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Citations sur Remèdes à la bonne humeur (9)

Je n'ai pas de nom. Ou alors il m'est inconnu.
Pour certains je suis la Reine des âmes lasses. Pour d'autres la Dame du seuil. Un voyageur m'appella Frigga un jour, mais je sais qu'il se trompait.
J'accueille les âmes solitaires qui passent d'un monde à l'autre. J'habite une petite cabane, au bord du sentier. Un grand chêne la dissimule un peu, et pourtant aucun voyageur ne la rate.
Ils frappent doucement, ils savent que je les attends.
Ce sont des enfants, des adultes, des viellards, des femmes, et des hommes, des couples parfois, jamais plus de deux. Certains sont déjà morts, je le sais, d'autres attendent.
Nous ne parlons pas, nous murmurons, les paupières à demi-fermées. Je leur offre à boire et à manger. Ils se reposent un peu, au coin de feu, et me racontent leurs histoires.
Parfois, j'avoue, j'ai tenté de savoir où ils allaient exactement. Savoir où menait mon sentier.
Parfois, j'avoue, j'ai charmé quelques jeunes gens, toujours pour savoir.
Parfois ils me racontaient la route, mais aucune histoire ne ressemblait à la précédente.
Les âmes passaient, je les recueillais, et elles repartaient.
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Certains disent que la Tranche Sacrée est conservée en haut de la première tour écarlate, au sommet des collines cadavériques.
Laissez votre jeunesse vous guider vers le mont herbu dédié à la déesse Vénus, puis continuez au Nord, là où dans l'Autre Royaume se trouve souvent un Chemin des Dames. Évitez le cratère de l'ancien pont, montez au Nord, encore, et trouvez enfin les collines jumelles.
Sur chacune d'elle se dresse une tour avachie, comme une pyramide sans angle, écarlate comme la passion.
La colline Ouest est composée de cadavres. Là gisent tous ceux qui ont voulu s'emparer de la Tranche Sacrée.
Suivons ce chevalier qui s'avance.
Il reste un moment fasciné par la pâleur de la colline. Son regard glisse sur le mont Est, cache-t-il, lui aussi, un trésor inaccessible ? Peu importe, il est venu pour affronter le gardien de la Tranche, le tristement célèbre Crâne Maculé.
Il gravit la colline de macchabées, glissant parfois, s'accrochant à un os, plongeant malgré lui ses doigts dans un oeil béant, un oeil qu'aucun corbeau n'est venu picorer. Il n'y a pas de charognard sur les collines cadavériques, pas de vermines. Les corps pourrissent lentement sans jamais être mangés.
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Je ne sais plus très bien où j’allais. Je perdais sûrement mon temps – comme d’habitude – à flâner dans les rues sans réel but. Je regardais les gens passer, certains étaient heureux, d’autres angoissés, d’autres tristes, renfermés, enjoués, méditatifs, fatigués… J’ai toujours aimé ça, me balader et observer.
Certains prennent soin de leur apparence, d’autres sont négligés, d’autres encore prennent soin à avoir l’air négligé. Certains sont irrémédiablement laids, d’autres sont beaux sans le savoir…
Je me rince l’œil dès que je peux, il y a tant de phantasmes qui dorment dans les rues ! J’ai toujours préféré ça à la télévision, c’est plus diversifié, plus imprévisible, et parfois même interactif.
Ce jour-là c’était jour de marché, alors il y avait du monde. Je flânais sur le bord de la mêlée : au centre on ne voit rien. En tournant autour on est moins bousculé et il y a la place de contempler innocemment le peuple calme qui ne se sent pas oppressé, qui ne se sait pas observé.
C’est là que je l’ai croisée. Je me suis d’abord dit Wow, quel canon cette fille ! puis je l’ai reconnue.
Camille.
Le choc a été terrible. Pour moi, Camille était morte. Rien ne me l’avait fait explicitement croire, mais c’était tout comme. Je l’avais rencontrée cinq ans auparavant. Nous nous étions aimés. Et du jour au lendemain, elle avait disparu.
Je ne lui connaissais aucun ami, aucune famille. Nous n’étions toujours qu’à deux. Alors j’ai dû me faire à l’idée qu’elle n’était plus là, sans pouvoir comprendre pourquoi. Lassée, honteuse, amoureuse d’un autre, morte, ou tout simplement enlevée par des petits hommes verts ? Y penser ne servait à rien, alors j’avais tenté de l’oublier, tout en espérant la revoir un jour.
Et après cinq ans, je l’ai revue, là, près du marché. Je l’ai croisée et elle ne m’a pas regardé. Elle est partie, perdue à nouveau.
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J’ai passé presque toute mon adolescence à Cendrécume. Et vous savez comme cette ville est grise, froide, et statique. On la dit fantomatique, cimetière des espoirs, plus proche de Samaris que de Celephais, à juste titre. Peu nombreux sont ceux qui peuvent y passer seulement deux jours sans penser sérieusement au suicide. Peu nombreux sont ceux qui y vivent encore, qui y vivent vraiment.
Si j’y suis resté si longtemps c’est que j’y suis né. Mes parents étant morts trop prématurément à mon goût, j’avais redirigé mon affection vers la cité elle-même, tissant ainsi un lien qui me protégeait de son cynisme, comme un enfant se vaccine des défauts de sa mère.
