... il est possible de soutenir l'adage qui veut que l'hôpital est au BZD ce que l'armée est à l'alcool et au tabac !
... tout au long de leurs études, les futurs médecins n'ont pratiquement aucune heure consacrée au techniques relationnelles, à la gestion du refus, à la psychologie de la clientèle, pas plus d'ailleurs qu'à "la bonne utilisation des benzodiazépines".
Tout ce qui est possible d'affirmer, c'est que les médecins français semblent éprouver les plus grandes difficultés à répondre de manière négative à une demande pressante de leurs patients.[...] Il semble également que les médecins ne réalisent pas la lourdeur de leur acte puisque selon l'étude précitée, la décision d'engager une thérapeutique très longue (dizaines d'années) semble être le plus souvent prise en quelques instants. De même, l'importance des contre-indications ne semble pas être bien connue des médecins (apnées du sommeil, conduite automobile, risques de fractures chez les personnes âgées, difficultés mnésiques, risque d dépendance, etc.) qui continuent à considérer ces molécules comme parfaitement anodines, contrairement au grand public qui utilise les BZD comme les molécules de choix pour effectuer des tentatives de suicide, ce qui laisse supposer qu'elles sont généralement considérées comme toxiques, dans la grande tradition et continuité des barbituriques.
[L'exclusion sociale et la drogue]... Dans cette question on élude ou on atténue les questions de souffrances physiques et morales et on situe toujours le phénomène (ou en grande partie) dans le contexte de la délinquance avec une logique sécuritaire qui aboutit à l'enfermement (avec fort heureusement des dérivés thérapeutiques, cure de désintoxication, etc.).
La drogue, ce n'est pas seulement le trafic, ni même le sanitaire, ni le juridique, etc. La drogue, c'est un phénomène social global qui fait partie d'un système. A partir de ce moment, on se doit de le questionner et de l'étudier de la manière la plus large possible, notamment à partir des expériences de terrain.
... il est clair que l'usage de drogue a du mal à être considéré comme un acte contestataire. néanmoins, la persistance de ce stéréotype se présente comme un élément essentiel dans une politique tendant à fixer un rôle social pour la jeunesse.
La drogue assume ici le même rôle que celui joué au Moyen Âge par la peste. Il s'agit d'un mal étrange et étranger qui justifie les mesures prises contre la contagion et la chasse aux porteurs en puissance de la maladie. D'un autre côté, l'identification de la drogue comme une maladie offre une explication qui tranquillise la société. Les causes sont attribuées à un agent pathogène externe, lequel doit être identifié, isolé et détruit.
L'alcool possède une place dans l'espace public, alors que les autres drogues ne l'ont pas (Ehrenberg, 1994).
... le fait que certaines substances psychoactives sont illégales, et d'autres non. Malgré cela, on attribue aux substances illégales la capacité de produire une déviance, sans pour autant avertir que cette déviance peut être le produit ou la conséquence du fait que ces substances ont été déclarées illégales ou hors norme.
Il se peut justement qu'une approche non traditionnelle, et par là-même, non juridique, non médicale, non sanitaire, non morale, puisse nous ramener nouveau vers la signification réelle du mot drogue, nous aidant ainsi à la compréhension du phénomène.