est dire). Cette mise à distance de tout sentiment et émotion m'ont empêchée de développer une quelconque empathie à leur égard. C'est particulièrement bien écrit, mais l'érudition et les références dispensées un peu partout dans le texte m'ont mise un peu plus à l'écart encore, étant loin de les saisir (étant « littéraire », j'en ai pris pour mon grade…). Cette binarité d'ailleurs entre les sciences et cet art presque vulgaire qu'est la littérature m'ont interrogée : pourquoi les éloigner à ce point ?
Bref un ouvrage qui, malgré ses qualités littéraires justement, ne m'a pas emportée du tout. Vite, un peu de chaleur !
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J'ai bien aimé lire ce livre. Je ne connais pas
Nathalie Azoulai ni aucun de ses livres. J'y découvre une plume qui joue avec les mots, dissèque les émotions et les relations.
C'est le roman des oppositions : les sciences /la littérature, la rigueur /la liberté, la vie/la mort. C'est dans ces oppositions que Rachel et Adèle deviennent amies entre proximité, confidences et entraide mais aussi éloignement, silences et jalousies
Il y a certains passages plutôt noirs. Si vous êtes déprimé passez votre chemin et revenez quand vous serez bien dans vos baskets.
Je me suis demandée s'il y avait une part de réalité dans ce livre. Rachel a-t-elle quelque chose de Nathalie ? Qui est Adèle ?
Ce livre me donne envie de découvrir d'autres romans de l'autrice.
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Contrairement aux autres critiques, j'ai aimé
La fille parfaite. J'ai aimé la langue de
Nathalie Azoulai, j'ai envie de me mettre à lire Mrs Dalloway sous sa traduction.
La fille parfaite reprend la réalité des sciences faites majoritairement par les hommes et les études de lettres faites par les femmes.
Adèle et Rachel sont deux amies de longue date. Rachel semble faite pour emprunter la voie littéraire : toute sa famille est férue de littérature. Sauf qu'elle côtoie Adèle dont le père la pousse à faire des mathématiques. Finalement, ce n'est pas trop difficile pour Adèle puisqu'elle aime cette science ! Mais sa fin est tragique puisque nous la découvrons dès l'incipit'
Donc Rachel décide de faire un bac mathématiques. Mais elle reviendra à sa vocation littéraire.
Nathalie Azoulai reprend avec brio cette réalité sous le prisme d'une amitié féminine.
J'ai vibré avec sa plume et j'ai hâte de découvrir ses autres romans !
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critiques presse (8)
Dans « La Fille parfaite », Nathalie Azoulai retrace l’amitié faite de fusion et de ruptures entre une littéraire et une scientifique. Une puissante aventure cérébrale.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
C’est une histoire d’amitié. De choix existentiels, aussi, puisque La Fille parfaite, de Nathalie Azoulai, raconte les parcours opposés de deux jeunes femmes qui ont choisi des voies différentes vers ce qu’on appelle la réussite.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Si La fille parfaite porte une réflexion intéressante sur le rapport des filles à la science, le récit de la narratrice, où affleure bien peu d’émotion, demeure au bout du compte une tentative faible de comprendre le geste définitif de son amie. Un long récit qui donne aussi peu à voir qu’à éprouver.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Avec « La Fille parfaite », l’écrivaine signe son onzième roman en vingt ans. Autant d’occasions d’explorer les thèmes qui lui tiennent à cœur, dans une recherche constante de formes et de registres différents.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Une bouleversante histoire d’amitié qui est aussi une confrontation entre deux mondes, littéraire et scientifique.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
La romancière retrace avec une grâce infinie l’amitié de deux femmes, l’une écrivaine, l’autre mathématicienne. Un récit d’apprentissage et une confrontation entre l’art et les sciences.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Au-delà du roman d'apprentissage, peut-être aux accents autobiographiques, la plume alerte et inspirée de Nathalie Azoulai, érudite sans être pontifiante (une gageure), nous emporte comme une lame de fond : impossible de lâcher cette reconstitution dense, intelligente, entre l'enquête et l'introspection.
Lire la critique sur le site : Lexpress
C’était sérieux, elle disait, mon rêve,
ce serait de faire des maths la journée et le soir, de
fendre les eaux turquoise comme une sirène. Et ce
n’était pas un vœu pieux, elle s’entraînait. Elle allait
plusieurs fois par semaine à la piscine et dirigeait
son corps comme un cylindre emmené par l’énergie
de ses bras qui crawlaient, crawlaient, jusqu’à sentir
ses jambes se joindre et onduler ensemble, depuis
la taille jusqu’au bout des orteils, et sans faire de
mousse. Elle me racontait ses séances, détaillait ses
sensations. La mousse, c’est l’échec, disait-elle gravement. Elle mettait des briques en caoutchouc entre
ses cuisses pour les tenir collées-collées, suturer ses
jambes de haut en bas, les zipper, c’était son mot.
Et sentir les deux plantes de ses pieds battre comme
une nageoire. Elle progressait, mais elle continuait
à pester : dans l’eau, ça se voyait, elle avait toujours
deux jambes distinctes, elle, elle pouvait l’oublier,
mais c’était évident, les autres ne voyaient que ça. Et
puis ses bras qui crawlaient, comme si une sirène, ça
crawlait !
