« Car on avait beau s'agiter, tout finissait par retomber à la fin, par précipiter. Rien, non rien ne pouvait éternellement être en suspension. »
Je me sens empêtrée à l'orée des mots que je cherche à coucher sur mon écran pour évoquer le premier roman de
Vanessa Bamberger. J'ai refermé ce livre perplexe : en suspension au début, et sans aucune agitation au long cours je suis retombée.
Trop descriptif, trop industriel et technique, au demeurant très intéressant sur l'univers des petites entreprises et le monde ouvrier, les zones sinistrées, enclavées dans des paysages bruts entre ruralité et ports de pêche, ce roman flirte parfois un peu trop selon mon goût avec le reportage journalistique. La volonté de démontrer et d'argumenter le propos est trop insistante et parfois casse le charme auquel on s'attend quand on pense découvrir une histoire en ouvrant un livre. Comme si le choix presque didactique finissait par le piéger.
« le couple est une suspension. Un médicament. Un équilibre hétérogène. La dispersion d'un solide insoluble dans un milieu liquide ou gazeux. Au début, les particules restent en suspension. La stabilité est garantie. Mais avec le temps, il faut agiter le médicament pour le préserver. Sinon les particules précipitent au fond du flacon, et se séparent. »
Oui les crises sont salutaires et nécessaires pour un renouveau ou renouveler un équilibre qui sied à tous. La crise d'asthme qui plonge Thomas, personnage principal, dans le coma représente une de ces secousses sismiques, violentes à vivre mais dont on peut dire avec le recul qu'elles ont aidé à éclairer autrement une situation, un noeud, une impasse pour mieux s'en dégager ou inventer. le couple est-il un médicament ? Un médicament pour sauver de quoi ? Un médicament auquel on se raccroche pour tenir en équilibre ce qui est prêt à s'effondrer depuis longtemps, depuis toujours peut-être ? Un médicament pour colmater les failles, les fêlures d'enfance…Un médicament qui fait effet un temps avant une date butoire, de péremption ?
On ne se rencontre pas par hasard et les deux héros portent tous les deux leurs deuils douloureux, leurs soucis de perfection pour s'inscrire et taire une culpabilité étouffante et ainsi se sont parfaitement emboîtés pour faire front dans l'existence. Thomas comme Olivia tous les deux tentent de faire pour le mieux, tout le temps, répondre à l'image ou aux besoins des autres…
Au risque bien connu de s'oublier….Oui les crises sont salutaires pour se retrouver mais sont rarement sans pertes…
L'écriture est irréprochable et le parallèle entre le maintien d'une affaire et celui d'un couple est intéressant. Avec malheureusement toujours ce sentiment réservé : le couple parfois m'est apparu comme un prétexte dans ce récit lequel est d'avantage porté, ancré et exulté quand il nous parle de l'entreprise et des tractations commerciales. Les descriptions des décors et des ambiances sont pointues et détaillées comme des tableaux passés à la loupe ; les caractères secondaires, même travaillés par petites touches par le peintre, retranscrivent à merveille les constructions défensives de chacun au regard des drames éprouvés. Et pourtant toujours ce sentiment confus, inconfortable et persistant dans le parallèle que je reconnais pertinent, bien réfléchi, extrêmement bien documenté…peut-être trop comme une oeuvre exagérément réaliste, ciselée, dont on ne verrait que trop les brouillons crayonnés et exigeants sous l'acrylique afin d'aboutir à un résultat lynché mais inexpressif, une oeuvre picturale devant laquelle il m'a été malheureusement impossible de ressentir autre chose que de l'ennui.
Je ne peux donc que reconnaître beaucoup de qualités à ce premier roman, et pourtant… C'est certainement une histoire de liant ; l'ossature narrative, et démonstrative, pour entremêler un couple avec une opération de sauvetage industriel qui ne prend pas, une alchimie qui n'aurait pas fonctionné…avec moi !! Ca ne circule pas, manque d'air ou de fluidité…Une rencontre à remettre à plus tard, peut-être..