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Critique de Nastasia-B


Aujourd'hui, ce n'est pas une critique que j'écris, ce sont mes tripes sur la table (la tablette pour certains), c'est toute mon âme, c'est le combat de ma vie.

Après avoir fait de longues et tortueuses études (où j'ai commencé sérieusement à douter ; avant mes études, je confesse mon amateurisme dans la manière dont j'exerçais le doute) sur le comportement social des primates en passant par le pouvoir hydrofuge des plumes de cormoran ou encore les stratégies d'attaque et l'acquisition d'aversions alimentaires chez les seiches, après avoir enseigné à des étudiants de licence et de maîtrise (oui, je sais, on appelait ça maîtrise à l'époque, maintenant on dit je ne sais trop quoi, master 1 ou 12 ou 43, je ne sais plus trop) j'ai résolument choisi de ne plus écrire des articles en anglais qui seraient lus par trois ou quatre personnes au monde, dont deux " referee ", mais d'accepter de redescendre aux tout premiers échelons du savoir ; celui que l'on dispense à nos enfants de l'école élémentaire et qui créa une immense incompréhension chez mes proches. (« Quoi, tu régresses chez les petits ! Mais t'aurais quand même pu au moins être prof au lycée, non ?» Soupirs...)

Depuis, je me bats à ma très modeste échelle, mais avec un public dix fois supérieur chaque année à celui de mes lecteurs d'articles scientifiques, pour cet idéal qui est chaque jour mis à mal, à savoir une école publique gratuite et de qualité, qui formerait des citoyens doués d'un petit trésor en leur sein : avoir les armes critiques pour juger par eux-mêmes des informations et des faits auxquels ils sont confrontés afin d'être les plus libres possibles dans les choix qu'ils effectueront et qui gouverneront leur existence.

C'est un projet qui n'est en rien de moi et qui ne date pas d'hier, puisqu'il est hérité des Lumières, mais qui est sans cesse mis à mal par l'idéologie dominante du néolibéralisme avec son corolaire : désengagement de l'état dans la politique éducative, promotion du privé afin de rendre rentable ce qui n'avait pas vocation à l'être.

Aujourd'hui, l'école de la république est une olive prise entre deux grosses pierres en granit. S'en échappe une huile, ceux qui contournent les cartes scolaires, qui inscrivent leurs enfants dans le privé ou dans les filières spéciales, juste pour ne pas être avec le " tout venant " de la société.

Pour ceux-là, l'école est une valeur, bien souvent les moyens financiers des parents vont avec, si bien qu'il n'y a pas trop de souci à se faire pour leur avenir professionnel (je ne parle pas de leur bonheur individuel effectif car cela ne rentre jamais en ligne de compte et ce n'est pas quantifiable donc on s'en fiche : « Tu feras HEC, mon fils. Bon okay, ça ne t'a jamais plu, mais tu vois ce que tu gagneras chaque mois ? Alors ferme ta gueule et écoute ce que je te dis. »

(Je tiens à préciser et je m'arrêterai ici pour ce public, que, bien que manifestement " favorisé ", il n'en est pas moins sujet à la manipulation. Noam Chomsky, par exemple, explique très bien comment les élites font l'objet de soins intenses de la part des manipulateurs et de ceux qui forgent les opinions, afin qu'ils deviennent les chevilles ouvrières de la diffusion de la " bonne " parole dominante. S'il y a bien un domaine où nous sommes tous égaux, c'est dans notre capacité à nous faire rouler et abuser par des informations qu'on n'aura pas pris le soin de vérifier avec le calme et la circonspection voulue car l'émotion, dans ces cas-là, est notre ennemie.)

Bon, il est vrai qu'il reste quelques détritus coincés entre les deux roues en granit, mais ceux-là, on s'en tamponne royalement car ils ne sont pas de la famille des dirigeants politiques ni des chefs d'entreprise ou d'un actionnaire quelconque donc, maintenons-les dans un niveau d'abrutissement suffisant pour qu'ils soient de bons petits consommateurs et qu'ils se surendettent pour faire les choux gras de nos amis les banquiers.

Pas de boulot respectable, TF1-M6-BFM, les marques à gogo, les petits trafics et surtout, surtout, pas d'esprit critique, surtout pas d'esprit critique, c'est dangereux, ça mord et ils pourraient se rendre compte de certaines petites choses pas jolies, jolies et de certains petits procédés, pas réglos, réglos... C'est donc pour eux que je suis entrée en résistance, à ma toute petite échelle, avec les maigres moyens et la faible marge de manoeuvre dont je dispose car c'est un idéal que je crois juste et socialement profitable. (Mais je tiens de suite à préciser que ce n'est qu'une croyance et pas de la science. Pour s'avérer telle, cette croyance devrait être passée au banc d'essai, ce que je n'ai pas encore fait.)