Toutefois, j’avoue être passé par une période particulièrement sombre. Différents échecs sentimentaux, une inquiétante baisse d’inspiration, et une brume plus lourde que d’habitude, me poussèrent à la déprime. Me balader dans les rues désertes du port en ruine ne me calmait plus, vagabonder sur la plage de sable blanc me lassait, et mon travail à la bibliothèque devenait – pour la première fois – ennuyeux.
Il n’y avait pas une immensité de solutions : ou je quittais la cité-brouillard, ou je venais demander – une fois de plus – de l’aide à Medicastro.
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Quand on est en prison, on pense d'abord que c'est injuste, que l'on n'a rien à faire là. La guerre est une aberration, l'univers tourne à l'envers. On est une victime, la victime, de tous les chaos.
Puis on se trouve des responsabilités. Les regrets et les remords viennent vous chuchoter d'affreuses vérités. Le miroir opaque qu'est le mur de la cellule vous renvoie une image sombre, un portrait grave et coupable.
J'ai traversé ces états et quelques autres. J'ai oscillé entre bons et mauvais souvenirs, nihilisme et espoir, haine et passivité. Il n'y a que ça à faire.
Mais après quelques mois, il ne reste plus que l'envie de sortir, le besoin de sortir. Impossible.
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Cela fait des jours que nous fuyons, que nous marchons, colonne d'exilés perdus, loin de chez nous, loin de tout.
Notre village fut rasé en un battement d'aile, une grande partie de ses habitants sont morts. Sang et confusion. J'ai vu ma famille se faire écraser par un assaut brutal, incompréhensible. Le crâne de ma mère pressé, puis crevé, par la main d'une de ces créatures... Et tous les autres, la fuite, la rage autour de nous. Ils n'ont pas cherché à me tuer, à m'écraser comme ils l'avaient fait avec ma mère. Ils ont voulu me capturer. Je ne sais pas comment j'ai fui, la terreur m'a obscurci, comme si je m'évanouissais dans une torpeur de violence, comme si le carnage qui s'était répandu tout
autour de moi avait réveillé l'ancienne bête qui sommeillait encore au fond de mon corps.
Ensuite, j'ai retrouvé les autres survivants, là où la fatigue l'avait emporté sur la panique. Et nous nous sommes cachés.
Puis nous avons repris la fuite, ensemble. Fragy est là, avec nous. J'avais toujours rêvé d'elle comme de ma future famille... Maintenant que ma vraie famille est morte, cette idée me semble funeste.
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Angela avait toujours été une fille étrange. Ça n’était pas le fait de se battre avec les garçons pendant que celles qui auraient dues être ses amies jouaient à la marchande. Non, être un garçon manqué n’avait rien d’anormal, surtout quand ses propres parents auraient préféré avoir un fils, un rude gaillard qui aurait pu aider à la ferme, et apporter de l’argent plus tard.
Angela aidait à la ferme, ça n’était pas le problème.
Pendant longtemps on se demanda d’où venaient les fines coupures qui apparaissaient le long de ses bras, puis on découvrit qu’elle se les faisaient elle-même, “comme une grande” disait-elle fièrement.
Mais ça n’était qu’une manie de gamine, rien de très grave.
Tout le village fut surpris lorsqu’elle décida de rejoindre les jeunes hommes qui partaient à la guerre. Et personne ne la prit au sérieux lorsqu’elle demanda qu’on lui confectionne une armure à sa taille.
Mais tout cela n’arriva que plus tard.
Le vrai problème c’était son regard. Comment une petite fille pouvait fixer si profondément les adultes, leur faisant détourner la tête ?
Pour se rassurer on disait que la fillette, avec des yeux pareils, trouverait facilement un mari, et même plusieurs, lorsqu’elle serait en âge.
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C'est en allant à la piscine, comme tous les mardi en fin d'après-midi, que David remarqua la tâche noire. Elle mangeait un bout du ciel, plus petite qu'un petit nuage, comme une tâche d'encre sur un tableau gâché.
Rose avait une voiture, et pouvait donc conduire David à la piscine. Tous les mardi ils s'offraient une heure d'allers et retours dans l'eau javelisée. Rose le faisait pour destresser, David parce qu'il aimait nager.
Il lui désigna la tâche, mais elle conduisait, et ne pouvait donc pas se permettre de regarder les nuages.
Une fois garés, un immeuble cachait le coin du ciel où la tâche, plus petite qu'un petit nuage, grignottait son coin d'espace.
David y pensa toute l'heure, pendant qu'il nageait. Au retour, la nuit commençait à tomber, et la tâche n'était plus visible.
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Je n'en avais plus l'âge, mais j'ai pleuré, bien plus que je ne l'avais déjà fait. Et c'est ce qui attira Mourioche.
J'étais accroupie auprès du lit de mon frère, mon regard voguait dans le vide, et au travers du rideau de larmes, je discernais un peu sa chambre. La fenêtre ouverte – comme le voulait la coutume – sa vieille armoire à vêtements, sa petite table de travail, et son lit aux draps tremblants.
Je séchai mes larmes pour mieux voir ; oui, les draps tremblaient, comme saisis d'un froid de tombeau, comme agités par un esprit désincarné. Ils tremblèrent de plus en plus fort, se gonflèrent, puis ondulèrent, créant une douce vague qui vint s'échouer vers moi. Et d'en dessous surgit une créature hideuse.
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