-Etre sur ses gardes est la première chose que les enfants indiens apprennent, Olivier, a-t-elle dit enfin. Ensuite, nous tâchons d’éviter les faux pas et les conclusions hâtives. C’est à cette condition que nous survivons.
On devient ridicule quand on se rend compte que l’on dépasse les bornes.
On appelle ça la guerre psychologique. Quand on est dépourvu de muscles, il faut savoir en maîtriser les règles.
-Je suis allé en Allemagne il y a un bon nombre d’années, a repris le vieil homme. Aussi, j’imagine comme tout ici te paraît étranger. Je peux deviner ce que tu éprouves. Pour s’habituer à un endroit comme celui-ci, il faut beaucoup de temps. Toutefois, si tu t’ouvres au pays et aux gens et que tu les accueilles dans ton cœur, tu t’en sortiras mieux et plus vite.
Tu ne sais pas comment les choses se passent ici, Olli. La valeur d’une vie d’homme est mesurée à la couleur de sa peau. Si Boo avait été un Blanc et les quatre garçons des Indiens, ce serait très différent.
-Et la justice, là-dedans ?
-Pour nous, les Indiens, il n’y a pas de justice, Olli.
Il y avait des tas de choses que je ne comprenais pas, même au bout de toutes ces semaines passées ici. Pourquoi tant de Lakota buvaient, alors qu’ils savaient que l’alcool les tuait ? Pourquoi privaient-ils ainsi leurs enfants d’une existence normale, alors qu’ils disaient toujours que les enfants étaient leur avenir ? Pourquoi tant d’entre eux vivaient-ils des aides sociales, au lieu de prendre leur destin en main ?
Je n’étais pas stupide ; en Allemagne non plus je ne traversais pas la vie les yeux fermés. Je savais que le passé peut être un poids qui est transmis par les parents aux enfants. Mais il faut qu’à un moment le passé cesse de gouverner le présent.
Il y a des moments, dans la vie, où un père peut être très utile ; le mien n’avait jamais été présent dans ces moments-là.
J’aime Nina depuis si longtemps ! Nous nous connaissons mieux que ma mère et cet Indien. Eux ce sont envoyés des lettres. Des lettres ! Comme si cela suffisait… Ce n’est pas ainsi que l’on apprend à connaître quelqu’un. Elle ne lui écrit que du bien sur elle, et lui ne lui expose que les meilleurs facettes de sa personne et de sa vie. De cette manière, c’est clair que chacun tient l’autre pour formidable. Mais les choses ne se passent pas ainsi. Ce ne sont que des chimères.
Je me suis rendu compte que je m’étais fait du souci pour rien en ce qui concernait mon argent de poche. Je n’aurais pas besoin, car il n’y avait ici rien à quoi j’aurais pu le dépenser.