Sa mort me laisse donc la possibilité de ne plus me comparer, de me réjouir de l'avoir connue elle et, grâce à elle, d'avoir fait entrer tous ces affluents du savoir dans ma bulle d'écriture à l'instar de Flaubert qui voulait faire aussi bien que le scalpel de son père, mais les Mister Freeze fondent et se reforment aussi sec, comme des stalagmites. Dans un film d'épouvante, quand on croit le démon terrassé, in extremis, on voit sa main qui sort de terre.
P112-113: "je me suis demandée si j'avais bien fait de la rappeler car, en quelques minutes, j'ai reconnu cette sensation mitigée, ce courant glacée et cette question simple : m'étiat il agréable ou non de passer un moment avec Adèle ? Autrement dit, mon déplaisir entamait-il le charme ou l'amitié ? Je n'ai que des réponses compliquées parmi lesquelles ce choix qu'on fait parfois dans la vie d'avoir des compagnons, des partenaires mêmes, qui nous élèvent quoi qu'il arrive, dont on accepte qu'ils nous malmènent pourvu qu'ils nous surclassent, qui nous surclassent parce qu'ils nous malmènent".
P201-2020 : "mon père disait que j'étais l'héritière croisée de Kafka et de James, c'était flatteur, mais les compliments ne m'arrivaient jamais pleinement. Il semblaient toujours entamés, mités, car Adèle, de là où elle était, regardait encore par-dessus mon épaule. Comparés à ses équations différentielles, mes énoncés à moi restaient simples".
P264 (discours d'Adèle) "Bref, ce que je veux dire, c'est que Nicolas, mon fils, je l'adore, je l'aime tellement qure je pourrais tout abandonner pour lui, les maths, la recherche, les prix, toute ma vie. C'est l'ennemi juré de mon ambition alors je dois arbitrer en permanence parce que j'ai le choix entre cet amour et le travail".
P270 : "Arrêter de penser qu'il y a d'un côté les maths, de l'autre le monde, c'est le contraire,. Si vous choisisissez de ne plus faire de maths, vous parlerez la lange des humains mais vous ne parlerez jamais plus la langue du monde".
Mon cerveau se posait sur les énoncés avec avidité mais il lui manquait la vitesse, l’œil de lynx, et pour cause,
je n’avais pas les heures de vol, les parties d’échecs, les énigmes, le chronomètre. Ce qui m’impressionnait le plus chez Adèle, c’est quand elle restait immobile et silencieuse devant un problème et que,
subitement, ça jaillissait : la nuit devenait le jour, l’étang cascade, la pensée une succession d’états du corps. À côté, je patinais sur une étendue de notes
moyennes, ce qui ne m’était jamais arrivé. Qu’étais-je allée faire dans cette galère ? Ce que mon père à moi aimait, c’étaient la poésie, les grands textes, la manière dont Kafka pulvérisait les métaphores, pas
les équations.
Je me suis dit que la vie était une piste d'atterrissage où les gens, tels des points lumineux, s'éteignent un à un, d'abord au loin, puis de plus en plus près, jusqu'au dernier, plus tendre et plus bleuté que tous les autres.
Alors que le débat fait rage sur la place qu'occupent les mathématiques en France, davantage étudiées par les garçons, voici une rencontre qui interroge le malentendu qui semble les opposer à tout prix à la littérature.
Dans La Fille parfaite, Nathalie Azoulai fait le récit d'une amitié absolue unissant deux adolescentes qui, à 14 ans, cet âge où surgissent les rivalités, décident de se partager le monde. À Adèle, la science, à Rachel, la littérature. Mais on l'apprend d'emblée, Adèle, à qui tout semble réussir (elle est devenue une mathématicienne de haut vol), se suicide à 46 ans et c'est Rachel, devenue romancière à succès, qui plonge dans leur passé pour percer le mystère de cette mort.
Pour tenter de réconcilier les deux disciplines, Gaël Octavia, ingénieure, travaillant à la Fondation Sciences mathématiques de Paris, mais aussi dramaturge et romancière (son dernier roman est aussi une histoire d'amitié complexe), dialogue avec Nathalie Azoulai. Ensemble, elles nous disent que les mathématiques riment avec intuition et qu'elles permettent aussi d'entrevoir le monde sous des aspects invisibles, à l'instar de la littérature, cette parfaite équation pleine d'inconnues.
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Une rencontre avec Nathalie Azoulai (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/nathalie-azoulai/) et Gaël Octavia (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/gael-octavia/) animée par Yann Nicol (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/yann-nicol/) enregistrée en public en mai 2022 au théâtre de la Criée, à Marseille, lors de la 6e édition du festival Oh les beaux jours !.
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À lire
Nathalie Azoulai, La Fille parfaite, P.O.L, 2022.
Gaël Octavia, La Bonne Histoire de Madeleine Démétrius, Gallimard, 2020.
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Montage : Clément Lemariey
Voix : Nicolas Lafitte
Musique : The Unreal Story of Lou Reed by Fred Nevché & French 79
Photo : Nicolas Serve
Un podcast produit par Des livres comme des idées (http://deslivrescommedesidees.com/).
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La 7e édition du festival Oh les beaux jours ! (https://ohlesbeauxjours.fr/) aura lieu à Marseille du 24 au 29 mai 2023.
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