Dans les médias, on entend toujours les deux ou trois mêmes copains, proches cousins des politiques et fils spirituels des banquiers, la grande famille du show business qui martèle, qui assène, qui ressasse inlassablement les mêmes absurdités, les mêmes contre-vérités, les mêmes simplifications, les mêmes omissions, voire les mêmes mensonges.

Quand je dis " famille du show business ", ce n'est presque pas une image et à titre d'exemple, parmi mille autres, citons : Jean Drucker, patron de M6, Michel Drucker, Marie Drucker, Léa Drucker. Sachant que Marie Drucker, dont le rôle est de déverser de l'information fut liée à " l'écrivain " Marc Levy (bon là je m'avance peut-être un peu, car écrivain, il me semble, ce n'est pas exactement ça, mais passons), puis au " ministre " François Baroin (bon là aussi, je m'avance peut-être encore trop car ministre, normalement, ce n'est pas exactement ça non plus), puis le banquier et patron de presse Mathieu Pigasse (bon là pas d'erreur possible, un banquier, c'est bien ça), puis " l'acteur-humoriste " Gad Elmaleh (bon j'arrête là car je suis déjà grillée auprès des RG avec ce que j'ai écrit avant), etc., etc. Bref, LA GRANDE FAMILLE DU SHOW BUSINESS ! Ça donne envie...

Ouaip, bah il ne s'agirait pas d'espérer trouver une seule information objective parmi toute cette bouillie. Pour mémoire, je rappelle ce qu'écrivait John Dos Passos dans Manhattan Transfer en 1925 : « Je sais que chaque phrase, chaque mot, chaque signe de ponctuation qui paraît dans la presse publique est épluché, révisé, raturé dans l'intérêt des actionnaires, et de ceux qui publient les réclames. »

De même, dès les époques grecque ou romaine, certains penseurs nous invitaient à nous poser certaines questions. Je pense notamment à l'un des plus grands manipulateurs de son temps : Cicéron. Dans sa supplique pour Milon (pro Milone), le grand avocat écrit « Cui bono ferit ». Je vous invite tous, lorsque vous recevez une information à vous poser simplement cette question de Cicéron « Cui bono ? » que l'on peut maladroitement traduire en français par : " À qui cela profite-t-il ? ".

Et c'est ici seulement que j'en viens au livre lui-même, à cette mine de sagesse que nous offre Normand Baillargeon, un fier Québécois fort soucieux de sa liberté de jugement et qui nous liste une bonne partie des procédés communément utilisés dans les médias, par les hommes politiques ou dans la publicité pour nous faire avaler des couleuvres.

Ce livre n'a pas d'autre ambition que de chercher à nous faire prendre du recul sur ce que l'on nous dit, de douter, s'il y a lieu, de soumettre les informations à un examen et non pas de les boire comme du petit lait.

Il nous est tous, je pense, arrivés une fois ou deux d'assister à un événement qui fit l'objet d'une couverture importante dans les médias, de bien connaître la situation et de constater avec stupéfaction que l'image qui en était donnée dans le médium considéré était fort différente voire presque exactement contraire à la lecture que nous avions de cet événement.

Question : Y a-t-il des raisons de supposer que le traitement de l'information qui est fait à propos des sujets dont nous ignorons tout est différent de celui où nous avons un avis autorisé ?

Mais voilà, les magouilleurs d'opinion ont encore de beaux jours devant eux car, éplucher les informations, croiser les sources, vérifier les chiffres, c'est long, c'est très fatigant, c'est fastidieux, ça n'apporte pas de réponses toujours très claires ni tranchées, et puis, quand on rentre du travail avec une journée bien remplie dans les bottes, on a envie de se poser et d'arrêter de lutter, d'ingurgiter ce qu'on nous donne avec un minimum de vigilance, car la fatigue est souvent la plus forte, et ça, les médias et les publicitaires l'ont bien compris.

De plus, nous sommes issus, depuis notre plus jeune temps, de parents qui nous ont expliqué plein de choses — à leur façon, bien sûr —, des choses qu'on a gobé et pris pour argent comptant car ça ne se fait pas, quand on est enfant, de douter de ses parents.

Or, un examen approfondi du niveau moyen de connaissances des adultes montre que nécessairement, les parents transmettent une foule d'inepties à leurs enfants, de la peur de l'araignée tégénaire à la croyance en un dieu unique et bienveillant, que personne n'a jamais vu, mais que quelqu'un dont on ignore tout a écrit qu'on l'avait vu de façon certaine il y a plus de 1000, 2000, ou 3000 ans selon les cas et la religion considérée.

