Les premières pages du roman "Lucie Corvus contre Mister Poiscaille" de Nico Bally lues et enregistrées par Marie Tinet (Ondes littéraires).
[...] les Decastel vivaient dans un pavillon immense. Mais pas genre château de Walt Disney. Ça ressemblait plutôt à un parpaing géant. [...] La maison d'Élisabeth et sa maman était rectangulaire, grise et froide.
De grandes vitres-miroirs renvoyaient l'éclat blanc des graviers qui entouraient les murs. Une grille métallique nous empêchait d'approcher, sûrement au cas où on voudrait voler du gravier.
Est-ce que je pouvais téléporter tous les légumes ? Ou seulement les haricots verts ? Jusqu'où je pouvais les envoyer ? Si ça se trouve, je pourrai résoudre la faim dans le monde en envoyant aux affamés ce que je ne mangeais pas. Ou alors ouvrir une sorte de restaurant magique où la nourriture apparaitrait dans l'assiette des gens !
Inutile d'en proposer au chat, il aime pas ça. Les chats c'est bon qu'à manger du thon et des cheeseburgers. J'aurais dû demander un chien, à la place. Encore que, je me demande si les chiens mangent des haricots verts ? Qui mange des haricots verts, en fait ? Les cochons ? J'aurais dû adopter un cochon, ça mange de tout un cochon, c'est comme une poubelle, mais vivante. Une poubelle qui fait gruik gruik.
Banyu c'est mon meilleur ami.
Enfin, c'est mon seul ami, donc forcément c'est le meilleur. Mais attention, si j'avais des centaines d'amis, ça serait sûrement lui mon meilleur ami quand même !
Il y a dans l’esprit humain encore plus de terres inexplorées que sur la planète. Tellement d’idées attendent d’être formées, tellement de machines attendent d’être tout simplement imaginées !
« Nous avons devant nous un gros chat habillé comme un gentilhomme, et ça ne nous est pas venu à l’esprit de le papouiller ? » (p. 18)
― C'est quoi ? j'ai demandé en montrant le verre.
― Un jus de fruits.
― Beurk.
― Je te demande pardon ?
― Beurk beurk. J'aime pas les fruits.
Le bras de l'homme a tremblé. Ses paupières papillonnèrent comme s'il venait de voir le fantôme de son prof de math, ou un truc comme ça.
― Tu as besoin de forces, a-t-il bêtement répété.
― J'aime pas les fruits !
C'était pourtant pas dur à comprendre ! Les fruits c'est juteux, pulpeux, filandreux, plein de pépins et de noyaux. On sait jamais quand ils sont mûrs, et juste après ils sont pourris. Pourquoi y'a pas de date à ne pas dépasser sur les fruits ? Pourquoi on ne les vend pas dans des boites en carton, comme les biscuits ? Ça serait plus simple ! Maman a même trouvé un ver de terre dans une poire, une fois ! Au Moyen- ge je comprends qu'ils mangeaient des fruits, parce qu'ils y n'avaient rien d'autre. Mais aujourd'hui on peut acheter des Pépito, des Twix, des bonbons Haribo, plein de trucs beaucoup plus simples à manger (on n'a même pas besoin de leur enlever la peau, ou ce genre de truc dégueu) !
J'adore ma maman.
Mais elle n'est pas prête à savoir, pour la magie. Elle aurait trop peur.
Moi-même, je suis un peu terrifiée, après tout ce qui s'est passé. Mais je suis excitée à l'idée de tout ce qui m'attend.
Je ne sais pas mentir aux gens honnêtes. Heureusement qu’il n’y en a pas beaucoup.
Au repas, Violette remarqua que je ne buvais pas d'alcool.
« Je suis surprise, dit-elle, Vous n'en avez pas bu hier soir non plus.
— Je ne bois jamais d'alcool.
— Je crois pourtant me souvenir de vins et d'absinthe dans vos textes...
— Il ne faut pas croire tout ce que j'écris, répondis-je très sincèrement.
— Comment discerner le vrai du faux, alors ? Je me doute bien que ces histoires de loups-garous et de sortilèges sont des métaphores, mais... l'amour ? »
Elle est restée suspendue à cette fin de phrase, comme prise en faute, rougissant soudainement.
« J'exagère tout ce que j'écris, sauf pour l'amour, que je suis bien obligé d'atténuer afin de le rendre descriptible. »
Cette réponse toute faite produit toujours son effet.
Toutefois, si le trouble de Violette était visible, le mien devenait de plus en plus difficile à dissimuler.
La nuit suivante, je rêvais à nouveau d'elle. Sa chevelure, son visage rond, ses yeux d'une incroyable douceur, sa manière de rougir gentiment à chaque phrase prononcée... Aux creux du rêve elle me donnait rendez-vous dans le salon. Et aussitôt je m'éveillais.
Dans ce genre de situation il y a deux possibilités. Soit on se rendort, soit on va dans le salon constater que personne ne nous y attend, puis on vient se rendormir.