Aujourd'hui encore, je m'en [de ma ville natale] souviens, je la sens, et je l'aime ; je la sens comme on sent l'odeur de sa mère, l'odeur de ses caresses, de ses mots et de ses sourires ; je l'aime parce que j'y ai grandi, que j'y ai été heureux, triste, et que j'y ai rêvé avec une passion qui ne reviendra plus.
Une bonne fiction n'a pas à ressembler à la vie réelle ; c'est la vie qui essaie de toutes ses forces de ressembler à une bonne fiction.
Déjà à cette époque, à vingt ans, je m'étais dis : mieux vaut la faim, la prison et le vagabondage, que de passer dix heures par jour dans un bureau. Ce serment que je me suis fait n'a rien de particulièrement héroïque, mais je ne l'ai jamais transgressé et je ne le transgresserai jamais.La sagesse de mes ancêtres était gravée dans ma tête : nous sommes né pour tirer du plaisir du travail, des bagarres et de l'amour, c'est pour cela que nous sommes nés, et pour rien d'autre.
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Quelque part au loin, elle [notre vie] était parcourue par le malheur monté sur un grand cheval, mais le bruit de ses sabots s'estompait, disparaissait, et le silence, ce silence douloureux qui s'abat parfois sur les enfants en détresse, a soudain aboli la frontière entre mon corps et la terre immobile qui n'allait nulle part.
Dans cette enveloppe éphémère que l'on appelle un être humain, le chant coule comme les eaux de l'éternité.
Il efface tout et donne naissance à tout.
Depuis mon plus jeune âge, toutes le forces de mon être avaient été consacrées à inventer des romans, des pièces, des milliers d'histoires. Elles étaient posées sur mon cœur comme un crapaud sur une pierre. Possédé d'un orgueil démoniaque, je ne voulais pas les écrire trop tôt. Écrire moins bien que Léon Tolstoï me semblait une perte de temps. Mes histoires étaient destinées à survivre à l'oubli. Une pensée intrépide et une passion dévorante ne valent la peine que l'on se donne pour elles que lorsqu'elles sont revêtues de superbes atours. mais comment les coudre, ces atours?