Un dieu qui voit tout sur tout le monde et qui n'oublie rien, car il a une mémoire de mastodonte, et qui, si l'on n'est pas sage durant notre vie terrestre, nous donnera la fessée pour le restant des temps dans les feux de l'enfer. (Mais au fait, comment ferons-nous pour ressentir la douleur de la fessée et des brûlures lorsque nous auront perdu notre système nerveux central ? L'histoire ne le précise pas, dommage.)

Bref, un épais matelas de croyances bidons et d'absurdités auquel on applique l'étiquette du sacré. Cela fleure bon aussi le parfum de l'enfance. Et donc ce sont les mêmes hommes virils qui vont nous dire sans sourciller : « Toutes des salopes ! » et préciser quelques secondes plus tard : « Sauf Maman. » car, par une loi spéciale de la création, ladite mère bénéficiait d'une constitution toute différente du restant de l'espèce.

De même, on dit : « Il ne faut pas toucher à la religion, c'est sacré. » C'est ce que l'on a reçu de nos parents, ça a le parfum de l'enfance ça aussi et c'est vrai qu'il faut une force de caractère rare pour s'extraire de ce carcan et le soumettre à l'examen critique. Il est d'ailleurs écrit en toute lettre dans les missels ou les évangiles (je crois, de mémoire, celui de Luc, mais je vous avoue que ce n'est pas ma lecture de chevet, donc, information à vérifier) : « Tu ne mettras pas ton Dieu à l'épreuve. »

On pourrait encore allonger démesurément la liste des arguments en faveur de cette posture d'investigation, de cette posture du doute qu'on appelle du mot barbare de zététique. Ça ne vous rendras manifestement pas plus heureux, pas plus reposé, mais vous comprendrez peut-être un peu mieux comment l'on nous roule dans la farine à longueur de journée. Peut-être prendrez-vous vos décisions en les ayant un peu plus soupesées, et encore, rien n'est moins sûr car le choix émotionnel a la vie dure...

Pour conclure et à titre d'exercice, souvenez-vous du nombre de reportages qui furent consacrés lors des Jeux Olympiques de Sotchi aux magouilles de Vladimir Poutine pour l'obtention des jeux par la Russie, sur le traitement autoritaire réservé aux populations locales etc. Dans le même temps, avez-vous vu un seul reportage qui aurait pris le point de vue exactement contraire afin de vous permettre de peser le pour et le contre ? Pourquoi ? (Cui bono de Cicéron.) N. B. : je ne suis pas en train d'affirmer que Poutine est un brave type, je pense même exactement le contraire mais je me questionne.

Allez encore plus profond dans votre mémoire et rappelez-vous l'époque des Jeux d'Atlanta. Pourquoi Atlanta ? Y aurait-il un lien avec le siège de Coca-Cola ? Pourquoi n'avons-nous pas été soumis aux mêmes investigations quant aux tractations exercées en sous-main par les autorités américaines de l'époque ? Étrange, pourtant, cette décision prise en 1990, en plein mandat de Bush père et seulement six ans après que les USA ont accueilli les JO de Los Angeles ? Bien évidemment, il n'y a rien de comparable entre les deux cas, car, par définition, les USA c'est gentil et la Russie, c'est méchant, c'est bien ce qu'on nous a appris à l'école et dans les films, non ?

À l'école, j'ai appris que pendant la seconde guerre mondiale, les Nazis ont été écrasés par les Américains. Et les Russes ?, demande l'élève naïf. Quels Russes ? lui répond-on. Ah, tu veux sans doute parler des 20 millions de morts et des petits retards qu'ont subi les Allemands sur le front de l'Est... ouais, non mais c'est rien..., ce sont les Américains qui ont mis les Nazis à genoux. Qu'est-ce que c'est que 20 millions de morts ? Non, ceux qui ont vraiment souffert, ce sont les Américains à Omaha et les Juifs dans les camps, le reste, on s'en fout. Quoi ? Qu'est-ce que tu viens me chanter avec tes Chinois qui sont morts en plus grand nombre que les Juifs et les Américains réunis ? On s'en fout des Chinois, ils ne font pas de films ni de livres d'histoire...

Mais ce n'est que mon avis, bien sûr, pas grand-chose quand on le passe au test redoutable du « Cui bono ? »

N. B. : concernant les chiffres, je ne parle que des 20 millions de morts de l'URSS " probablement " morts au combat ou collatéraux. Il faut bien évidemment y ajouter les 7 millions supplémentaires imputables au seul Staline et qui relevaient de sa " politique intérieure ". Ceci porte le total à la bagatelle de 27 millions de morts environ sur la période. Un détail de l'histoire, diront certains...
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